BEYROUTH: Créée en 1968 par Abdel-Halim Caracalla, la compagnie Caracalla Dance Theater a dépassé les frontières libanaises. Elle est devenue une véritable institution dans le monde arabe. La troupe s’est produite dans les théâtres et dans les festivals les plus prestigieux du monde, où elle est plébiscitée par le public.
À l’occasion de son passage à Riyad pour la présentation de l’œuvre théâtrale Jamil et Bouthaïna, l’une des plus célèbres histoires d’amour du monde arabe, Arab News en français s’est entretenu avec Ivan Caracalla, le directeur du Caracalla Dance Theater.
«Jamil et Bouthaïna est une production que nous avons d'abord montée en 2019 pour le festival Tantora, dans la cité historique nabatéenne d’AlUla, sur la scène Maraya. C’est un lieu exceptionnel: couvert de miroirs, il reflète dans la salle le désert qui l’entoure», confie Ivan Caracalla.
«Contactés par la Commission royale pour AlUla, nous avions reçu une invitation pour participer à ce festival d’hiver à travers un spectacle donné pendant trois soirs. En même temps nous a été suggéré son sujet: le récit de l’amour platonique qui unit Jamil et Bouthaïna. Cette histoire s’est déroulée à Wadi al-Qura, à AlUla, donc dans cette même région, à l’époque omeyyade», précise le directeur artistique.
Patrimoine littéraire arabe
Ce récit fait partie du patrimoine littéraire arabe au même titre que les amours légendaires d’Antar et Abla. «À l'Ouest, vous avez Roméo et Juliette, et dans le royaume d'Arabie saoudite, ils considèrent Jamil et Bouthaïna comme Roméo et Juliette», ajoute Ivan Caracalla.
Plus de trois cents artistes créateurs, écrivains, poètes – entre autres – participent à la réalisation de cette œuvre exceptionnelle, qui réunit principalement sur scène six acteurs et deux actrices. Fait exceptionnel, des artistes saoudiens ont également été sollicités: ils interprètent dix rôles secondaires dans certaines scènes, accompagnant les membres prestigieux du Caracalla Dance Theater.
«J'ai mis environ huit mois pour préparer la pièce avant AlUla et quatre pour élaborer le scénario. Nous avons tenu à intégrer dans la production des artistes saoudiens, des acteurs de compagnies traditionnelles, et ils ont adoré participer au spectacle. Ils étaient bons sur scène, montraient beaucoup de talent. Auprès de ce nouveau public, il est nécessaire de progresser à petits pas; c’est la meilleure approche artistique possible», explique le metteur en scène.
«Sensibiliser le public»
«Peu après, nous avons été contactés par le ministère de la Culture. Il a souhaité que la pièce soit présentée, en coopération avec l'Autorité du théâtre et des arts du spectacle, au public saoudien, à Riyad. Il s’agissait de sensibiliser le public à ce récit qui fait partie de son patrimoine à travers la performance artistique. Nous sommes très heureux et fiers d’avoir rencontré le public à Riyad», confie Ivan Caracalla.
«Notre première expérience face à un public saoudien date d’il y a deux ans. C’était à AlUla. Cette aventure a été étrange et chaleureuse à la fois. Étrange parce que le public saoudien nous découvrait dans son pays, et chaleureuse parce que ces spectateurs savent apprécier les expériences qu’il découvre», explique Ivan Caracalla.
«Aujourd’hui, deux ans et demi plus tard, en jouant à Riyad, il s’agissait d’une expérience complètement différente. Le public d’ici, à ma grande surprise, est passionné par les arts. Il s’est vraiment imprégné de l’atmosphère de la pièce, du spectacle. Je dois avouer que c’est une expérience d’autant plus forte que toutes les personnes que nous avons rencontrées étaient enthousiastes. Elles nous avaient vus pendant des années à la télévision ou dans les grandes capitales du monde telles que Londres, Paris ou Beyrouth. Ils étaient d’autant plus fiers de nous accueillir à Riyad», ajoute-t-il.
«Aujourd’hui, nous sommes heureux d’avoir surmonté la pandémie, une période difficile pour les arts et la culture – particulièrement au Liban. Nous avons souffert de la crise économique et politique qui sévit dans le pays, comme tout le monde. Nous n'avons bénéficié du soutien d'aucun gouvernement, d'aucune association artistique; nous n’avons pas reçu d’aide du ministère de la Culture. Mais nous nous sommes battus, nous n'avons pas arrêté, nous avons continué à faire des répétitions, à payer les danseurs, à maintenir la compagnie. Finalement, ce dur labeur a payé puisque nous sommes sur scène à nouveau», se réjouit-il.
«Nous avons de nombreuses représentations prévues ainsi que des projets en cours. À titre d’exemple, ici, en Arabie saoudite, nous avons signé un accord avec la Commission du théâtre et des arts de la scène de Riyad, qui propose un partenariat culturel à long terme. Caracalla Dance Theater est désormais considéré comme un acteur important de la renaissance culturelle que connaît le royaume d'Arabie saoudite», se félicite le metteur en scène.
«Mon père, Abdel-Halim Caracalla, ma sœur, Elissar – la chorégraphe de la troupe – et moi-même sommes fiers de cette mission et de cette confiance. Nous avons tant à offrir, grâce à notre expérience et au caractère contemporain de notre approche, pour rapprocher les cultures est et ouest», conclut Ivan Caracalla.