KHARTOUM: Au moins 14 personnes ont été tuées dans des affrontements tribaux dans l'État soudanais du Nil Bleu, frontalier de l'Éthiopie, ont rapporté vendredi habitants et dignitaires locaux à l'AFP.
Les affrontements entre les tribus Haoussa et Barti ont débuté lundi dans le district de Qissan, avant de cesser puis de reprendre vendredi avec "14 morts issus des deux tribus fauchés par des armes à feu", a indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat une source suivant la situation.
Des sources médicales à l'hôpital d'al-Damazine, chef-lieu du Nil Bleu, ont en outre confirmé l'admission d'une quarantaine de blessés, certains graves, et lancé un appel au don de sang dans toute la région.
Contactés par l'AFP, des chefs des deux tribus rivales ont confirmé compter des morts dans leurs rangs respectifs, mais ont refusé de donner un bilan exact.
Un dignitaire des Haoussas a expliqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat également, que les violences avaient éclaté parce que son clan réclame "la formation d'une autorité civile locale pour superviser l'accès aux terres, ce que refusent les Bartis".
Côté barti, un dignitaire qui a, lui aussi, refusé que son nom soit exposé, a affirmé que son clan avait répondu "à une violation des terres des Bartis" par les Haoussas. "Ces terres sont à nous, donc si on veut former une autorité locale, elle sera composée uniquement de Bartis et non de Haoussas", a-t-il martelé.
Le syndicat des médecins pro-démocratie, qui regroupe des praticiens de tous les États du Soudan, a appelé en ligne "les cadres de santé du Nil Bleu à agir vite malgré les moyens inexistants", tout en accusant les autorités locales d'avoir manqué à "leurs devoirs légal et moral de protéger les habitants".
En soirée, le gouverneur Ahmed al-Omda a pris un arrêté interdisant "tout rassemblement ou défilé pour un mois dans l'État du Nil Bleu", disant redouter que de tels attroupements constituent "une menace pour la sécurité et l'ordre public", sans toutefois évoquer les heurts ou la question tribale plus généralement.
La région de Qissan et plus généralement l'État du Nil Bleu est en proie à une rébellion depuis 1986. La guérilla sudiste a longtemps été une épine dans le pied de la dictature d'Omar el-Béchir, écarté par l'armée sous la pression de la rue en 2019.
Le nouveau pouvoir militaire, issu d'un putsch deux ans après la chute de Béchir, n'a jusqu'ici pas commenté les incidents meurtriers à Qissan.
Pour les experts, le vide sécuritaire créé par ce coup d'État a favorisé une résurgence des violences tribales dans un pays où chaque année des centaines de civils meurent dans des affrontements entre éleveurs et agriculteurs pour l'accès à l'eau ou aux terres.