Au Sri Lanka, baignade festive dans la piscine du président en fuite

Des manifestants participent à une manifestation anti-gouvernementale devant le bureau du président à Colombo, le 9 juillet 2022. (AFP)
Des manifestants participent à une manifestation anti-gouvernementale devant le bureau du président à Colombo, le 9 juillet 2022. (AFP)
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Publié le Dimanche 10 juillet 2022

Au Sri Lanka, baignade festive dans la piscine du président en fuite

  • Après avoir réussi à pénétrer dans le palais présidentiel, et forcé Gotabaya Rajapaksa à s'échapper, des Sri-Lankais s'en sont donné à coeur joie à l'intérieur de l'enceinte de l'édifice
  • Des dizaines d'hommes ont tombé la chemise et plongé dans la piscine, certains en sauts périlleux

COLOMBO : Plonger dans la piscine, prendre des selfies ou se prélasser sur le lit du président: les manifestants sri-lankais qui ont envahi samedi à Colombo la résidence officielle du chef de l'Etat n'ont pas seulement provoqué sa fuite, ils ont aussi profité des lieux, tournant en dérision le dirigeant détesté.

Après avoir réussi à pénétrer dans le palais présidentiel, et forcé Gotabaya Rajapaksa à s'échapper, point culminant de plusieurs mois de mécontentement social, des Sri-Lankais s'en sont donné à coeur joie à l'intérieur de l'enceinte de l'édifice.

Des dizaines d'hommes ont tombé la chemise et plongé dans la piscine, certains en sauts périlleux. D'autres se sont prélassés sur les pelouses soigneusement tondues, d'autres encore filant tout droit dans les appartements privés du président.

La crise économique et politique au Sri Lanka

Le Sri Lanka, dont le président a fui samedi son palais pris d'assaut par des manifestants, est secoué par des protestations et de violents affrontements depuis trois mois, sur fond de grave crise économique.

Cette île d'Asie du Sud de 22 millions d'habitants est confrontée à sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948, subissant des pénuries d'essence, d'électricité et une inflation record.

Les attentats islamistes de Pâques 2019, puis la pandémie de Covid-19 ont asséché les réserves de devises étrangères pourvues par les revenus du tourisme et les transferts de fonds de la diaspora.

Nuit de violences

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, des centaines de manifestants tentent de prendre d'assaut la résidence du président Gotabaya Rajapaksa à Colombo et réclament sa démission.

Etat d'urgence et couvre-feu

Le 1er avril, les manifestations s'étendent au pays, le président proclame l'état d'urgence.

Le 2, un couvre-feu de 36 heures est instauré, bravé par des centaines de manifestants. Déploiement de l'armée en soutien des forces de l'ordre.

Démissions en cascade

Le 3, démission du gouvernement à l'exception du Premier ministre Mahinda Rajapaksa, frère aîné du président.

Le 4, levée du couvre-feu. L'opposition rejette l'invitation du président à former un gouvernement d'union nationale. Démission du gouverneur de la Banque centrale.

Le président perd sa majorité

Le 5, le président Rajapaksa perd sa majorité au Parlement, la coalition au pouvoir Podujana Party ayant subi une série de défections.

Levée de l'état d'urgence.

Manifestation record à Colombo

Le 9, des dizaines de milliers de personnes manifestent à Colombo contre le président, à l'appel des réseaux sociaux et des Eglises anglicane et catholique, rejoints par le patronat.

Des milliers de protestataires commencent à camper devant le bureau présidentiel.

Défaut de paiement

Le 12, le pays, à court de devises, fait défaut sur le remboursement de sa dette extérieure de 51 milliards de dollars, déclarant qu'il s'agit de son "dernier recours" pour importer les produits essentiels.

Nouveau gouvernement

Le 18, nouveau gouvernement. Le président écarte deux de ses frères et un neveu, mais conserve son frère aîné comme Premier ministre.

Premier mort dans les manifestations

Le 19, la police tue un homme, premier mort depuis le début des protestations.

Le 20, le Fonds monétaire international, avec lequel le Sri Lanka a entamé des discussions pour obtenir une aide de trois à quatre mds de dollars, demande au gouvernement de "restructurer" la colossale dette extérieure avant toute finalisation d'un programme de renflouement.

Grèves générales

Le 28 avril, puis le 6 mai, des grèves générales paralysent le pays.

Le président réimpose l'état d'urgence.

Démission du Premier ministre

Le 9 mai, le Premier ministre démissionne après de violentes attaques de ses partisans contre les manifestants (9 morts et plus de 225 blessés, selon la police).

Couvre-feu général.

Evacuation par l'armée

Le 10, l'armée exfiltre l'ex-Premier ministre de sa résidence à Colombo, menacée par les manifestants.

L'ONU dénonce l'escalade de la violence et appelle l'armée à "faire preuve de retenue". Le ministère de la Défense donne l'"ordre de tirer à vue".

Gouvernement d'union

Le 12, le président nomme Ranil Wickremesinghe nouveau Premier ministre en vue d'un gouvernement d'union.

Couvre-feu levé le 15, à l'occasion d'une importante fête bouddhiste.

Privé d'essence

A court de dollars, le gouvernement s'avoue incapable mi-mai de payer des cargaisons de pétrole russe. La livraison intervient finalement le 28 mai.

Les pénuries d'essence entraînent de longues files d'attente. En six mois, le prix du diesel a grimpé de 230%, celui de l'essence de 137%.

Le 31, annonce de fortes hausses des taxes et impôts.

Menace de famine

Le 3 juin, le gouvernement, qui craint une famine, réclame l'aide de l'ONU, qui promet un plan d'urgence.

Des soldats ouvrent le feu

Le 18, des soldats ouvrent pour la première fois le feu pour contenir une émeute (7 blessés).

Le 27, les ventes de carburants sont suspendues pour deux semaines, excepté dans les secteurs essentiels comme la santé.

Fin juin, le PIB enregistre une chute de 1,6% au premier trimestre. L'inflation atteint 54,6% en juin, nouveau record.

Président en fuite

Le 9 juillet, le président Rajapaksa fuit son palais pris d'assaut par des centaines de manifestants. Selon le président du Parlement, il démissionnera "le 13 juillet" pour "assurer une transition pacifique".

Le Premier ministre se dit lui prêt à démissionner pour laisser la place à un gouvernement d'union nationale. Des manifestants prennent d'assaut sa résidence avant de l'incendier.

"Nous sommes dans la chambre de Gotabaya, voici les sous-vêtements qu'il a laissés derrière lui", a lancé un jeune homme en brandissant un slip noir, dans une vidéo en direct largement partagée sur les réseaux sociaux. "Il a aussi laissé ses chaussures derrière lui".

Honni des manifestants qui le jugent responsable de la profonde crise économique que traverse le Sri Lanka depuis plusieurs mois, le président venait tout juste de quitter les lieux, grâce aux soldats qui ont tiré en l'air pour lui permettre de s'échapper.

Tour à tour, des manifestants se sont prélassés sur son grand lit, ou les confortables canapés des salons. Certains se sont servis dans le garde-manger, éparpillant çà et là snacks et boissons.

"J'ai été surpris de voir qu'un climatiseur fonctionnait dans sa salle de bains. Alors que nous subissons des coupures de courant sans fin", a déclaré par téléphone à l'AFP un homme entré dans le palais.

«Nous ne devons pas être des voleurs»

Cette ambiance festive tranchait avec la confrontation tendue qui avait eu lieu plus tôt dans la journée entre des centaines de milliers de manifestants et les forces de sécurité.

La police avait fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour repousser les assaillants. Mais certains, en s'emparant  d'un camion de police, ont pu forcé des barrages et escaladé les hautes grilles.

Une fois le palais envahi, le nombre de policiers et de militaires de garde a fondu. Des policiers d'élite sont restés postés dans la résidence, mais sans en déloger les intrus qui s'y promenaient à leur aise.

Grimpant à une grille, un étudiant a exhorté la foule à ne pas piller ou dégrader la résidence d'Etat, qui abrite une collection d'objets inestimables.

"Nous avons traité Gota de voleur et l'avons poussé à la fuite, s'il vous plaît, ne prenez rien dans le palais", a-t-il demandé. "Nous ne devons pas être des voleurs comme les Rajapaksas".

Depuis des mois, en raison des pénuries répétées de nourriture, d'électricité, de carburants et de médicaments, de nombreux Sri-Lankais réclament la démission du président et de plusieurs membres de sa famille au pouvoir.

Gotabaya Rajapaksa vivait dans la résidence officielle, habituellement réservée à la réception des dirigeants étrangers, depuis seulement avril dernier, après que des milliers de manifestants ont alors tenté d'envahir son domicile privé lors d'une grande manifestation.

Son domicile ne fut pas envahi mais il s'était installé au palais dans l'espoir, finalement vain, d'y être plus en sécurité.

Il reste président, a fait savoir à l'AFP une source au ministère de la Défense, protégé par l'armée dans un lieu tenu secret.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »