PARIS: À quelques heures de l’issue du second tour des élections législatives, il semble que la France s’achemine vers une nouvelle ère dans sa vie parlementaire.
S’appuyant sur les résultats du premier tour du dimanche 12 juin, les sondeurs anticipent, tout en indiquant qu’ils avancent des hypothèses et non des certitudes.
Selon leurs pronostics, les députés de la majorité présidentielle qui avaient fait une entrée massive à l’Assemblée nationale verront leur nombre de sièges réduit.
La majorité restera acquise au président de la République, mais ne sera pas une majorité absolue. La cohabitation, selon les sondeurs, n’est pas à l’ordre du jour, mais les candidats de la gauche unis au sein de la Nouvelle union populaire écologique et socialiste (NUPES) constitueront une force d’opposition significative.
Les pronostics à la veille du second tour des élections indiquent que le Rassemblement National, devra enfin obtenir un groupe parlementaire qu’il convoitait déjà aux législatives de 2017, sans pour autant atteindre le score visé par sa dirigeante Marine le Pen qui est de 100 députés.
La droite républicaine incarnée par Les Républicains se dirigerait vers un net recul, mais elle pourra constituer, au besoin, un soutien d’appoint au chef de l’État.
S’exprimant devant un petit groupe de journalistes, le directeur général adjoint de l’institut Harris Interactive, Jean-Daniel Levy, a dévoilé un sondage effectué après le premier tour, montrant que seulement 25 % des sondés souhaitent que Macron dispose d’une majorité parlementaire absolue. Avec cette relative, les députés du camp présidentiel seront contraints à tisser diverses alliances à l’occasion du vote des textes de lois.
«Seulement 25 % des sondés souhaitent que Macron dispose d’une majorité parlementaire absolue»
Sondage Harris effectué après le premier tour
Un contrepouvoir s’affirme
Intervenant dans le même cadre, l’éditorialiste de la revue Challenges Nicolas Domenach estime que les électeurs confirment de cette façon «leur souhait de se débarrasser du pouvoir vertical» exercé par Macron tout au long de son premier quinquennat, et «assurer un contrepouvoir».
Il s’agit donc d’un retour au principe élémentaire de la vie démocratique, sauf qu’en réalité, cette nouvelle donne ressemble davantage à une défaite sous-jacente pour le chef de l’État, qui avait brandi haut et fort en 2017 le slogan «Ni droite ni gauche», prônant une manière «de gouverner autrement» qui ne semble pas avoir convaincu.
C’est également une défaite pour lui qui s’était engagé dès sa première élection, à tout faire pour endiguer la montée de l’extrême droite. Les élections présidentielles, puis le premier tour des législatives, ont bien prouvé une nette progression des extrêmes de gauche et de droite, et un tassement de la popularité de la majorité présidentielle.
«Les électeurs confirment de cette façon «leur souhait de se débarrasser du pouvoir vertical» exercé par Macron tout au long de son premier quinquennat, et «assurer un contrepouvoir»
Nicolas Domenach
Dans ce nouveau contexte, la polarisation au sein du nouveau parlement se fera sur la base d’un clivage qui se manifeste par un face-à-face entre la NUPES et son leader Jean Luc Mélenchon, et les députés du mouvement Ensemble qui incarne la majorité présidentielle.
La morphologie de ce nouveau parlement est illustrée par une projection en nombre de sièges réalisée par Harris Interactive.
Cette projection comporte, selon Levy, bien des paradoxes.
Malgré le tassement de son nombre de sièges, la majorité présidentielle affiche une certaine stabilité. La gauche, quant à elle, revient en force au parlement, mais avec un score historiquement faible.
RN en net progrès
Le Rassemblement National, dirigé par Marine Le Pen, est la seule formation politique qui progresse. Pour Levy, la vraie victoire «revient à Le Pen qui s’installe durablement comme la seconde personnalité politique la plus importante» du paysage politique.
Les députés d’Ensemble seront ainsi face à leur pire cauchemar, car d’après Domenach, «la période à venir sera très tumultueuse» avec des remous à l’Assemblée nationale et dans la rue «avec une surenchère singulièrement renforcée aussi bien par l’extrême gauche et l’extrême droite».
Le 49.3 refera débat
Ce nouveau fait accompli laisse présager un recours fréquent à l’article 49.3 de la Constitution qui permet l’adoption d’un texte de loi sans vote parlementaire. Cet article est généralement considéré comme un ultime recours pour neutraliser une volonté de blocage manifeste de la part de l’opposition. Des recours de cet ordre ne feront qu’attiser les invectives de l’opposition qui a toujours qualifié ce passage en force de telle ou telle loi d’anticonstitutionnel, n’ayant pas été soumis au vote des députés.
Levy, comme Domenach, s’accordent à dire que le nouveau parlement connaîtra son premier épisode de tension dès son installation, autour de l’élection du président de la Commission des finances. Ce poste sera inévitablement convoité par la NUPES étant donné qu’il revient généralement à un député du premier groupe d’opposition. Il octroie d’ailleurs de larges pouvoirs, dont l’accès aux dossiers d’entreprises ou de particuliers, et pourrait facilement se transformer en arme face aux adversaires politiques.
Au nombre de 17 en 2017, les députés de la France Insoumise, formation politique propre à Mélenchon, avaient multiplié les coups d’éclats parlementaires, allant jusqu’à se mettre en grève, du jamais vu dans l’histoire de la France.
À plus de 100 députés dans le futur parlement, le pire reste à craindre lors des prochains débats.
De nouveaux temps attendent Macron, de nouveaux messages et avertissements qui lui sont adressés par les électeurs, l’incitant peut-être à vraiment élaborer une nouvelle manière de gouverner.