Macron veut «bâtir des compromis» et met les oppositions sous pression

Le chef de l’État s'est exprimé pour la première fois mercredi à 20H depuis le second tour des législatives qui a privé son camp de la majorité absolue et débouché sur une crise politique. (AFP)
Le chef de l’État s'est exprimé pour la première fois mercredi à 20H depuis le second tour des législatives qui a privé son camp de la majorité absolue et débouché sur une crise politique. (AFP)
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Publié le Jeudi 23 juin 2022

Macron veut «bâtir des compromis» et met les oppositions sous pression

  • Le chef de l'Etat a estimé qu'un gouvernement d'union nationale, hypothèse qu'il a semblé tester auprès de plusieurs dirigeants reçus mardi et mercredi, n'était «pas justifié à ce jour»
  • Le président s'est adressé aux groupes d'opposition, de la Nupes au RN en passant par LR, leur demandant « de dire en toute transparence jusqu’où ils sont prêts à aller»

PARIS : "Apprendre à gouverner différemment": Emmanuel Macron a pris acte mercredi des "fractures" montrées par le résultat des législatives et assuré vouloir "bâtir des compromis" avec ses opposants, les pressant de "clarifier" leur positionnement d'ici vendredi soir.

Sa proposition de compromis, formulée dans cette allocution télévisée de huit minutes depuis l'Elysée qui était sa première réaction directe depuis dimanche, a été accueillie fraîchement par les oppositions, même si le chef de l'Etat a estimé qu'un gouvernement d'union nationale, hypothèse qu'il avait testée auprès de plusieurs dirigeants reçus mardi et mercredi, n'était "pas justifié à ce jour".

"Aucune force politique ne peut aujourd'hui faire les lois seule", un "fait nouveau", a déclaré le président de la République. Ainsi, "nous devons apprendre à gouverner et légiférer différemment", a-t-il ajouté, usant de nombreuses fois du mot "compromis".

"J'entends et je suis décidé à prendre en compte la volonté de changement que le pays a clairement demandée", a dit Emmanuel Macron. "Il faudra bâtir des compromis, des enrichissements, des amendements, mais le faire en toute transparence, à ciel ouvert si je puis dire, dans une volonté d’union et d’action pour la nation", a-t-il détaillé.

Le président a mis sous pression les oppositions, de la Nupes au RN en passant par LR, leur demandant "de dire en toute transparence jusqu’où ils sont prêts à aller", et ce à courte échéance: "Il faudra clarifier dans les prochains jours la part de responsabilité et de coopération que les différentes formations de l'Assemblée nationale sont prêtes à prendre: entrer dans une coalition de gouvernement et d'action (ou) s'engager à voter simplement certains textes, notre budget".

Il leur donne 48 heures: "Nous commencerons à bâtir cette méthode et cette configuration nouvelle" à son retour du sommet européen de jeudi et vendredi à Bruxelles, a-t-il dit, alors qu'il s'engage jeudi dans un marathon diplomatique qui, au-delà de cette réunion, le conduira aussi à un sommet de l'Otan et à un sommet du G7.

«Ne jamais perdre la cohérence du projet»

M. Macron a aussi rappelé que les élections législatives avaient "fait de la majorité présidentielle la première force", prévenant de sa détermination à "ne jamais perdre la cohérence du projet que vous avez choisi en avril dernier", à sa réélection.

Emmanuel Macron a encore confirmé que, "dès cet été", il faudra prendre "une loi pour le pouvoir d'achat et pour que le travail paie mieux, les premières décisions pour aller vers le plein emploi, des choix forts sur l'énergie et le climat, des mesures d'urgence pour notre santé, qu'il s'agisse de notre hôpital ou de l'épidémie".

Le chef de file de la gauche unie, Jean-Luc Mélenchon, a immédiatement réagi avec scepticisme: "Il est vain de dissoudre la réalité du vote en l'enfumant de considérations et d'appels de toutes sortes". L'ex-candidat de LFI à la présidentielle a estimé que désormais "l'exécutif est faible mais l'Assemblée nationale est forte de toute la légitimité de son élection récente".

Disant ne pas faire confiance à la macronie pour respecter les textes présentés par l'opposition, il a à nouveau appelé la Première ministre Elisabeth Borne à solliciter la confiance par un vote des députés, et à démissionner si elle ne l'obtient pas.

Le président du RN et lieutenant de Marine Le Pen Jordan Bardella a observé: "C'est la première fois que l'arrogance d'Emmanuel Macron marque un peu le pas: ce changement vient du peuple, qui en a fait un président minoritaire".

Il s'est montré conciliant: "Notre groupe puissant à l'Assemblée sera ferme mais constructif, avec pour seule boussole l'intérêt de la France et des Français".

"Son discours de la méthode vise à évacuer sa responsabilité et à ne rien changer de son projet", a rejeté le communiste Fabien Roussel, tandis que le socialiste Olivier Faure taclait: "Non, les formations politiques n’ont pas à lui répondre jusqu’où elles sont prêtes à aller pour lui donner un chèque en blanc".

«Flou»

A droite, le nouveau chef de file des députés LR, Alain Marleix, a lui aussi rejeté un "chèque en blanc, de surcroît sur un projet peu clair". Il a aussi promis que son groupe ferait la semaine prochaine des propositions sur le pouvoir d’achat.

Le chef des écologistes Julien Bayou a jugé sur LCI le discours "flou". "Le président dit qu'il veut agir sur le climat, nous ne le croyons pas", a-t-il dit, ajoutant que la Nupes ferait des propositions sur le sujet.

Quant à Elisabeth Borne, elle s'est exprimée devant les députés de la majorité réunis au Palais Bourbon: "La situation est sans précédent sous la Vème République et nous devons la regarder en face". Cette situation oblige à deux exigences, selon la Première ministre: "Dépasser nos cadres habituels" et préserver l'unité des macronistes.

Emmanuel Macron a bouclé mercredi son tour de table des forces politiques pour tenter de trouver une porte de sortie en recevant le secrétaire national d'EELV Julien Bayou, le député LFI Adrien Quatennens et Édouard Philippe, patron du parti Horizons. Mardi il avait reçu Christian Jacob (LR), Olivier Faure (PS), François Bayrou (MoDem) et Marine Le Pen (RN).

Pour 71% des Français, que le président de la République n’ait pas la majorité absolue à l’Assemblée est une bonne chose pour la démocratie et le débat, selon un sondage Elabe pour BFMTV/L'Express publié mercredi. Ils sont 44% à préférer une négociation en fonction des projets de loi et seulement 19% à favoriser un gouvernement d'union nationale. Enfin, 17% souhaitent un accord de coalition entre la majorité et un ou plusieurs camps de l'opposition.

La crise et les doutes n'épargnent pas la majorité. François Bayrou a laissé entendre qu'il faudrait changer de Première ministre, estimant que "les temps exigent que le Premier ministre ou la Première ministre soit politique, qu'on n'ait pas le sentiment que c'est la technique qui gouverne le pays".

Élisabeth Borne recevra la semaine prochaine les présidents de groupes de l'Assemblée, façon pour l'exécutif de montrer qu'elle reste pour l'heure en poste, même si sa situation paraît précaire.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.