PARIS : Avec cravate ou vestes de couleur, les 89 députés du RN affichent leur émotion et leur "sérieux" en arrivant mercredi à l'Assemblée nationale, jouant le contraste avec le "cirque" imputé à la Nupes ou le "melon" reproché à la majorité.
"La culture +paquet de nouilles+ et +tee-shirt de foot+, non merci! Je vais laisser cela à (François) Ruffin et autres zadistes de la LFI", avait prévenu leur cheffe de file Marine Le Pen. "Il faut faire dignement notre travail de député, dans le respect de la Constitution, de la République" et se "comporter de manière impeccable".
Les nouveaux élus d'extrême droite ont donc été priés de venir en cravate, ce qui n'était pas le cas mardi des députés de l'alliance de gauche de la Nupes.
Surprise des législatives, le RN a obtenu sans scrutin proportionnel ni alliances un groupe de députés dix fois plus nombreux qu'en 2017.
Serge Muller, 46 ans, député de la 2e circonscription de Dordogne, est "pensif et ému". Cravate bordeaux, l'aide-soignant fait partie des novices. Jamais élu localement, c'est son premier mandat.
Arrivé en voiture à 3H00, ce militant entend "porter la parole des soignants en extrême souffrance" mais aussi sillonner sa circonscription. "Le lieu de travail ne sera plus le même, par contre le relationnel avec les gens sera identique".
«Petit nuage»
"Je suis sur un petit nuage", confie Emeric Salmon, salarié du parti devenu député de Haute-Saône. "La dame du bureau de poste m'a dit : +Vous êtes notre nouveau député+ et j'ai trouvé ça magnifique".
"Vous ne nous verrez pas danser devant" l'Assemblée nationale, assure Alexandre Loubet, élu de Moselle et directeur de la communication du RN, tandis que son collègue Laurent Jacobelli accuse la France insoumise d'être "plus proche du cirque que de la responsabilité républicaine".
"Tu l'as fait, bravo!". Caroline Parmentier, attachée de presse de Mme Le Pen élue dans le Pas-de-Calais, embrasse sa collègue Florence Goulet. "On est tellement heureuses et honorées".
Emmanuel Blairy, réélu dans le Pas-de-Calais, dit son "envie de travailler". La direction du RN souhaite que les nouveaux élus "participent pleinement à l'activité" du Palais-Bourbon et soient aussi présents sur le terrain.
Car il s'agit de faire oublier le manque d'assiduité de leurs six prédécesseurs et relever le défi de la compétence.
Les sortants ont été priés de s'investir dans les commissions pour y guider les novices. Sébastien Chenu, porte-parole du RN, est pressenti pour briguer une vice-présidence de l'Assemblée nationale. Mme Le Pen devrait rester à la très régalienne commission des Affaires étrangères.
«Une frustration tombe»
"Le problème, c’est pas les immigrés, c'est les trois degrés" de réchauffement climatique, peut-on lire sur une banderole noire brandie à l'entrée du Palais-Bourbon où passent les députés RN.
Mme Le Pen dit son "émotion" et sa "fierté". Plusieurs élus se réjouissent que le président du Sénat, Gérard Larcher, soit favorable à ce que le RN obtienne la tête de la très stratégique commission des Finances.
"Il y a une frustration qui tombe aujourd'hui" pour une famille longtemps "ostracisée", se réjouit Laure Lavalette, députée du Var.
Lors d'une réunion en visioconférence mardi, la cheffe de file du RN a aussi souhaité que ses députés ne prennent pas "le melon", allusion au "mépris" que le RN voit chez les macronistes.
Pour autant, cette attitude "responsable" ne veut pas dire "ne pas s'opposer", selon Marine Le Pen, déterminée à "mettre en œuvre le blocage de toutes les réformes (...) nocives, au premier rang desquelles la retraite à 65 ans".
"C’est l’exercice d’équilibre permanent qui s’impose au parti: crédibilité et transgression, respect des règles formelles de la République et volonté de renverser la table", analyse le politologue Jean-Yves Camus.
Le RN entend présenter un premier texte sur la "lutte contre l'islamisme" et l'interdiction du port du voile, et "amender" le projet de loi sur le pouvoir d'achat. Rien n'est tranché, en revanche, sur le vote ou non d'une motion de censure.
La députée Emmanuelle Ménard figure sur le trombinoscope des députés RN mais elle ne siégera pas dans leur groupe, ni sans doute Nicolas Dupont-Aignan, qui donnera sa décision lundi.