Procès d'un ex-préfet rwandais: les rescapés décrivent le vide de l'après génocide

Une photo de Laurent Bucyibaruta est vue sur une exposition de musée au mémorial du génocide de Murambi à Nyamagabe, dans le sud du Rwanda, le 21 avril 2022. (AFP)
Une photo de Laurent Bucyibaruta est vue sur une exposition de musée au mémorial du génocide de Murambi à Nyamagabe, dans le sud du Rwanda, le 21 avril 2022. (AFP)
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Publié le Vendredi 17 juin 2022

Procès d'un ex-préfet rwandais: les rescapés décrivent le vide de l'après génocide

  • Au procès à Paris d'un ex-préfet rwandais pour génocide, les rescapés ont évoqué leur douloureuse reconstruction et souligné l'importance de cette audience
  • Depuis le 9 mai, Laurent Bucyibaruta est jugé devant la cour d'appel de Paris pour génocide, complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité

PARIS: Une vie "sans personne à qui présenter son bulletin scolaire". Au procès à Paris d'un ex-préfet rwandais pour génocide, les rescapés ont évoqué leur douloureuse reconstruction et souligné l'importance de cette audience, à 6.000 kilomètres du Rwanda.

Depuis le 9 mai, Laurent Bucyibaruta est jugé devant la cour d'appel de Paris pour génocide, complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité.

L'ancien préfet de la région de Gikongoro entre 1992 et juillet 1994, qui comparaît libre à 78 ans, nie ces accusations.

Après avoir raconté à la barre les horreurs subies ou observées dans cette zone du sud du pays, l'une des plus touchées par le génocide, les rescapés ont souvent conclu leur récit en évoquant le difficile retour à la vie "normale".

"J'ai continué la vie", ont pudiquement résumé certains.

D'autres, en visioconférence depuis Kigali ou venus à Paris pour l'occasion, ont décrit le vide laissé par l'extermination.

"La vie d'après, c'est une vie d'orphelin. J'essayais de survivre, mais j'étais tout seul", a raconté Ignace Musangamfura, survivant du massacre dans la paroisse de Kaduha, où environ 20 000 Tutsis s'étaient réfugiés.

Adolescent de 16 ans à la fin du génocide, il a repris sa scolarité, mais "ce furent des études sans personne à qui présenter son bulletin scolaire", a-t-il résumé.

Mort ou vivant, «je confondais»

"Dans ma famille élargie, nous étions 102 personnes. A la fin du génocide, le nombre (de survivants) ne dépassait pas 10 et c'était moi le plus âgé. C'est moi qui ai pris toutes les obligations familales", a aussi relaté Innocent Mutiganda, rescapé du massacre d'une école de Kibeho, qui n'avait alors qu'une douzaine d'années.

Aujourd'hui employé dans une entreprise de transport, il évoque son handicap à la jambe droite, mais aussi ses blessures psychologiques: "pendant six ans, je ne dormais jamais sans rêver du génocide. Il m'arrivait des fois de penser que j'étais mort ou que j'étais vivant, je confondais les deux".

"Mon oeil droit ne voit pas, mon oreille droite n'entend pas et mon bras droit ne fonctionne pas bien", a pour sa part expliqué Adrienne Mukatako, blessée à coups de gourdin sur la tête lors du massacre à Kaduha.

En longue robe bleue à col rose, s'appuyant sur une béquille, elle déplore: "je suis devenue handicapée, je ne peux plus rien faire". Quant à son seul enfant qui a survécu, âgé de 38 ans aujourd'hui, "il est atteint d'un traumatisme. Il pense tout le temps qu'il risque d'être tué". De ce fait, "il n'a pas pu mener à bien sa scolarité".

Jeanne Kawera, 10 ans à l'époque, raconte l'image qui la hante: alors qu'elle était cachée dans une réserve de nourriture à Kaduha avec sa mère, un petit frère et une petite soeur, les miliciens hutus Interahamwe y lancent une grenade. Etendue au sol, "d'un signe, ma mère m'a indiqué que c'était fini" pour les deux petits, mais "un Interahamwe l'a aperçue et lui a asséné des coups de gourdin à trois reprises. Ainsi, elle aussi a rendu l'âme".

«Qu'ils deviennent des humains»

Comme Ignace Musangamfura, beaucoup insistent sur leur souhait que leurs enfants grandissent sans haine: "Nous voulons leur donner une bonne éducation pour qu'ils ne deviennent pas comme ceux qui nous ont fait du mal, nous voulons qu'ils deviennent des humains."

Vingt-huit ans après les faits, ils soulignent aussi l'importance de ce procès du plus haut responsable rwandais jamais jugé en France, y voyant une "occasion de dire au monde entier ce qui nous est arrivé" et de faire "entendre (leur) tristesse".

"Je ne m'étais jamais imaginé qu'il allait y avoir des poursuites contre les gens qui avaient tué les Tutsis, parce que je me disais que le monde entier haïssait les Tutsis", a salué Innocent Mutiganda, comparant sa déposition devant la cour à "un médicament".

Alors que "des personnes continuent à nier ce qui a eu lieu (...) je remercie cette cour pour avoir accepté qu'on puisse apporter ce témoignage, et je vous prie de recadrer les choses par la justice", a de son côté conclu Ignace Musangamfura.

Impassible durant les témoignages, prenant des notes, l'ancien préfet Laurent Bucyibaruta s'est plusieurs fois adressé aux parties civiles. Parfois pour contester leur témoignage, parfois pour les saluer, de façon souvent maladroite, souhaitant "du bonheur" à l'une, ou se réjouissant qu'un autre n'ait "pas désespéré en la vie".


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
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  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

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JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.

 


Le président chinois appelle à un cessez-le-feu à Gaza

Xi s'exprimait à Brasilia, où il a été reçu mercredi par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour une visite d'Etat. (AFP)
Xi s'exprimait à Brasilia, où il a été reçu mercredi par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour une visite d'Etat. (AFP)
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  • Le président chinois Xi Jinping a appelé mercredi à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et à "mettre fin rapidement à la guerre", a rapporté l'agence officielle Chine nouvelle
  • Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens

BRASILIA: Le président chinois Xi Jinping a appelé mercredi à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et à "mettre fin rapidement à la guerre", a rapporté l'agence officielle Chine nouvelle.

Il s'est dit "préoccupé par l'extension continue du conflit à Gaza" et a demandé la mise en œuvre de la solution à deux Etats et "des efforts inlassables en vue d'un règlement global, juste et durable de la question palestinienne".

Xi s'exprimait à Brasilia, où il a été reçu mercredi par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour une visite d'Etat.

Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens.