Ukraine: réunion sur les céréales en Turquie, nouvelle aide financière occidentale

Une habitante passe devant un bâtiment détruit dans la ville de Lyssytchansk le 12 juillet 2022, au milieu de l'action militaire russe en cours en Ukraine. (AFP)
Une habitante passe devant un bâtiment détruit dans la ville de Lyssytchansk le 12 juillet 2022, au milieu de l'action militaire russe en cours en Ukraine. (AFP)
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Publié le Mercredi 13 juillet 2022

Ukraine: réunion sur les céréales en Turquie, nouvelle aide financière occidentale

  • Une réunion entre Russes et Ukrainiens en présence de représentants de l'ONU doit s'ouvrir mercredi en Turquie sur la difficile question des exportations des céréales via la mer Noire
  • Malgré l'Ukraine, le Brésil veut acheter «tout ce qu'il pourra» de diesel à la Russie

KIEV: Une réunion entre Russes et Ukrainiens en présence de représentants de l'ONU doit s'ouvrir mercredi en Turquie sur la difficile question des exportations des céréales via la mer Noire, sur fond d'aide financière accrue des Occidentaux à Kiev.

Sur le terrain des opérations militaires, l'armée ukrainienne a affirmé avoir bombardé dans la nuit de lundi à mardi les forces ennemies dans la région méridionale occupée de Kherson, tandis des missiles russes se sont abattus en nombre sur Mykolaïv, plus à l'ouest.

"Des délégations militaires des ministères turc, russe et ukrainien de la Défense, ainsi qu'une délégation des Nations unies, s'entretiendront demain à Istanbul sur la livraison en toute sécurité vers les marchés internationaux des céréales en attente dans les ports ukrainiens", a déclaré mardi le ministre turc de la Défense Hulusi Akar.

La Russie a confirmé cette rencontre, tout en soulignant qu'elle voulait notamment se garder "la possibilité de contrôler et de fouiller les navires pour éviter la contrebande d'armes".

L'Ukraine s'est de son côté dite "favorable au règlement de la question du déblocage des céréales ukrainiennes sous les auspices de l'ONU".

"Nous avons vu depuis quelques semaines que la Russie demandait conditions sur conditions à une telle réunion donc je reste prudente", a déclaré mardi soir la chef de la diplomatie française Catherine Colonna.

Toujours sur le front diplomatique, le Kremlin a annoncé mardi un entretien bilatéral entre les présidents russe Vladimir Poutine et turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays se pose en médiateur entre Kiev et Moscou, en marge d'un sommet sur la Syrie le 19 juillet à Téhéran avec leur homologue iranien Ebrahim Raïssi.

Parallèlement, selon Washington, l'Iran s'apprête à livrer "des centaines de drones" à la Russie.

Malgré l'Ukraine, le Brésil veut acheter «tout ce qu'il pourra» de diesel à la Russie

Le Brésil compte acheter autant de diesel qu'il pourra à la Russie malgré son invasion de l'Ukraine et les sanctions qui pèsent sur Moscou, a déclaré mardi à l'ONU le chef de la diplomatie brésilienne, Carlos Alberto Franco França.

Cette déclaration survient après une annonce du président brésilien Jair Bolsonaro selon laquelle un accord est "presque" sur le point d'aboutir à ce sujet avec la Russie.

"Nous devons être sûrs d'avoir suffisamment de diesel pour l'agro-industrie et pour les chauffeurs brésiliens", a expliqué le ministre à des journalistes en marge d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU présidée par le Brésil.

Le Brésil est "un partenaire stratégique" de la Russie, un pays dont elle est fortement dépendante pour les engrais, a rappelé le ministre.

Face au problème, non pas tant de la disponibilité du pétrole que du manque de raffinage, qui a réduit les réserves dans le monde, le Brésil "recherche la sécurité" en termes d'approvisionnement et "la Russie fait partie" de ces fournisseurs sûrs, a ajouté le chef de la diplomatie brésilienne.

Face à l'escalade des prix du carburant et à l'approche de la présidentielle d'octobre, Jair Bolsonaro -- proche de Vladimir Poutine -- a annoncé lundi qu'il était sur le point de conclure un accord pour acheter du diesel à la Russie, malgré les sanctions internationales.

Lors d'une conversation téléphonique avec son homologue russe le 26 juin, le président brésilien avait déjà obtenu de la Russie un engagement à garantir un approvisionnement "ininterrompu" en engrais, vital pour la puissante agro-industrie brésilienne.

Puissance agricole mondiale, le Brésil importe plus de 80% des engrais qu'il utilise, et plus de 20% d'entre eux proviennent de la Russie, son principal fournisseur.

Des milliards pour l'Ukraine 

Dans ce contexte, les Etats-Unis ont fait savoir mardi qu'ils allaient verser 1,7 milliard de dollars supplémentaires au titre de leur aide à l'Ukraine.

Cela doit porter à quatre milliards le montant total des sommes réglées par les Américains aux Ukrainiens depuis le déclenchement de la guerre.

Cette nouvelle contribution fait partie des 7,5 milliards de dollars promis à Kiev par le président américain Joe Biden en mai.

A Bruxelles, les ministres des Finances des Etats membres de l'Union européenne ont quant à eux donné leur feu vert au versement d'un milliard d'euros à l'Ukraine, faisant passer à 2,2 milliards d'euros le total de l'assistance financière des Vingt-Sept à ce pays depuis le début de l'invasion russe le 24 février.

Le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a pour sa part souligné qu'environ 13,8 milliards d'euros d'avoirs d'oligarques et d'entités avaient été gelés dans l'UE dans le cadre des sanctions contre la Russie.

Combats dans la région de Kherson 

Sur le front sud, l'Ukraine a déclaré avoir frappé dans la nuit de lundi à mardi les troupes russes à Nova Kakhovka, provoquant la mort de 52 soldats et détruisant un dépôt de munitions.

Des vidéos sur les réseaux sociaux montraient un champignon de fumée de plusieurs dizaines de mètres de hauteur.

Les autorités d'occupation mises en place par les Russes, qui ont accusé l'armée ukrainienne d'avoir touché des maisons et tué au moins sept personnes, ont dénoncé un "acte de terrorisme".

Limitrophe de la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014, cette zone est largement aux mains des militaires russes.

Les Ukrainiens y mènent depuis plusieurs semaines une contre-offensive tandis que le gros des unités russes est déployé dans la région minière du Donbass, dans l'est.

Frappes «massives» de missiles 

Dans la partie méridionale de l'Ukraine, les Russes ont procédé très tôt mardi à des frappes "massives" de missiles sur Mykolaïv, touchant deux établissements médicaux et des immeubles d'habitation, selon le maire de cette ville Oleksandre Senkevytch.

Il a aussi évoqué mardi soir la "destruction complète" d'une école, annonçant un bilan global de 12 blessés.

Au moins 19 missiles Smerch et Tornado ont été tirés, a précisé le gouverneur de la région Vitaly Kim, qui a fait état de douze blessés.

"La terreur russe a franchi depuis longtemps la ligne au-delà de laquelle il est devenu évident pour beaucoup dans le monde civilisé que punir la Russie, un Etat terroriste, pour tout ce qu'elle a fait en Ukraine est une question de sécurité mondiale", a commenté le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

"La guerre continue. Il ne se passe pas un jour sans bombardements russes", a insisté le président ukrainien dans son adresse de mardi soir.

L'armée russe, de son côté, a dit avoir détruit un système Harpoon avec un missile Iskander à Berezan, dans la région d’Odessa (sud), ainsi que des unités militaires et des dépôts de munitions dans le district de Matviivka de la région de Mykolaïv.

«On ne peut pas fuir la guerre»

Dans l'est de l'Ukraine, Kiev s'attend à une nouvelle offensive russe dans la région de Donetsk, formant le Donbass --partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses-- avec celle de Lougansk dont les Russes ont affirmé s'être complètement emparés.

Le bilan du bombardement russe dimanche d'un immeuble d'habitation à Tchassiv Iar, dans ce même bassin minier, a grimpé à 45 morts au moins, selon le dernier bilan des secours ukrainiens.

A Bakhmout, une autre localité de la région de Donetsk, des tirs d'artillerie se sont fait entendre mardi dans un centre-ville quasi déserté.

"On ne peut pas fuir la guerre et on ne sait jamais où elle va vous trouver", a simplement résumé Lioubov Mojaïeva, une agronome de 60 ans.

"Le front se rapproche", constate, résigné, Dmytro Podkuyidko, un responsable de la mairie.

Dans le nord-est, à Kharkiv, cinq personnes ont été blessées dans de nouveaux bombardements, ont déploré les autorités régionales.

Pendant ce temps, à Moscou, l'ambassade de la province séparatiste de Donetsk a été inaugurée mardi, en présence du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »