HONG KONG: Alors que minuit sonnait le 30 juin 1997, Hong Kong passait de la couronne britannique à la souveraineté chinoise, Lee Wing-tat, député pro-démocratie, se tenait avec ses collègues sur le balcon du Conseil législatif de la ville pour manifester.
Hong Kong célèbre vendredi le 25e anniversaire de sa rétrocession et le mitan du système "Un pays, deux systèmes" en vertu duquel la ville devait conserver pendant 50 ans une certaine autonomie.
Mais dès les premières heures, les lignes de fracture qui allaient traverser la politique de Hong Kong pour les deux décennies suivantes étaient tracées.
Furieuse des tentatives de dernière minute du gouverneur britannique sortant Chris Patten d'introduire des éléments de démocratisation, la Chine a annoncé l'expulsion de tout député ayant ouvertement soutenu celles-ci.
Ainsi, à l'aube du 1er juillet, Lee Wing-tat et nombre de ses collègues étaient démis de leurs mandats.
M. Lee a passé cette nuit-là au Conseil législatif pour y faire entrer ceux dont l'habilitation avait expiré après minuit et protester contre leur expulsion.
"C'est un moment où tous les Chinois doivent se sentir fiers", avait déclaré le fondateur du Parti démocratique Martin Lee. "Nous espérons que Hong Kong et la Chine pourront progresser ensemble".
Les sentiments de Lee Wing-tat étaient plus mitigés. "Nous n'étions plus aussi optimistes, je ne croyais plus que nous aurions une vraie démocratie", a-t-il déclaré à l'AFP.
Hong Kong: des villages de pêcheurs devenus centre d'affaires international
Avec ses immenses gratte-ciel, Hong Kong est, de nos jours, un important centre financier international et une porte d'entrée commerciale sur la Chine continentale.
Pendant des siècles, ce territoire situé au sud de la Chine, n'était qu'un coin perdu, situé entre mer et montagnes, où vivaient des pêcheurs établis dans de quelques hameaux.
Vingt-cinq ans après la rétrocession de Hong Kong à Pékin par Londres, voici les moments clés de son histoire:
Préhistoire et Antiquité
Des vestiges de lieux de sépulture et des gravures rupestres témoignent d'une présence de vie humaine à Hong Kong dès l'âge de pierre.
Le territoire serait entré dans le giron de l'empire chinois sous la dynastie des Han, aux quatre siècles de longévité, au tournant de notre ère (206 avant JC - 220 après JC).
Un nombre croissant de Chinois de l'ethnie Han ont commencé à s'installer à Hong Kong, aux côtés d'habitants originaires du sud de la Chine qui vivaient sur des bateaux.
Essor commercial
A compter du VIIe siècle, aux belles heures de la route de la soie entre l'Asie, l'Afrique et le Moyen-Orient, Hong Kong servait de port de ravitaillement pour les bateaux.
Outre la soie, la Chine exportait de la porcelaine et du thé et importait des épices, des plantes et des étoffes.
Les îlots situés au large de Hong Kong étaient aussi le repaire de pirates chinois. Le territoire actuel compte quelque 260 îles, dont un grand nombre sont inhabitées.
Arrivée des Européens
Les marchands portugais, néerlandais et français ont débarqué sur le littoral méridionale de la Chine au XVIe siècle. Le Portugal établit un comptoir commercial à Macao, voisine de Hong Kong.
Au XVIIIe siècle, la Chine tente de contrer l'influence des Européens et leur oppose des restrictions.
Un décret impérial destiné à lutter contre le phénomène d'addiction à l'opium provoque l'ire des Britanniques en leur interdisant le commerce de cette drogue produite en Inde.
Après la saisie par les autorités chinoises d'une vaste quantité d'opium, Londres attaque en 1840, gagnant le nord de la Chine et menaçant Pékin. Ce fut la première Guerre de l'opium.
Après la seconde, Londres récupère la péninsule de Kowloon, sur le continent, en 1860, puis, en 1898, avec un bail de 99 ans, poursuit son extension vers le nord, dans les Nouveaux territoires.
Règne britannique
C'est l'expiration de ce bail qui est la cause directe de la rétrocession de Hong Kong à la Chine le 1er juillet 1997.
Pendant l'ère coloniale, Hong Kong se mue en centre d'affaires dont le port est parmi les plus fréquentés du monde.
En 1967, le ressentiment envers le colonisateur nourrit des émeutes qui débouchent sur quelques réformes sociales et politiques. Quand Hong Kong est rendue à la Chine, la ville dispose d'un Parlement partiellement élu et d'un système judiciaire indépendant.
Quand la Chine commence à ouvrir son économie sur le monde à la fin des années 1970, Hong Kong en profite à plein, jouant le rôle d'interface entre la puissance régionale en pleine ascension et le reste du monde.
Retour dans le giron chinois
Après de longues négociations, y compris entre Deng Xiaoping et la Première ministre Margaret Thatcher, la rétrocession est décidée en 1984.
La déclaration sino-britannique stipule que Hong Kong est une "région administrative spéciale" de la Chine qui conservera ses libertés et son mode de vie pendant 50 ans.
Un demi-siècle après, Pékin affirme que le principe "un pays, deux systèmes" de Hong Kong reste inchangé. Mais de nombreuses puissances occidentales, au premier rang desquelles la Grande-Bretagne, estiment que la Chine a mis fin aux libertés dont jouissaient les habitants, notamment à la suite des immenses manifestations pro-démocratie de 2019.
Méfiance croissante
Vingt-cinq ans plus tard, il ne reste plus aucun député de l'opposition au Conseil législatif de Hong Kong. Certains ont été arrêtés en vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020, et beaucoup disqualifiés au nom de nouvelles règles réservant les élections aux "patriotes".
D'autres ont fui la ville, comme Lee Wing-tat, qui vit désormais en Grande-Bretagne.
Pourtant, il était plein d'espoir en 1984, lorsque la déclaration sino-britannique a ouvert la voie à la fin de 150 ans de domination coloniale.
Le principe "Un pays, deux systèmes", énoncé dans la mini-constitution de Hong Kong, promettait un haut degré d'autonomie, un pouvoir judiciaire indépendant et la nomination du dirigeant de la ville par Pékin sur la base d'élections ou de consultations locales.
Mais la répression de Tiananmen en 1989 a ébranlé sa foi dans le parti communiste (PCC).
Au cours des années qui ont suivi la rétrocession, la méfiance n'a fait que croître entre un camp pro-démocratie qui voyait en Pékin un pouvoir autocrate déterminé à priver les Hongkongais des droits promis, et le PCC qui considérait leurs revendications comme un défi à la souveraineté chinoise.
Les tensions ont finalement explosé lors des immenses manifestations, parfois violentes, de 2019, auxquelles la Chine a répondu par une répression qui a transformé la ville.
Vengeresse
Chris Patten, le dernier gouverneur britannique, accuse le PCC de trahir ses promesses envers Hong Kong.
"La Chine a déchiré la déclaration commune et tente de supprimer les libertés de Hong Kong de manière vengeresse et exhaustive parce qu'elle les considère comme une menace, non pas pour la sécurité de la Chine, mais pour la capacité du Parti communiste chinois à s'accrocher au pouvoir", a-t-il déclaré à l'AFP.
L'ancien chef de l'exécutif de Hong Kong Leung Chun-ying, ne considère pas la récente répression excessive. "Vous ne pouvez pas dire, +nous voulons avoir un haut degré d'autonomie et vous restez à l'écart+, ce serait l'indépendance de facto de Hong Kong", a-t-il déclaré à l'AFP.
En poste au moment du mouvement des Parapluies de 2014, il impute l'agitation sociale au fait que les gens ont été induits en erreur par des personnalités politiques et ont mal compris la loi hongkongaise.
Il suggère également que des "forces étrangères" hostiles sont impliquées, refusant d'être plus précis.
Se faisant l'écho de Pékin, M. Leung qualifie de succès la mise en œuvre de l'accord "Un pays, deux systèmes", qui dit-il pourrait se poursuivre au-delà de son terme de 50 ans.
Selon les sondages réalisés par l'Institut de recherche sur l'opinion publique de Hong Kong depuis 1994, la confiance de la population dans cet accord a pourtant atteint un niveau historiquement bas.
Certains, comme Herman Yiu, ont perdu tout espoir de faire un jour évoluer le système. "Etant né en 1997... j'avais l'impression que mon destin était lié à celui de Hong Kong", explique ce jeune homme politique à l'AFP.
Fraîchement diplômé, M. Yiu a été élu lors du raz-de-marée pro-démocratique des élections de district de 2019. Mais sa carrière a tourné court quand les autorités ont disqualifié les représentants qui n'ont pas prêté allégeance à Pékin.
"Je me sens impuissant, pour Hong Kong et pour moi-même", dit-il.