PARIS: Carlos Ghosn, ex-patron du constructeur automobile Renault, ne s'est pas rendu à la récente convocation d'une juge d'instruction parisienne, chargée d'une enquête sur les contrats passés par une filiale de Renault Nissan, a appris mercredi l'AFP auprès de sources proches du dossier.
En France, M. Ghosn est visé par deux instructions, à Paris et à Nanterre, en banlieue, deux enquêtes dans lesquelles Renault est partie civile.
L'absence à cette convocation de Carlos Ghosn, qui l'a justifiée par son interdiction de quitter le Liban, ouvre la voie à l'émission d'un second mandat d'arrêt de la justice française, après la délivrance d'un premier mandat, le 21 avril, par un juge de Nanterre.
A Paris, une juge d'instruction a convoqué M. Ghosn le 19 mai pour un interrogatoire de première comparution, d'après deux sources proches du dossier, au sujet des prestations de conseil conclues par RNBV, filiale néerlandaise incarnant l'alliance Renault-Nissan, avec l'ancienne ministre française de la Justice et ex-députée européenne Rachida Dati et le criminologue Alain Bauer.
M. Ghosn ne s'est pas rendu à cette convocation.
« Notre client fait l'objet d'une interdiction judiciaire de sortir du territoire libanais, cette situation est parfaitement connue par les juges français », a réagi l'un de ses avocats, Me Jean Tamalet.
Contactés, ni Renault ni ses avocats n'ont souhaité faire de commentaire.
Fin 2019, M. Ghosn, qui a les nationalités française, brésilienne et libanaise, a fui le Japon où il devait être jugé pour malversations financières aggravées, pour trouver refuge au Liban, pays qui n'extrade pas ses ressortissants. A Beyrouth, il s'est vu retirer son passeport avec l'interdiction de quitter le Liban, en raison de l'enquête et du mandat japonais le visant.
A Paris, la justice cherche notamment à savoir si les revenus de Mme Dati correspondent à des activités précises ou s'il s'agissait d'un emploi de complaisance ayant pu masquer un lobbying au Parlement européen, interdit pour les eurodéputés.
Mme Dati a été mise en examen le 21 juillet pour « corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public » au Parlement européen et « recel d'abus de confiance ».
Mme Dati conteste ces poursuites, qui suggèrent par ailleurs qu'un tiers a eu un rôle de corrupteur actif. Dans les interrogatoires de Mme Dati et lors de l'audition libre de Carlos Ghosn au printemps 2021 au Liban, la juge d'instruction semble désigner l'ancien magnat de l'automobile.
Dans l'enquête le visant à Nanterre, un juge d'instruction a délivré un mandat d'arrêt contre Carlos Ghosn le 21 avril, pour « abus de biens sociaux », « abus de confiance », « blanchiment en bande organisée », et « corruption passive » de 2012 à 2017. Quatre responsables du distributeur omanais Suhail Bahwan Automobiles (SBA) font également l'objet de mandats.
Ce mandat, message fort envoyé par la justice française aux autorités libanaises, est l'aboutissement d'une coopération judiciaire difficile entre les deux pays, après plusieurs tentatives pour acter les charges qui pèsent contre Carlos Ghosn. Les magistrats de Nanterre ont ainsi convoqué ce dernier, en vain, et se sont déplacés deux fois à Beyrouth.
Après avoir reçu une notice rouge d'Interpol, la justice libanaise a interrogé M. Ghosn et demandé, fin mai, à la justice française que les preuves alléguées contre ce dernier lui soient transmises, d'après une source judiciaire libanaise. Mercredi, le parquet de Nanterre a indiqué ne pas avoir « reçu de demande officielle ».