Birmanie: Aung San Suu Kyi placée à l'isolement dans une prison de la capitale

Sur cette photo d'archive prise le 17 juillet 2019, la conseillère d'État du Myanmar Aung San Suu Kyi assiste à la cérémonie d'ouverture du Centre d'innovation de Yangon à Yangon. (AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 17 juillet 2019, la conseillère d'État du Myanmar Aung San Suu Kyi assiste à la cérémonie d'ouverture du Centre d'innovation de Yangon à Yangon. (AFP)
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Publié le Vendredi 24 juin 2022

Birmanie: Aung San Suu Kyi placée à l'isolement dans une prison de la capitale

  • «Conformément aux lois pénales (...), elle est désormais placée à l'isolement en prison», a déclaré dans un communiqué le porte-parole de l'armée Zaw Min Tun
  • Depuis son arrestation lors du coup d'Etat du 1er février 2021, Aung San Suu Kyi était tenue au secret à Naypyidaw, accompagnée de plusieurs employés de maison et de son chien

RANGOUN: La junte birmane resserre encore son étau sur Aung San Suu Kyi: l'ex-dirigeante, renversée en 2021 et assignée depuis à résidence, a été transférée dans une prison de la capitale Naypyidaw.

"Conformément aux lois pénales (...), elle est désormais placée à l'isolement en prison", a déclaré jeudi dans un communiqué le porte-parole de l'armée Zaw Min Tun.

Depuis son arrestation lors du coup d'Etat du 1er février 2021, Aung San Suu Kyi était tenue au secret à Naypyidaw, accompagnée de plusieurs employés de maison et de son chien.

La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 n'était autorisée à sortir que pour assister aux audiences de son procès-fleuve au terme duquel elle risque des décennies de détention.

Elle est désormais totalement seule, sans son personnel ni son animal de compagnie.

Les responsables de l'ONU sont "très inquiets", a relevé Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres.

Son transfert en prison "va à l'encontre de tout ce que nous avons demandé, à savoir sa libération et celle de (...) tous les autres prisonniers politiques", a-t-il ajouté.

"Elle garde le moral", d'après une source proche du dossier. "Elle a l'habitude d'affronter calmement tout type de situation".

"Elle est en bonne santé pour autant que nous le sachions", a indiqué une autre source dans son entourage.

La sécurité autour de l'enceinte de la prison a été renforcée depuis son transfert.

Même si son image internationale a été écornée par son incapacité à défendre la minorité musulmane des Rohingyas, victimes de discriminations et de graves exactions, Aung San Suu Kyi reste très populaire dans son pays.

"Elle a tout sacrifié pour l'amour de la Birmanie et de son peuple mais (les militaires) sont ingrats et cruels", "Libérez Suu Kyi pour qu'elle puisse faire encore de bonnes choses pour notre pays", pouvait-on lire sur les réseaux sociaux.

Coupée du monde, Aung San Suu Kyi risque des décennies de détention

Où est-elle détenue ? Dans quelles conditions ? Comment se porte-t-elle ? Est-elle encore populaire ? L'AFP fait le point sur l'ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi transférée cette semaine dans une prison où elle risque de finir ses jours.

Où est-elle détenue ? 

Depuis son arrestation au matin du coup d'État du 1er février 2021, la prix Nobel de la paix, âgée de 77 ans, était assignée à résidence dans un lieu tenu secret à Naypyidaw, la capitale.

Mercredi, elle a été placée à l'isolement dans la prison de la ville dont la sécurité a été renforcée.

Son procès, qui a débuté il y a un an et se tient à huis clos, va se poursuivre dans l'enceinte du centre pénitentiaire.

Les généraux veulent la "couper encore davantage du monde extérieur", commente Manny Maung chez Human Rights Watch.

"Ils craignent qu'elle ait toujours la capacité de nuire à leurs intérêts. Son isolement est une tactique pour s'assurer qu'elle ne sait pas ce qui se passe en dehors des murs de la prison".

Quelles sont ses conditions de détention ? 

La junte reste très discrète sur ce point.

En résidence surveillée, Aung San Suu Kyi vivait aux côtés d'une dizaine d'employés de maison. Ils n'ont pas été autorisés à la suivre, mais trois femmes ont été désignées pour s'occuper d'elle en prison, d'après une source proche du dossier.

Elle a probablement été "transférée dans un logement spécialement construit dans le centre pénitentiaire", estime Richard Horsey du centre d'analyse International Crisis Group (ICG).

Ses seuls contacts avec l'extérieur restent ses avocats. Ils ont interdiction de s'adresser à la presse et aux organisations internationales.

Des proches, dont un de ses deux fils, ont déposé fin mai une plainte auprès d'un groupe de travail de l'ONU, dénonçant son "kidnapping judiciaire".

Comment se porte-t-elle ? 

Son état de santé semble bon, selon une source proche du dossier.

Mais elle a parfois été fatiguée par la fréquence de ses comparutions devant le tribunal (quatre fois par semaine) et a manqué plusieurs audiences.

Depuis qu'elle est en prison, "elle garde le moral (...) Elle a l'habitude d'affronter calmement tout type de situation", a indiqué une autre source dans son entourage.

Aung San Suu Kyi a passé 15 ans en résidence surveillée sous de précédentes dictatures militaires, menant une vie simple, dominée par la lecture, la méditation et la prière.

"Il est important d'établir une routine et de la suivre de manière très stricte afin d'éviter le gaspillage inconscient du temps", avait écrit dans les années 90 "la Dame" de Rangoun pour expliquer comment elle résistait à la privation de liberté.

Que lui reproche la junte ? 

Depuis février 2021, elle a été inculpée à de multiples reprises pour violation d'une loi sur les secrets d'État, fraude électorale lors des élections de 2020 remportées massivement par son parti, sédition, corruption...

Elle a déjà été condamnée à 11 ans de détention et risque au total des décennies de prison.

Son procès est dénoncé par la communauté internationale comme "une farce" uniquement motivée par des considérations politiques.

Il est très peu probable qu'elle soit libérée avant des élections promises par la junte pour l'été 2023.

Vu son âge avancé, "il est même possible qu'elle finisse ses jours en prison", relève Sophie Boisseau du Rocher de l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Est-elle encore populaire ? 

Même si son image internationale a été profondément écornée par son incapacité à défendre les musulmans rohingyas - victimes de graves discriminations et exactions quand elle était au pouvoir, Aung San Suu Kyi reste une figure très populaire en Birmanie.

Mais "le pays n'a plus besoin d'elle pour mener la résistance. Une nouvelle génération de jeunes leaders s'en sort très bien toute seule", relève Manny Maung.

Preuve de leur indépendance, des milices locales ont pris les armes contre la junte dans plusieurs régions du pays, à contre-courant du principe de non-violence prôné par la prix Nobel.

Les généraux ne sont pas prêts de céder le pouvoir. Ils poursuivent leur répression féroce avec plus de 2.000 civils tués depuis le putsch et plus de 11.000 en détention, d'après une ONG locale.

«Intimider»

Son procès, qui s'est ouvert il y a un an, va se poursuivre dans le centre pénitentiaire où elle est incarcérée.

Elle est inculpée d'une multitude d'infractions (violation d'une loi sur les secrets d'Etat, fraude électorale, sédition, corruption...) et a déjà été condamnée à onze ans de détention.

Les audiences se tiennent à huis clos et ses avocats ont interdiction de parler à la presse ou à des organisations internationales.

De nombreux observateurs dénoncent un procès politique pour exclure définitivement du pouvoir la fille du héros de l'indépendance, grande gagnante des élections de 2015 et de 2020.

"La junte se dirige vers une phase beaucoup plus punitive à l'égard d'Aung San Suu Kyi", a commenté Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de l'ONG Human Rights Watch. "Ils tentent manifestement de l'intimider, elle et ses partisans".

Des proches de la prix Nobel ont déposé fin mai une plainte contre les généraux auprès d'un groupe de travail de l'ONU, évoquant son "kidnapping judiciaire".

Le coup d'Etat a plongé le pays dans le chaos. Des milices locales, secondées par des factions rebelles ethniques, ont pris les armes contre les militaires.

La répression de la junte est féroce. Plus de 2.000 civils ont été tués et plus de 11.000 sont détenus dans les geôles de l'armée, d'après une ONG locale. Beaucoup d'opposants sont jugés dans le plus grand secret.

Début juin, les généraux ont annoncé la prochaine exécution de quatre détenus dont un ancien membre du parti d'Aung San Suu Kyi et un célèbre militant pro-démocratie. Si elles ont réalisées, il s'agira des premières exécutions judiciaires dans le pays depuis 1990.

Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme en Birmanie, a appelé jeudi la communauté internationale à accroître la pression sur la junte. "Plus nous attendons, plus il y a d'inaction, plus les gens vont mourir, plus les gens vont souffrir".

Sous les précédentes dictatures militaires, Aung San Suu Kyi a passé quinze ans en résidence surveillée dans sa propriété familiale de Rangoun.

Elle a totalement disparu des radars depuis son arrestation, n'apparaissant que sur de rares clichés pris par les médias d'Etat au tribunal.

L'ex-dirigeante a eu 77 ans dimanche. Elle a apporté lundi un gâteau d'anniversaire qu'elle a mangé avec ses avocats avant l'audience du tribunal.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »