Sanctions: dans les champs russes, les agriculteurs se replient sur leur pays

Un tracteur tracte une herse sur le champ de l'entreprise Chyorny Khleb ("Pain noir") dans le village de Khatmanovo dans la région de Tula à quelque 150 kilomètres de Moscou le 7 juin 2022. Yevgeny Shifanov, copropriétaire d'une ferme biologique, dit son entreprise a subi l'aiguillon des sanctions occidentales et il n'est plus en mesure de vendre son grain à l'Europe. (AFP).
Un tracteur tracte une herse sur le champ de l'entreprise Chyorny Khleb ("Pain noir") dans le village de Khatmanovo dans la région de Tula à quelque 150 kilomètres de Moscou le 7 juin 2022. Yevgeny Shifanov, copropriétaire d'une ferme biologique, dit son entreprise a subi l'aiguillon des sanctions occidentales et il n'est plus en mesure de vendre son grain à l'Europe. (AFP).
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Publié le Vendredi 17 juin 2022

Sanctions: dans les champs russes, les agriculteurs se replient sur leur pays

  • Dans le village de Khotmanovo, 170 kilomètres au sud de Moscou, sur les rives de la rivière Oka, Tchiorny Khleb ("Pain noir") fait partie des petites exploitations qui se sont multipliées en Russie
  • A "Tchiorny Khleb", qui cultive divers céréales sur un peu plus de 1.000 hectares, le blé encore vert arrive au genou et l'on profite du calme avant l'activité intense de la récolte

KHATMANOVO: Avec son vaste territoire et ses terres ultra-fertiles dans le sud, la Russie est une des premières puissances céréalières du monde. Mais depuis le début du conflit en Ukraine et la pluie de sanctions occidentales, les agriculteurs sont contraints de se replier sur le marché intérieur.

Dans le village de Khotmanovo, 170 kilomètres au sud de Moscou, sur les rives de la rivière Oka, Tchiorny Khleb ("Pain noir") fait partie des petites exploitations qui se sont multipliées en Russie durant la dernière décennie.

Le cap est clair, explique le copropriétaire de cette exploitation biologique, Evgueni Chifanov, 42 ans: "Nous nous tournons davantage vers notre marché intérieur, vers notre économie".

Le conflit entre la Russie et l'Ukraine, impliquant deux superpuissances agricoles qui assuraient 30% des exportations mondiales de blé, a provoqué une flambée des cours des céréales et des engrais, ébranlant la sécurité alimentaire mondiale.

La Russie semble en position de force dans le bras de fer céréalier: premier exportateur mondial de blé, Moscou a fait des grains ukrainiens bloqués un élément clé des négociations.

Mais le secteur agricole russe risque est lui aussi perturbé.

A "Tchiorny Khleb", qui cultive divers céréales sur un peu plus de 1.000 hectares, le blé encore vert arrive au genou et l'on profite du calme avant l'activité intense de la récolte, qui commence fin juillet.

"En mars ou avril, on commence à préparer la terre, puis on plante. Là, on s'apprête à récolter les résultats de notre travail", explique Alexeï Ierchov, tractoriste ventripotent de 28 ans, avant de grimper sur son engin rouge et noire et de repartir dans un champ de sarrasin.

Problèmes logistiques 

Si les perspectives de la saison sont bonnes - le ministère de l'Agriculture prévoit une récolte de 130 millions de tonnes, dont un record de 87 millions de tonnes de blé -, les agriculteurs ont connu des mois mouvementés depuis le début des sanctions.

"Nous rencontrons des perturbations logistiques. C'est un problème, car nous avons des partenaires à la fois en Europe (notamment en Lituanie) et en Israël", indique le copropriétaire Evgueni Chifanov, expliquant que les camions restent bloqués aux frontières.

"Nous ne pouvons pas les livrer, nous ne pouvons que nous contenter de notre marché intérieur. Et nous travaillons activement pour trouver des partenaires au Bélarus, en Arménie, au Kazakhstan", ajoute-t-il, énumérant des pays restés proches de Moscou.

Il se dit néanmoins optimiste, une fois la panique des premières semaines passée: la petite ferme avait alors cédé à la crainte de se retrouver sans emballages et avait acheté un an de stock d'un coup, qui prend désormais la poussière.

D'autres petits tracas s'accumulent. Un de leurs partenaires manque de colle pour fabriquer les étiquettes: "Elle était importée d'Europe. Ils essayent de résoudre le problème via la Chine mais la logistique reste compliquée", explique M. Chifanov, debout dans un hangar entre des monticules de blé.

Dans un bâtiment proche, le meunier Roman Tikhonov, 40 ans, s'affaire autour d'un moulin en bois de fabrication autrichienne.

"Récemment, quelque-chose s'est cassé, nous avons trouvé le matériel et l'avons réparé. Avant les pièces détachées arrivaient d'Autriche, on les attendait longtemps, maintenant nous les fabriquons nous-mêmes, c'est plus rapide", constate-t-il laconique.

Le moulin ukrainien, à côté, reçoit ses pièces détachées via le Bélarus depuis 2014 et le début du conflit russo-ukrainien.

Le co-propriétaire se dit néanmoins soulagé que ses tracteurs soient majoritairement russes ou bélarusses, lui évitant des casse-têtes.

« Marges détruites »

La situation sur le marché des céréales a elle aussi évolué. Avant le début du conflit, le prix du blé était déjà élevé (environ 300 euros la tonne) mais se situe désormais à un peu moins de 400 euros. La Russie a continué à en vendre depuis le début des hostilités, dans une situation de pénurie du fait du défaut de l'Ukraine, et en dépit des difficultés de navigation.

Selon Andreï Sizov, directeur général du cabinet de conseil agricole SovEcon, les céréales russes se vendent désormais à environ 20 dollars la tonne de moins que le prix du marché, un phénomène observé également pour le pétrole russe.

"Tout se reflète dans le prix. Les céréales russes sont devenues moins chères que, par exemple, les françaises, car il faut (pour l'acheteur) inclure dans le prix les coûts additionnels pour le fret, l'assurance, les problèmes de paiement".

Si les prix restent élevés et réduisent l'impact financier pour la Russie, "les agriculteurs russes n'en profitent pas, en raison de taxes d'exportation très élevées introduites en 2021 dans l'espoir erroné de réduire l'inflation alimentaire".

Ce alors même que leurs "coûts moyens sont 20-30% plus élevés en roubles" qu'il y a un an, note M. Sizov, ajoutant que les agriculteurs russes voient "leurs marges détruites".

 

Sur le Danube, la galère pour sauver les céréales ukrainiennes

Dans le port ukrainien d'Izmaïl, sur le Danube, les chauffeurs routiers s'impatientent, leurs camions débordant de céréales. A l'autre extrémité, en Roumanie, là où le fleuve se jette dans la Mer Noire, les navires rongent aussi leur frein.

De mémoire de marin, jamais tant de bateaux, aux pavillons divers, n'ont stationné au large de Sulina, danns l'est de la Roumanie, attendant de rejoindre l'Ukraine pour être chargés de denrées.

L'invasion russe a tout chamboulé: le blocus par Moscou des ports maritimes ukrainiens, à commencer par celui d'Odessa, a paralysé les exportations de ce pays qui figure parmi les plus gros producteurs mondiaux de céréales.

"L'alternative, c'est le Danube", qui trace une frontière naturelle entre l'Ukraine et la Roumanie. "Le gros problème, c'est la capacité des infrastructures sur le fleuve", explique à l'AFP Ioury Dimtchoglo, ancien vice-président du Conseil régional d'Odessa.

Depuis le début de la guerre, "seul 1,5 million de tonnes de céréales ont pu être exportées par ce biais", dit-il, une goutte d'eau comparé aux quelque 20 à 25 millions de tonnes bloquées en Ukraine selon le président Volodymyr Zelensky.

« Nourrir le monde »

Tout en amont de la chaîne, l'exploitant agricole Vyatcheslav Zyabkin, qui travaille à 35 kilomètres du port, n'a "toujours rien mis sur les bateaux du Danube. Pas même un kilo".

Car on lui a proposé un prix d'achat bien inférieur aux coûts d'exploitation, dit-il, estimant que la solution danubienne convient surtout aux petits agriculteurs, qui ont de faibles quantités à écouler.

Et pour ceux qui y ont recours, le trajet est semé d'obstacles.

D'abord les embouteillages sur la route: les camions convergent du sud du pays dans l'espoir de pouvoir décharger sur le Danube.

Puis une fois arrivés au port, là aussi il y a foule.

Rencontré à Izmaïl, Serguiï Gavrilenko, chauffeur de 45 ans, marcel à rayures bleues, bob kaki et lunettes d'aviateur, piétine. Il fait 32 degrés et il se lave avec un bidon d'eau rangé dans sa cabine.

"Avant la guerre, il fallait une journée, maintenant il faut compter trois jours. On prend sur nous parce que c'est pour le bien du pays et pour nourrir le monde", confie-t-il.

« Pas de répit »

Les embarcations qui prennent le relais et acheminent les marchandises vers les clients étrangers en descendant le Danube, avant de rejoindre la Mer Noire, arrivent en effet au compte-gouttes.

Au large de Sulina, ils sont près d'une centaine à patienter, entre sept et dix jours en moyenne, avant de pouvoir emprunter le canal en direction des ports ukrainiens.

"Notre volume de travail a beaucoup augmenté. Nous sommes à pied d'oeuvre du lever au coucher du soleil", raconte Gabriel Danila-Mihalcea, 28 ans, capitaine d'un bateau qui multiplie les allers-retours entre Sulina et la mer Noire.

La mission de ce bateau pilote est cruciale: transférer à bord de chacun des navires en rade un pilote qui prendra la barre jusqu'au port de destination.

Cette règle a été entérinée en 1948 par la Convention du Danube en raison des dangers d'un cours d'eau trompeur.

"Nous n'avons pas de répit", se désole, sous couvert de l'anonymat, l'un des 36 navigateurs affectés à cette tâche.

"Le mois dernier, 400 bateaux sont passés par Sulina, c'était un record", s'exclame le mécanicien du bateau pilote, Mihai Calin, 48 ans dont 30 les pieds dans l’eau.

« Ouragan de famines »

"Le trafic a triplé par rapport à mai 2021", confirme auprès de l'AFP le secrétaire d'Etat roumain aux Transports Ion Popa.

Gérer cette hausse est "un effort pour la Roumanie", ajoute-t-il, disant espérer une aide de Bruxelles.

Après s'être rejeté la responsabilité pour les délais d'attente en rade, la Roumanie et l'Ukraine ont mis en place fin mai un commandement conjoint qui décide de l'ordre dans lequel les navires entrent sur le Danube. Ceux affrétés pour le transport de céréales sont désormais prioritaires.

Près de 700.000 tonnes ont par ailleurs été transportées depuis le début du conflit via le port roumain de Constanta, sur la Mer Noire, à bord de barges, de trains ou de poids lourds, souligne M. Popa.

Mais les files d'attente aux postes-frontières routiers et ferroviaires s'allongent chaque jour.

Avant la guerre, l'Ukraine était le quatrième exportateur de maïs, en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé et assurait seule 50% du commerce mondial de graines et d'huile de tournesol.

Si la crise dure, l'ONU craint "un ouragan de famines" dans les mois à venir.

Problèmes logistiques 

Si les perspectives de la saison sont bonnes - le ministère de l'Agriculture prévoit une récolte de 130 millions de tonnes, dont un record de 87 millions de tonnes de blé -, les agriculteurs ont connu des mois mouvementés depuis le début des sanctions.

"Nous rencontrons des perturbations logistiques. C'est un problème, car nous avons des partenaires à la fois en Europe (notamment en Lituanie) et en Israël", indique le copropriétaire Evgueni Chifanov, expliquant que les camions restent bloqués aux frontières.

"Nous ne pouvons pas les livrer, nous ne pouvons que nous contenter de notre marché intérieur. Et nous travaillons activement pour trouver des partenaires au Bélarus, en Arménie, au Kazakhstan", ajoute-t-il, énumérant des pays restés proches de Moscou.

Il se dit néanmoins optimiste, une fois la panique des premières semaines passée: la petite ferme avait alors cédé à la crainte de se retrouver sans emballages et avait acheté un an de stock d'un coup, qui prend désormais la poussière.

D'autres petits tracas s'accumulent. Un de leurs partenaires manque de colle pour fabriquer les étiquettes: "Elle était importée d'Europe. Ils essayent de résoudre le problème via la Chine mais la logistique reste compliquée", explique M. Chifanov, debout dans un hangar entre des monticules de blé.

Dans un bâtiment proche, le meunier Roman Tikhonov, 40 ans, s'affaire autour d'un moulin en bois de fabrication autrichienne.

"Récemment, quelque-chose s'est cassé, nous avons trouvé le matériel et l'avons réparé. Avant les pièces détachées arrivaient d'Autriche, on les attendait longtemps, maintenant nous les fabriquons nous-mêmes, c'est plus rapide", constate-t-il laconique.

Le moulin ukrainien, à côté, reçoit ses pièces détachées via le Bélarus depuis 2014 et le début du conflit russo-ukrainien.

Le co-propriétaire se dit néanmoins soulagé que ses tracteurs soient majoritairement russes ou bélarusses, lui évitant des casse-têtes.

« Marges détruites »

La situation sur le marché des céréales a elle aussi évolué. Avant le début du conflit, le prix du blé était déjà élevé (environ 300 euros la tonne) mais se situe désormais à un peu moins de 400 euros. La Russie a continué à en vendre depuis le début des hostilités, dans une situation de pénurie du fait du défaut de l'Ukraine, et en dépit des difficultés de navigation.

Selon Andreï Sizov, directeur général du cabinet de conseil agricole SovEcon, les céréales russes se vendent désormais à environ 20 dollars la tonne de moins que le prix du marché, un phénomène observé également pour le pétrole russe.

"Tout se reflète dans le prix. Les céréales russes sont devenues moins chères que, par exemple, les françaises, car il faut (pour l'acheteur) inclure dans le prix les coûts additionnels pour le fret, l'assurance, les problèmes de paiement".

Si les prix restent élevés et réduisent l'impact financier pour la Russie, "les agriculteurs russes n'en profitent pas, en raison de taxes d'exportation très élevées introduites en 2021 dans l'espoir erroné de réduire l'inflation alimentaire".

Ce alors même que leurs "coûts moyens sont 20-30% plus élevés en roubles" qu'il y a un an, note M. Sizov, ajoutant que les agriculteurs russes voient "leurs marges détruites".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »