PARIS: Vélos, trottinettes, caddies et même écran plat: on trouve de tout dans les eaux troubles du bassin de La Villette, pourtant un lieu de baignade estival à Paris où une opération de nettoyage et de sensibilisation a eu lieu samedi.
Pour la troisième fois en un quart d'heure, sous le regard d'un public fasciné, sur le quai de la Seine dans le XIXe arrondissement, Mehdi Bouriah perçoit un coup sec sur la corde entre ses mains, synonyme de prise à extraire. Jambes fléchies, le plongeur de 23 ans remonte en quelques secondes un vélo en libre-service rouillé et couvert d'algues.
Juste avant, son collègue Théo Richomme, dans son scaphandre autonome, avait déjà extrait, amarrés à un puissant crochet, une poussette et un énorme écran plat enfouis à 3 mètres de profondeur.
"Un écran plat, c'est la première fois", s'amuse Mehdi Bouriah tandis que l'autre scaphandrier sort de l'eau couvert d'algues. "On peut trouver de tout, c'est vraiment une déchetterie en dessous", commente Théo Richomme qui, sous l'eau, n'y voyait qu'à un mètre.
En deux heures, les six hommes du prestataire Fluvial nettoyage avaient déjà ramassé une vingtaine de Vélib' et cinq trottinettes du bassin (800 m sur 70), remplissant déjà la moitié d'une benne de 15 m3.
Et pourtant, "ce n'est pas un secteur sur lequel on ramasse énormément", assure le président de l'entreprise spécialisée Grégory Pech, selon lequel les "endroits moins fréquentés" comme le canal de l'Ourcq à Pantin (Seine-Saint-Denis), plus au nord, sont ceux qui concentrent "le plus de vélos".
Statuette en or ou armes
Quand ce ne sont pas des scooters, plus rares, ou des objets plus insolites: un coffre-fort, une statuette de bouddha en or ou un sac d'armes, raconte Mehdi Bouriah.
Lieu de rassemblement festif et donc de fins de soirées éméchées, le bassin de La Villette donne plutôt lieu à des concours de saut sur Vélib, selon ces pêcheurs en milieu hostile, qui opèrent depuis une ancienne barge ostréicole.
"C'est tellement entouré de gens sales que dans un mois, il y en aura autant, cela ne va pas rester (propre) comme ça", peste Sandrine Macé.
Cette riveraine de 53 ans estime que les auteurs de ces incivilités "n'ont rien à faire d'autre, malheureusement. Cela les amuse: on prend ce qu'on trouve et on le met dans le canal".
Depuis 2017, le bassin est pourtant redevenu un lieu de baignade estival avec l'animation Paris Plages, revenue poser ses parasols, chaises longues et cabanes du 9 juillet au 21 août. Et samedi, l'opération de nettoyage collectif, baptisée Ménage ton canal, avait aussi investi un lieu de baignade éphémère en plein centre du canal Saint-Martin.
Parmi les heureux nageurs, les adjoints à la mairie Pierre Rabadan, chargé de faire de la Seine un fleuve où l'on pourra se baigner pour les JO de 2024, et Dan Lert, en charge de la transition écologique.
"Il y a des relevés tous les jours", rassure Dan Lert (EELV), interrogé dans sa combinaison noire et bleue par l'AFP. "Si l'eau n'est pas de bonne qualité, elle n'est pas ouverte à la baignade", ce qui est déjà arrivé, rappelle-t-il.
"Je fais confiance, ça n'a pas l'air trop pollué", positive Chantal Decourbe, une habitante de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) âgée de 63 ans.
«Prendre soin» du canal
Les différentes opérations de nettoyage menées samedi sur le canal ont permis le ramassage de quatre tonnes de déchets, a indiqué Vianney Delourme, président d'Enlarge Your Paris, un média local à l'origine de l'initiative.
"C'est la démonstration de tout ce qu'on peut faire pour prendre soin de cet environnement particulier", dit-il en maillot de bain.
Resté en chemise, Sylvain Raifaud, le président du syndicat Autolib' Vélib' métropole (SAVM), doit lui faire face au mécontentement persistant des utilisateurs de Vélib', qui fête ses 15 ans en cette mi-juillet, depuis que Smovengo a remplacé JCDecaux comme opérateur en 2018.
Mais aussi à celui de Fluvial Nettoyage, payé pour ses ratissages de canal par les opérateurs privés de trottinettes et de vélos (Lime, Dott, Tier) mais pas par Smovengo, alors que les Vélib' sont ultra-majoritaires dans les "repêches".