Au Kazakhstan, l'ombre pesante des émeutes du «janvier sanglant»

Sur cette composition de l'artiste Saule Souleïmenova, on reconnaît les imposants bâtiments soviétiques de la place de la République et la colonne édifiée pour célébrer l'indépendance du Kazakhstan en 1991. (AFP)
Sur cette composition de l'artiste Saule Souleïmenova, on reconnaît les imposants bâtiments soviétiques de la place de la République et la colonne édifiée pour célébrer l'indépendance du Kazakhstan en 1991. (AFP)
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Publié le Jeudi 14 juillet 2022

Au Kazakhstan, l'ombre pesante des émeutes du «janvier sanglant»

  • L'oeuvre, qui couvre un mur entier, est constituée de multiples morceaux de plastique. Ceux de couleur rouge sont recouverts d'un vernis scintillant
  • «Avec cette couleur, je voulais exprimer notre état d'esprit depuis le début de l'année», explique Saule Souleïmenova, âgée de 52 ans

ALMATY: Du rouge partout. Des dizaines de nuances de rouge composent une fresque artistique représentant la place principale d'Almaty, au Kazakhstan, épicentre d'émeutes sanglantes qui ont traumatisé il y a six mois ce pays d'Asie centrale.

Sur cette composition de l'artiste Saule Souleïmenova, on reconnaît les imposants bâtiments soviétiques de la place de la République et la colonne édifiée pour célébrer l'indépendance du Kazakhstan en 1991.

L'oeuvre, qui couvre un mur entier, est constituée de multiples morceaux de plastique. Ceux de couleur rouge sont recouverts d'un vernis scintillant.

"Avec cette couleur, je voulais exprimer notre état d'esprit depuis le début de l'année", explique à l'AFP Saule Souleïmenova, âgée de 52 ans.

Début janvier, le Kazakhstan a été secoué par des protestations contre la hausse des prix du carburant qui ont dégénéré à Almaty en affrontements entre la police et des manifestants. Bilan: 238 morts et des centaines de blessés.

Le gouvernement a été accusé d'avoir tiré sans distinction sur la foule et d'avoir torturé de nombreuses personnes interpellées lors des troubles. Sur fond de rivalités entre clans au pouvoir, le président, Kassym-Jomart Tokaïev, assure lui avoir déjoué un coup d'Etat "terroriste".

Ces violences ont fait voler en éclats l'image de stabilité du Kazakhstan, une ex-république soviétique qui a longtemps profité de ses importantes réserves d'hydrocarbures pour acheter la paix sociale, tout en écrasant l'opposition politique.

Depuis le "janvier sanglant", un sentiment d'injustice et des interrogations demeurent. Saule Souleïmenova explique que ce malaise collectif a été renforcé depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le grand allié traditionnel du Kazakhstan.

«Ils frappaient nos blessures»

Le 5 janvier, Akyljan Kiïssimbaïev protégeait des pillages un immeuble du centre d'Almaty quand des balles perdues ont commencé à transpercer les vitres du bâtiment.

Touché à la jambe, il a été opéré et des policiers l'ont interpellé dans son lit d'hôpital, puis, dit-il, frappé dans les couloirs de l'hôpital et en prison.

"Ils frappaient sur nos blessures", raconte cet ouvrier métallurgiste de 34 ans. "Ils nous disaient: +Vous êtes des terroristes!+".

Vêtu de ses seuls sous-vêtements, il a été présenté à un juge et placé en détention provisoire. Une mobilisation a permis sa libération fin janvier. Mais il est toujours poursuivi pour participation à des "émeutes" et risque huit ans de prison.

Les autorités ont reconnu des cas de tortures, certains ayant entraîné la mort. Plus de 240 enquêtes ont été ouvertes, mais elles n'avancent pas. Aucun des policiers soupçonnés d'avoir torturé Akyljan Kiïssimbaïev n'a été poursuivi.

Le président Tokaïev tente de tourner la page et a appelé à la fondation d'un "Nouveau Kazakhstan". En juin, il a fait voter des amendements constitutionnels qui ont réduit l'influence du clan de son prédécesseur, Noursoultan Nazarbaïev, 82 ans.

Rouslan Rafikov, un artiste kazakh, estime que les violences reviendront si les autorités n'améliorent pas le niveau de vie et poursuivent les répressions.

"Le militantisme citoyen n'a pas disparu (...) Au contraire, il se renforce", dit M. Rafikov, 46 ans, portant un T-shirt avec un message de soutien à l'Ukraine.

La Russie, un «partenaire toxique»

L'incertitude demeure aussi sur la scène étrangère. Pendant les violences de janvier, Moscou a envoyé des militaires au Kazakhstan pour soutenir M. Tokaïev.

Un mois plus tard, les troupes du Kremlin se lançaient à la conquête de l'Ukraine.

Malgré sa dette envers Moscou, le président Tokaïev a refusé de soutenir l'invasion, alors qu'une importante communauté russe vit dans le nord du Kazakhstan, faisant craindre le retour d'ambitions impériales de la Russie dans ces territoires.

Scène inhabituelle, lors d'un échange en juin avec Vladimir Poutine pendant un forum économique à Saint-Pétersbourg, M. Tokaïev a dit qu'il ne reconnaîtrait pas l'indépendance des territoires séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine.

Pendant cet échange, M. Poutine a mal prononcé à plusieurs reprises le prénom du président kazakh. Certains observateurs y ont vu une technique de déstabilisation.

La diplomatie kazakhe a, elle, promis d'interdire l'entrée sur son territoire au présentateur russe Tigran Kéossaïan, qui a accusé en avril les Kazakhs d'"ingratitude" et évoqué à demi-mot une invasion du pays par Moscou.

Pour le politologue Dossym Satpaïev, "Tokaïev comprend que la Russie est un partenaire toxique".


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.