Le corridor humanitaire de Bab al-Hawa en Syrie, otage d'un jeu géopolitique

Des années de conflit ont plongé des millions de Syriens dans la pauvreté (Photo, AFP).
Des années de conflit ont plongé des millions de Syriens dans la pauvreté (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 17 juin 2022

Le corridor humanitaire de Bab al-Hawa en Syrie, otage d'un jeu géopolitique

  • L'acheminement de l'aide de l'ONU directement dans les zones contrôlées par l'opposition dépend d'un mécanisme transfrontalier fragile
  • La fermeture de Bab al-Hawa «condamnerait les civils dans le besoin à la mort et à la faim», avertit le président du Conseil de sécurité de l'ONU

NEW YORK: Les quatre millions de personnes du nord-ouest de la Syrie qui dépendent de l'aide internationale pour survivre ne savent pas s'il y aura du pain sur leur table après le 10 juillet. C'est en effet à cette date qu'un mécanisme transfrontalier de l'ONU, de plus en plus fragile, permettant d'acheminer l'aide à la Syrie, doit expirer.
Le renouvellement de ce mécanisme doit faire l'objet d'un vote au Conseil de sécurité des Nations unies le mois prochain, alors que l'on craint que la Russie n'utilise son droit de veto dans le but de fermer le dernier point d'entrée de l'aide en Syrie, facilité par les Nations unies, Bab al-Hawa, à la frontière avec la Turquie.
Ferit Hoxha, représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations unies et président du Conseil de sécurité pour le mois de juin, a déclaré à Arab News lors d'une conférence de presse que la fermeture de l'unique poste frontalier équivaudrait à «une condamnation à la mort, à la famine et à la faim pour des millions de personnes».

90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté, et de nombreuses familles sont obligées de fouiller dans les décharges pour survivre (Photo, AFP).


Il a ajouté: «J'espère que personne, ni la Russie ni aucun autre pays, ne prendra une telle décision: Condamner des civils dans le besoin à la mort et à la faim.»
Alors que les médias du monde entier ont peut-être cessé de compter le nombre de morts et de blessés dans le conflit syrien, la destruction généralisée des infrastructures civiles et le plus grand nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays dans le monde montrent que la guerre est loin d'être terminée.
La Syrie continue de connaître l'une des pires crises humanitaires au monde, avec 90% de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Selon le Programme alimentaire mondial (Pam), 14,6 millions de personnes ont désormais besoin d'une aide humanitaire afin de survivre, soit une augmentation de 1,2 million par rapport à l'année dernière.
L'effondrement de l'économie, associé à une pénurie alimentaire mondiale imminente due à la guerre en Ukraine, a ajouté un nouveau degré de complexité à la situation. Aujourd’hui, la menace de la famine frappe à la porte de la Syrie, prévient le Pam.

Des années de conflit ont plongé des millions de Syriens dans la pauvreté (Photo, AFP).


Ce mécanisme transfrontalier a été créé en 2014 pour permettre l'acheminement de l'aide humanitaire de l'ONU directement dans les zones syriennes contrôlées par l'opposition. Bien que le droit humanitaire international exige que toutes les livraisons d'aide passent par le gouvernement hôte, le régime du président syrien, Bachar Assad, a fait de l'aide une arme politique et l'a refusée à ses opposants, ce qui a incité le Conseil de sécurité à approuver l'utilisation de quatre points de passage le long de la frontière syrienne: Un depuis la Jordanie, un depuis l'Irak et deux depuis la Turquie.
Jusqu'en décembre 2019, les membres du Conseil de sécurité ont renouvelé le mandat de ces points de passage sans complication. En janvier 2020, cependant, la Russie, membre permanent, a utilisé son droit de veto afin de forcer la fermeture de tous les points de passage, sauf un: Bab al-Hawa.
Si ce dernier point de passage est fermé, car la crainte que cela se produise est réelle, les agences humanitaires affirment qu'elles ne pourront pas nourrir plus de 10% des personnes dans le besoin. En outre, il est pratiquement impossible de trouver une alternative aux opérations d'aide de l'ONU.

Un convoi transportant de l'aide humanitaire entre en Syrie depuis la Turquie par le poste frontalier de Bab al-Hawa, le 18 janvier 2022 (Photo, AFP).


«Le problème est que vous avez des organisations et des institutions qui sont en mode d'urgence depuis 12 ans», a indiqué Jomana Qaddour, cofondatrice de Syria Relief & Development, une organisation humanitaire active dans le nord-ouest de la Syrie.
«La crise syrienne a été si éprouvante  et si écrasante que planifier une réponse humanitaire massive maintenant, sous un parapluie totalement différent avec toutes les adhésions des différents acteurs, du niveau local aux donateurs internationaux, serait vraiment un exploit.»
Selon le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, les conséquences de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire sont «systématiques, graves et s'accélèrent». Il a averti que la guerre, combinée à d'autres crises, menace de déclencher une vague sans précédent de faim et de misère, laissant dans son sillage un chaos social et économique.
Déplorant la montée en flèche des prix des denrées alimentaires, le quasi-doublement du coût des engrais et les pénuries de maïs, de blé, de riz et d'autres aliments de base qui en résultent, Guterres a prévenu que si la crise alimentaire de cette année est due à un manque d'accès, «celle de l'année prochaine pourrait être le résultat d’un manque de nourriture».

Un camion transportant des colis d'aide du Programme alimentaire mondial traverse le village de Hazano, dans la campagne nord de la province syrienne d'Idlib sous le contrôle des rebelles, le 16 mai 2022 (Photo, Omar Haj Kadour/AFP).


 

Quelques Chiffres

*90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté. 

*14,6 millions de Syriens dépendent de l'aide humanitaire.

Alors que les Nations unies préviennent qu'aucun pays ne sera épargné par les pénuries alimentaires imminentes, en particulier ceux qui sont déjà vulnérables, on ne peut qu'imaginer la gravité dévastatrice de leurs effets sur un pays comme la Syrie, qui subit des conditions similaires depuis douze ans de conflit.
À l'approche du vote du Conseil de sécurité en juillet, des négociations intensives en vue d'une nouvelle résolution visant à étendre le mécanisme transfrontalier se poursuivent à huis clos, sous la houlette de l'Irlande et de la Norvège, selon des sources de la mission irlandaise auprès des Nations unies.

Des activistes de la société civile, des services d'aide et des services médicaux et de secours forment une chaîne humaine le 2 juillet 2021 pour demander la poursuite du passage de l'aide humanitaire dans la région d'Idlib, contrôlée par les rebelles en Syrie (Photo, AFP).


Les deux pays sont les principaux défenseurs des questions humanitaires en Syrie auprès de l’ONU. L'année dernière, à la même époque, leurs ambassadrices auprès des Nations unies, Geraldine Byrne Nason et Mona Juul, ont été vues en train de se précipiter d'une salle des Nations unies à l'autre, pour tenter de rallier les membres du Conseil à une résolution qu'elles avaient rédigée pour autoriser à nouveau l’ouverture de Bab al-Hawa.
Lorsque la Russie et les États-Unis sont parvenus à un compromis sur cette question l'année dernière, le président américain, Joe Biden, a salué une victoire diplomatique. Le vote a eu lieu quelques jours seulement après qu'il ait tenu un sommet avec son homologue russe Vladimir Poutine, au cours duquel la question transfrontalière a été abordée.

Des camps de Syriens déplacés dans le village de Killi, près de Bab al-Hawa à la frontière avec la Turquie, dans la province d'Idlib, le 9 janvier 2021 (Photo, AFP).


Après l'adoption réussie de la résolution 2585 par le Conseil l'année dernière, les deux présidents ont admiré «le travail conjoint de leurs équipes respectives à la suite du sommet États-Unis-Russie qui a conduit au renouvellement unanime de l'aide humanitaire transfrontalière à la Syrie aujourd'hui au Conseil de sécurité».
Les États-Unis ont longtemps affirmé que des progrès dans le processus d'aide ouvriraient la porte à un engagement plus significatif avec la Russie sur certaines questions diplomatiques les plus épineuses concernant la Syrie, telles que la question des détenus et les victimes de disparitions forcées, le retour des réfugiés et les travaux du comité constitutionnel.
Cependant, cette fois-ci, les discussions diplomatiques entre les deux grandes puissances sont pratiquement au point mort depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février.
Linda Thomas-Greenfield, l'ambassadrice américaine auprès de l’ONU, a investi sa réputation personnelle dans la recherche d'une prolongation du mandat de Bab al-Hawa. Elle a abordé la question lors de plusieurs réunions qu'elle a organisées lorsque son pays a assuré la présidence du Conseil de sécurité en mai.

Linda Thomas-Greenfield, l'ambassadrice des États-Unis auprès de l'ONU (Photo, fournie).


Elle est également rentrée récemment d'un voyage officiel en Turquie, son deuxième cette année, au cours duquel elle s'est rendue à la frontière syrienne pour évaluer les conséquences potentielles si l'ONU était contrainte de mettre fin à ses livraisons humanitaires à Idlib en juillet. Elle a averti que sans aide, «des bébés mourront».
«Nous n'avons pas oublié la Syrie», a assuré Thomas-Greenfield, qui s'est engagée à faire «tout son possible» pour que le mandat des Nations unies pour la livraison de l’aide transfrontalière se poursuive et soit étendu afin de répondre aux besoins croissants sur le terrain. Elle a indiqué qu'elle tenterait d’entamer des discussions avec les diplomates russes à l'ONU pour maintenir l'acheminement de l’aide.
La mission russe à l'ONU n'a pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires, mais Dmitry Polyanskiy, représentant permanent adjoint de Moscou à l'ONU, a récemment offert une vision pessimiste des perspectives de relance de la diplomatie avec Washington, mentionnant les «circonstances géopolitiques actuelles».

Convoi transportant de l'aide humanitaire stationné à la douane en Syrie après avoir traversé la Turquie depuis le poste frontalier de Bab al-Hawa, le 18 janvier 2022 (Photo, AFP).


La Russie affirme que ce mécanisme transfrontalier viole la souveraineté de la Syrie. Avec le soutien de la Chine, Moscou a fait pression pour que toute l'aide soit acheminée par le gouvernement d'Assad et attribue la crise humanitaire dans le pays déchiré par la guerre aux sanctions américaines et européennes contre le régime syrien.
Les détracteurs de la position de la Russie affirment que la priorité de Moscou n'est pas l'assistance transfrontalière et qu'elle cherche à utiliser son droit de veto comme influence pour obtenir un soutien à sa position sur la Syrie. Selon les critiques, les diplomates russes aux Nations unies ont lié le vote sur le mécanisme transfrontalier à des questions sans rapport avec celui-ci, telles que l'allègement des sanctions, les efforts de reconstruction et la lutte contre le terrorisme.
Alors que Guterres, le secrétaire général de l'ONU, a affirmé à plusieurs reprises que les opérations transfrontalières comptaient parmi les mécanismes les plus transparents et les plus contrôlés au monde, la Russie affirme que l'aide qui y transite a bénéficié à des groupes terroristes désignés à Idlib et dans ses environs, tels que Hayat Tahrir al-Cham (Organisation de Libération du Levant).
Washington a déclaré une victoire lorsque le mécanisme transfrontalier a été renouvelé l'année dernière, mais Qaddour, qui en plus de son travail avec Syria Relief & Development est également chercheuse principal au Centre Rafik Hariri et aux programmes du Moyen-Orient au Conseil de l'Atlantique, pense que c'est la Russie qui a le plus profité de cette situation.

Jomana Qaddour (Photo fournie).


Selon elle, il est peu probable que l'extension du poste frontalier de Bab al-Hawa fasse l'objet d'un veto, car il s'agit d'une carte politique utile qui a été jouée à plusieurs reprises et qui le sera à nouveau à l'avenir.
Selon Qaddour, lors de chaque cycle de renouvellement, Moscou a été en mesure d’obtenir diverses concessions de la part de Washington et de ses alliés, telles qu'une résolution de l’ONU approuvant certains projets de redressement rapide qui étaient auparavant subordonnés à un règlement politique plus large, ainsi qu'un assouplissement des sanctions à l'encontre du régime d'Assad.
«Cette confusion sur ce que l'Occident gagne réellement de ces négociations le place, au minimum, en position de faiblesse», a déclaré Qaddour à Arab News. «Et, au maximum, ces négociations entravent la capacité des partenaires, tels que les organisations humanitaires, à continuer à compter sur l'aide de l'ONU.»
La guerre civile syrienne a offert à Poutine l'occasion de réintégrer la Russie en tant qu'acteur puissant dans la région en protégeant son allié et en faisant échouer ce qu'il considère comme une campagne de changement de régime menée par les États-Unis.
«La Syrie a été le théâtre de la résurgence russe», a souligné Qaddour. «Je ne peux pas être optimiste en pensant que ce sera un endroit que la Russie abandonne avec facilité. C'est quelque chose pour lequel la Russie va absolument continuer à se battre et à façonner.»

Des Syriens déplacés protestent contre le régime et son allié la Russie dans un camp de déplacés à Kafr Lusin, près du poste frontalier de Bab al-Hawa avec la Turquie, le 7 septembre 2018 (Photo, AFP).


Cela ne veut pas dire que la Syrie soit sur le point de figurer en tête de l'ordre du jour à Washington, a expliqué Qaddour.
«Est-ce que je me fais des illusions sur le fait que les États-Unis ou l'Occident sont en train de recalculer et de revenir en arrière pour placer la Syrie en tête de leur liste de priorités? Non. Je ne pense pas que quoi que ce soit indique une telle redéfinition des priorités dans le cercle de la politique étrangère américaine. L'Ukraine domine désormais tout», a soutenu Qaddour.
En attendant, même si le corridor d'aide n'est pas fermé, le nord-ouest de la Syrie reste l'une des zones les plus vulnérables du pays. Beaucoup d’analystes s'accordent à dire que le sort ultime du corridor se trouve à des milliers de kilomètres de là, à New York, où les appels à la réforme du Conseil de sécurité se font plus pressants depuis le début de la guerre en Ukraine. Ces réformes qui permettraient d'acheminer l'aide humanitaire aux personnes les plus vulnérables sans craindre qu'elle soit bloquée par le veto d'un membre permanent du Conseil de sécurité.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Hezbollah dit recourir à de nouvelles armes dans ses attaques contre Israël

Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
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  • Le Hezbollah, selon l'analyste militaire Khalil Helou, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars»
  • Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël

BEYROUTH, Liban : Le puissant Hezbollah libanais a eu recours ces dernières semaines à de nouvelles armes dans son conflit avec Israël, dont un drone capable de lancer des missiles avant d'exploser en attaquant ses cibles.

Depuis le début de la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas le 7 octobre, le Hezbollah armé et financé par l'Iran affirme attaquer des objectifs militaires principalement dans le nord d'Israël à partir du sud du Liban, où il est fortement implanté, pour soutenir le mouvement islamiste palestinien.

- Drones et missiles -

Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël.

Il a publié une vidéo montrant le drone volant vers un site où se trouvent des chars, avant de lancer deux missiles puis d'exploser contre sa cible.

C'est la première fois que le mouvement annonce l'utilisation d'une telle arme depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers.

L'armée israélienne a déclaré que trois soldats avaient été blessés dans l’explosion d'un drone à Metoulla.

Selon le Hezbollah, la charge explosive du drone pèse entre 25 et 30 kilos.

L'importance de cette arme, explique à l'AFP l'analyste militaire Khalil Helou, un général de brigade à la retraite, réside dans sa capacité à lancer l'attaque depuis l'intérieur du territoire israélien.

Le Hezbollah, selon lui, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars».

- Missiles iraniens -

Mercredi, le mouvement libanais a annoncé avoir lancé des «drones d'attaque» contre une base militaire proche de Tibériade dans le nord d'Israël, à environ 30 kilomètres de la frontière avec le Liban.

C'est la première fois selon des experts qu'il cible un objectif en profondeur du territoire israélien.

Ces dernières semaines, le Hezbollah a aussi annoncé avoir utilisé simultanément dans une seule attaque contre des sites ou des convois militaires israéliens, des drones explosifs et des missiles guidés.

Il a aussi eu recours à des «missiles guidés» et à des missiles iraniens de type Burkan, Almas et Jihad Moughniyé, du nom d'un commandant du Hezbollah tué par Israël en 2015 en Syrie.

Mais, dit M. Helou, le Hezbollah continue d'utiliser en premier lieu dans ses attaques, des missiles antichars Kornet, qui ont une portée entre 5 et 8 kilomètres.

Le missile antichars russe Konkurs fait également partie de son arsenal et peut échapper au système de défense antimissiles israélien Dôme de fer.

- «Guerre d'usure» -

Le Hezbollah, qui possède un énorme arsenal, a maintes fois annoncé disposer de plusieurs armes et missiles avancés capables d'atteindre Israël en profondeur.

Le 5 avril, son secrétaire général Hassan Nasrallah avait affirmé que le mouvement n'avait «pas encore employé ses principales armes» dans la bataille.

Depuis octobre 2023, le Hezbollah et Israël testent leurs méthodes d'attaque et leurs tactiques militaires, estiment des analystes.

Mais selon M. Helou, le mouvement libanais «ne veut pas élargir le cercle de la guerre. Il s'agit d'une guerre d'usure» dans laquelle il tente de pousser l'armée israélienne à mobiliser davantage de soldats à sa frontière nord et de la dissuader de «lancer une attaque d'envergure au Liban».

 


Israël: tiraillements au sommet de l'Etat sur fond de «bataille décisive» à Rafah

Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
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  • La bataille de Rafah à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique»
  • Faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu, avertissent les experts

JÉRUSALEM : Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la «bataille décisive» pour anéantir le mouvement palestinien Hamas.

En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.

Mais, la bataille à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique», s'opposant publiquement au Premier ministre qui peu avant avait écarté «toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza» avant que «le Hamas soit anéanti».

«Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement», a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahu de déclarer que ce ne sera pas le cas.

Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des Finances Bezalel Smotrich et de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême-droite, acteurs-clé de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de Gallant.

- «Prix à payer» -

«Avec les critiques de Gallant (...) des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien», estime sur X Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.

Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu.

«Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer», indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).

«Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout», abonde Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahu d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé fin mars qu'une «Autorité palestinienne redynamisée» pouvait jouer un rôle pour «créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza», territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.

Une idée balayée par M. Netanyahu, pour qui l'Autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de «soutenir» et «financer le terrorisme», n'est «certainement pas» une option pour diriger la bande de Gaza.

Pour Yoav Gallant, «le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux».

«C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël» car «l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire» d'Israël ces prochaines années et «le prix à payer serait un bain de sang (...) ainsi qu'un lourd coût économique», a-t-il estimé.

- Combats «acharnés» -

La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1.170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Et alors qu'Israël dit avoir entamé la «bataille décisive» de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire.

L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir «achevé le démantèlement de la structure militaire» du Hamas dans le nord. Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats «peut-être les plus acharnées» dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre.

Un signe que «l'anéantissement» du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche. Quant aux espoirs caressés d'une trêve négociée au Caire avec le Hamas, ils se sont évanouis avec le début des opérations dans Rafah.

L'accord de trêve «est dans une impasse totale» et «Israël fait semblant qu'il y a des progrès», explique Mme Zonszein. Les tiraillements au sommet de l'Etat, «plus les désaccords avec les Etats-Unis et le refus de l'Egypte de laisser passer de l'aide» depuis l'offensive israélienne à Rafah, «tout cela commence à faire beaucoup», ajoute-t-elle.

 


Des enfants parmi les victimes alors que les forces israéliennes intensifient leurs attaques contre le Hezbollah

Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
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  • Le Sud-Liban est confronté à une « escalade de la violence », déclare un vétéran de l'armée à Arab News
  • L'ambassade des Etats-Unis se joint aux appels à élire un nouveau président libanais pour « unir la nation »

BEYROUTH : Deux enfants d'une famille de réfugiés syriens ainsi qu’un combattant du Hezbollah ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes ayant touché une zone située à plus de 30 km à l'intérieur de la frontière sud du Liban.

Les frappes israéliennes ont ciblé les villages de Najjariyeh et Addousiyeh, tous deux situés au sud de la ville côtière de Saïda, tuant des enfants et un combattant du Hezbollah qui conduisait un camion pick-up au moment de la frappe.

En riposte à ces raids, le Hezbollah a lancé des dizaines de roquettes en direction de la Haute Galilée, la Galilée occidentale, du bassin de la Galilée et du Golan.

Les médias israéliens ont rapporté que 140 roquettes avaient été tirées vers le nord du pays.

CONTEXTE

Le Hezbollah a échangé des tirs transfrontaliers avec les forces israéliennes presque quotidiennement depuis l'attaque du Hamas au sud d'Israël, le 7 octobre,ce qui a déclenché la guerre à Gaza,depuis déjà  huit mois.

Les tensions entre les forces israéliennes et le Hezbollah ont atteint un niveau critique avec des attaques de drones menées en profondeur dans le territoire libanais et le nord d'Israël.

Le général à la retraite Khaled Hamadé de l'armée libanaise a mis en garde contre une « escalade vers des violences plus graves dans le sud du Liban ».

Le Hezbollah insiste pour conditionner un cessez-le-feu dans le sud du Liban à la fin des hostilités dans la bande de Gaza.

Contrairement à la situation dans la bande de Gaza, aucune initiative n'est prise pour arrêter les affrontements entre Israël et le Hezbollah, selon Hamadé.

Dans un communiqué, le Hezbollah a revendiqué avoir visé la base logistique Tsnobar d'Israël dans le Golan avec 50 roquettes Katyusha en réponse à la frappe sur Najjarieh.

Selon les médias israéliens, des salves de roquettes ont visé des bases militaires à Katzrin et des zones au nord du lac de Tibériade.

Deux personnes ont été blessées dans des explosions de roquettes à Karam bin Zamra dans la Haute Galilée, ont ajouté les médias.

Les caméras de surveillance à Najjarieh ont capturé un drone israélien suivant un camion pick-up alors que le conducteur, nommé Hussein Khodor Mehdi, tentait de s’enfuir.

Le premier missile lancé par le drone a raté sa cible, mais un second a frappé le camion, le mettant en feu et tuant son conducteur. Trois passants ont également été blessés.

Le Hezbollah a déclaré que Mehdi, 62 ans, était un « martyr sur la route de Jérusalem ».

La radio de l'armée israélienne a affirmé que la victime était un commandant de haut rang dans l'armée de l'air du Hezbollah et que les chasseurs de l'armée avaient visé des infrastructures du Hezbollah à Najjarieh.

La deuxième frappe aérienne a touché une salle de congrès et une usine de ciment, blessant plusieurs membres d'une famille de réfugiés syriens. Deux enfants, Osama et Hani Al-Khaled, sont décédés des suites de leurs blessures.

Le Hezbollah a revendiqué avoir visé le site militaire d'Al-Raheb avec l'artillerie et les positions israéliennes à Al-Zaoura avec une salve de roquettes Katioucha.

Selon une source sécuritaire, les dernières cibles du Hezbollah comprenaient des ballons de surveillance près de Tibériade et à Adamit en Galilée.

Tôt vendredi, le Hezbollah a attaqué le nouveau quartier général du 411e Bataillon d'Artillerie au Kibboutz Jaatoun, à l'est de Nahariyya, à l’aide de drones en réponse à la mort de deux combattants du Hezbollah, Ali Fawzi Ayoub, 26 ans, et Mohammed Hassan Ali Fares, 34 ans, la veille.

Dans son sermon du vendredi, cheikh Mohammed Yazbek, chef du Conseil de la charia du Hezbollah, a déclaré que le groupe menait « sa guerre féroce dans le nord de la Palestine, pourchassant l'ennemi, aveuglant ses opérations d'espionnage et franchissant les lignes rouges, tout en traquant ses soldats dans leurs cachettes jusqu'à ce que la guerre à Gaza prenne fin ».

L'ambassade des États-Unis au Liban a lancé une mise en garde concernant le conflit à la frontière sud et la vacance présidentielle dans le pays.

L'élection d'un président est cruciale pour garantir la participation du Liban aux discussions régionales et aux futurs accords diplomatiques concernant sa frontière méridionale, a souligné l'ambassade.

Le Liban « a besoin et mérite un président capable d’unir la nation, de donner la priorité au bien-être de ses citoyens et de former une coalition large et inclusive pour restaurer la stabilité politique et mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires », a ajouté le communiqué.

Les ambassadeurs d'Égypte, de France, du Qatar, d'Arabie saoudite et des États-Unis au Liban ont publié cette semaine une déclaration mettant en garde contre « la situation critique à laquelle est confronté le peuple libanais et les répercussions difficiles à gérer sur l'économie et la stabilité sociale du Liban en raison du retard pris dans la mise en œuvre des réformes nécessaires ».