BEYROUTH: La fermeture du dernier couloir humanitaire de l'ONU entre la Turquie et les zones contrôlées par les jihadistes et les rebelles dans le nord-ouest de la Syrie serait une « catastrophe » pour des millions de personnes, a averti un responsable onusien.
« Il s'agit de l'une des populations les plus vulnérables au monde. Il est absolument essentiel que nous maintenions cette bouée de sauvetage », a déclaré Mark Cutts, coordinateur adjoint régional de l'ONU pour la Syrie, lors d'un entretien en ligne le week-end à Beyrouth.
Le Conseil de sécurité des Nations unies doit se réunir dans les prochains jours pour se prononcer sur le renouvellement de l'autorisation donnée à l'ONU pour acheminer l'aide humanitaire en Syrie via le point de passage de Bab al-Hawa à la frontière syro-turque.
Cette aide, en place depuis 2014 et dont l'autorisation expire le 10 juillet, est destinée aux quelque 2,4 millions de personnes dans la région d'Idleb tenue en grande partie par les groupes jihadistes et les rebelles.
Ce passage, le seul que l'ONU est autorisée à utiliser, permet d'éviter les zones contrôlées par le régime syrien.
Véto russe craint
Présente militairement en Syrie, la Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad, a déjà restreint les accès transfrontaliers au motif qu'ils violaient la souveraineté syrienne et pourrait opposer son veto.
« Nous savons qu'il y a davantage de politisation que les années précédentes. Les tensions sont très fortes avec la guerre en Ukraine », a rappelé M. Cutts.
Plus de 4 600 camions d'aide transportant principalement de la nourriture ont traversé le passage de Bab al-Hawa cette année, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Ces livraisons sont cruciales, les besoins humanitaires en Syrie ayant atteint leur plus haut niveau depuis le début d'un conflit en 2011 qui a tué près d'un demi-million de personnes et déplacé environ la moitié de la population d'avant-guerre.
La province d'Idleb abrite plus de quatre millions de personnes, en majorité des déplacés vivant dans la pauvreté.
Environ 13,4 millions de Syriens avaient besoin d'aides l'année dernière, contre 11,1 millions en 2020, selon l'OCHA.
« Zone de guerre »
Des alternatives sont envisagées par des ONG en cas de non-renouvellement de l'autorisation, ont déclaré sous couvert d'anonymat des responsables d'ONG.
Parmi les hypothèses, celles d'un renforcement des livraisons depuis Damas, aux mains du régime, et de la formation d'un consortium d'organisations internationales qui pourraient fournir de l'aide depuis la Turquie à la place de l'ONU.
L'ONU envisage elle des plans d'urgence, mais M. Cutts estime qu'ils seraient insuffisants.
Selon lui, l'objectif de l'ONU est « de veiller à ce que l'aide ne soit pas détournée vers un groupe armé ».
« Sans le rôle onusien, il sera plus compliqué de rendre des comptes, et il y aura moins de transparence. »
La Russie fait valoir que l'aide humanitaire est possible via Damas sans utiliser le dispositif transfrontalier, mais M. Cutts avance que l'ONU n'a réussi à organiser que cinq livraisons jusqu'à présent.
« Nous essayons d'avoir le meilleur accès possible à partir de différentes routes », a-t-il ajouté. Mais la province d'Idleb « reste une zone de guerre et l'accès transfrontalier dépend toujours de la coopération entre les parties au conflit ».
Mardi, l'ONG Amnesty International a accusé le gouvernement syrien d'abandonner à leur sort les Syriens déplacés dans des zones hors de son contrôle.
« Le gouvernement a coupé l'électricité et l'eau, gêné l'aide et attaqué des camps, des installations médicales et des écoles, obligeant les organisations humanitaires à intervenir », a-t-elle affirmé dans un communiqué.
Selon Amnesty, « le mécanisme transfrontalier existant est la seule solution efficace pour fournir une aide humanitaire adéquate ».