PARIS: Derrière les postes clés, une autre bataille, parfois "virile", se joue à l'Assemblée: celle qui consiste à dégoter le meilleur bureau entre ceux parfois vétustes mais prestigieux du Palais Bourbon, et ceux plus modernes mais plus éloignés dans les annexes.
"Chaque fois, c’est la guerre pour savoir qui sera le plus près de l’hémicycle" parmi les 577 députés, confie un collaborateur de la majorité, pour qui, "malgré certains bureaux qui peuvent tomber en désuétude, le Palais reste le top du top".
Car lorsque la sonnerie retentit pour un scrutin, 5 petites minutes s'écoulent avant le vote. Un délai d'autant plus crucial en cas de majorité serrée, comme cela risque d'être souvent le cas désormais.
Avoir le bon bureau, "c'est la quête du Graal", plaisante Philippe Gosselin (LR), raillant certains "piailleurs" mécontents de leur sort.
Il liste ceux qui veulent être "à côté du Saint des saints" au Palais Bourbon, ou "pas très loin" rue Aristide Briand (le "3AB"), et ceux qui visent le "101" rue de l'Université, avec ses "commodités" comme des douches ou clic-clac. Les "bureaux-lits" sont habituellement réservés à ceux qui viennent de loin.
Chacun de ces sites compte respectivement 262 bureaux, 160 et 247 pour les députés, mais aussi leurs collaborateurs et les groupes politiques.
Faute de place sous la dernière mandature, le groupe "Libertés et territoires" avait d'ailleurs eu droit un temps à un préfabriqué. Cette année, au sein du groupe LR, on s'inquiète d'être délogé, vers des locaux moins spacieux.
Ugo Bernalicis (LFI) confirme que la question du bureau "n’est pas neutre". A ses yeux, ceux du "101" cochent "le plus de cases", courir jusqu'à l'hémicycle étant "jouable avec le tunnel" qui relie l'annexe au Palais.
Mais en étant au "101", on est "sans arrêt en train de courir", lâche Marie-Christine Dalloz (LR), qui a de la pratique après déjà trois mandats.
La répartition des bureaux fait l'objet de négociations entre groupes politiques, qui eux- mêmes répartissent ensuite les m2 entre leurs membres.
Elu depuis 20 ans, le chef de file des députés communistes André Chassaigne assure de son côté à l'AFP que la répartition est "un casse-tête pour un président de groupe", avec des députés souvent très revendicatifs.
«Au pied de biche»
Il se souvient de l'élu PCF Maxime Gremetz, coutumier des coups de sang et qui a exercé plusieurs mandats entre 1978 et 2011, y était allé... au pied de biche pour annexer un bureau convoité. Il avait été "sanctionné après".
Dans les couloirs de l'Assemblée, certains nouveaux arrivants assurent ne pas se soucier de cette question.
"Je choisis mes batailles et le bureau n’en fait pas partie", dit ainsi Nicolas Metzdorf, élu de la majorité en Nouvelle-Calédonie.
A ses côtés, Philippe Dunoyer, également élu en Nouvelle-Calédonie, relève que les ultra- marins ne sont "pas forcément prioritaires" pour être proches de l’hémicycle, tout en admettant que dans la configuration actuelle ça peut être utile, "quand ça sonne pour un scrutin et qu’il faut se carapater".
"Moi je ne me bats pas pour un bureau, plutôt pour avoir des responsabilités", dit aussi Erwan Balanant (MoDem). Il reconnaît toutefois qu'il peut y avoir des "batailles", par exemple pour des bureaux historiques où ont siégé certaines figures. "Des gens ont pris des bureaux de façon un peu virile en installant leurs affaires", témoigne-t-il.
Réélu, Thomas Mesnier (Horizons) s'apprête, lui, à quitter son grand bureau de rapporteur général de la commission des Affaires sociales, "au cœur du Palais", ce qui est "un luxe indéniable et très très pratique pour le travail". Mais l'élu charentais voit aussi "des avantages à être au 101", les lits évitant "l’intendance un peu pénible de devoir réserver une chambre" dans la résidence de l'Assemblée, qui en compte 51, ou à l'hôtel.
En attendant d’avoir un bureau, Mikaele Seo (groupe Renaissance), tout juste débarqué de Wallis et Futuna, explique avoir dû aller "travailler au café".
D'autres "sans bureau fixe" passent des coups de fil depuis les salons.