KIEV: L'Ukraine a accusé lundi la Russie d'intensifier encore ses bombardements meurtriers dans l'Est, où ses troupes résistent avec acharnement, et selon Moscou, a frappé en retour des plateformes de forage en mer Noire au large de la Crimée (sud), annexée en 2014.
Le rédacteur en chef russe du journal d'investigation indépendant Novaïa Gazeta Dmitri Mouratov a vendu lundi aux enchères sa médaille de prix Nobel de la paix à New York pour 103,5 millions de dollars au profit du programme de l'Unicef consacré aux enfants ukrainiens déplacés par la guerre.
Il faut que "les gens comprennent qu'un conflit se passe et que nous devons aider les gens qui souffrent le plus", a-t-il déclaré.
Dans l'est de l'Ukraine, plusieurs villes se préparent à une avancée des troupes russes. "Le front s'est rapproché ces dernières semaines, jusqu'à 15-20 kilomètres", expliquait à l'AFP Vadym Lyakh, maire de Sloviansk, dans l'oblast de Donetsk, qui espère que "les nouvelles armes dont notre armée a besoin arriveront bientôt".
Sur la place du village, le bruit lointain de l'artillerie était déjà audible, selon des journalistes de l'AFP sur place.
"Jusque-là, tout va bien ici, mais c'est très dur psychologiquement quand on voit à la télévision ce qui se passe dans d'autres villes", a ajouté Svitlana, 48 ans, bouchère au marché de Kramatorsk, une autre ville qui pourrait bientôt devenir un point chaud des combats avec l'avancée des troupes de Moscou depuis le nord.
Plus de bombes
La présidence ukrainienne a indiqué lundi que les bombardements russes augmentaient dans la région de Kharkiv (nord-est), la deuxième ville du pays, qui a résisté à la pression des forces russes depuis le début de l'offensive le 24 février.
Dans la région de Donetsk (est), l'intensité des bombardements "s'accroît tout au long de la ligne de front", a ajouté la présidence, signalant un mort et sept blessés dont un enfant.
A Severodonetsk, "les Russes contrôlent la plupart des quartiers résidentiels", mais "plus du tiers de la ville reste contrôlé par nos forces armées", selon le chef de l'administration locale, Oleksandr Striouk.
Les combats font rage autour de cette agglomération clé pour contrôler l'ensemble du Donbass, bassin industriel de l'Est ukrainien partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses soutenus par Moscou.
Serguiï Gaïdaï, le gouverneur régional, a confirmé la chute du village de Metolkine, en périphérie sud-est de Severodonetsk, annoncée la veille par le Kremelin.
Dans un premier commentaire du Kremlin sur les deux Américains capturés en Ukraine alors qu'ils combattaient avec les forces armées de Kiev, le porte-parole Dmitri Peskov a déclaré lundi que les deux hommes doivent "être tenus responsables des crimes qu'ils ont commis", sans donner de précisions sur ces crimes.
Les Russes ont accusé les Ukrainiens d'avoir frappé lundi matin trois plateformes de forage de leur complexe gazier et pétrolier au large de la Crimée, faisant trois blessés et sept portés disparus selon le gouverneur installé par Moscou après l'annexion en 2014 de la péninsule, Sergueï Aksionov. Selon lui, 94 personnes ont été évacuées.
L'armée ukrainienne a déjà frappé à plusieurs reprises, avec des missiles de croisière tirés depuis la côte, des navires russes en mer Noire, notamment le croiseur Moskva (Moscou), navire amiral de la flotte russe de la mer Noire, coulé mi-avril.
La Russie garde cependant le contrôle de cette zone de la mer Noire, et son blocus a pour conséquence d'empêcher l'exportation par cargos de millions de tonnes de céréales dont l'Ukraine est un des principaux producteurs mondiaux.
Moscou a soutenu lundi que la hausse du prix des céréales était "la faute des régimes occidentaux, qui agissent comme des provocateurs et des destructeurs", selon la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.
Le président ukrainien, dans un discours en vidéoconférence aux membres de l'Union africaine (UA), a lui déploré que "l'Afrique (soit) l'otage de ceux qui ont commencé la guerre", et a indiqué que des "négociations difficiles" étaient en cours pour débloquer les ports ukrainiens, sans progrès pour l'instant.
L'Union européenne, par la voix du chef de sa diplomatie, a accusé Moscou de commettre "un véritable crime de guerre" en bloquant ces exportations. "Vingt millions de tonnes de blé restent bloquées en Ukraine. Cela crée la faim voire la famine. Il s'agit d'une tentative délibérée d'utiliser l'alimentation comme une arme de guerre", a dénoncé Josep Borrell.
Quitter «le monde russe»
Les 27 pays de l'UE doivent débattre cette semaine de la possibilité d'accorder à l'Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l'entrée dans l'Union, a indiqué lundi le président du Conseil européen Charles Michel.
Cette proposition, conforme à ce que recommande la Commission européenne, sera exprimée à l'occasion du sommet des dirigeants européens, jeudi et vendredi à Bruxelles, qui devront prendre cette décision à l'unanimité.
La Rada, le Parlement ukrainien, a ratifié lundi la Convention d'Istanbul, premier traité international à fixer des normes juridiquement contraignantes pour parer les violences sexistes, "un événement historique qui nous amènera au sein de l'UE encore plus vite", selon son premier vice-président, Oleksandr Korniyenko.
"Le président Volodymyr Zelensky et tous les députés qui ont voté en faveur de la ratification ont coupé une énième corde qui avait ancré l'Ukraine au +monde russe+", s'est félicité pour sa part Serguiï Kyslytsya, l'ambassadeur ukrainien à l'ONU.
Plus au Nord, la Lituanie, ex-république soviétique membre de l'UE et de l'Otan, qui y positionne des troupes, a quand a elle restreint de le transit de fret russe par rail vers l'enclave russe de Kaliningrad.
La tension est montée brusquement, le ministère russe des Affaires étrangères déclarant que si le transit "n'est pas rétabli en totalité, alors la Russie se réserve le droit d'agir pour défendre ses intérêts nationaux".
Josep Borrell a déclaré que la Lituanie appliquait les sanctions européennes sur le transit de certains types d'exportations entre la Russie et Kaliningrad, mais n'imposait aucun blocus à l'enclave russe.
Moscou n'a pas précisé la nature de sa menace, mais Kaliningrad, ancienne cité prussienne de Königsberg devenue une enclave russe dans l'UE, est une tête de pont stratégique pour Moscou, qui y a installé des missiles balistiques Iskander capables de porter des frappes nucléaires en Europe occidentale et y fait mouiller sa flotte militaire.