«On ne reconnaît pas au journaliste la légitimité de poser des questions», déplore Slimane Zeghidour

Slimane Zeghidour, rédacteur en chef et éditorialiste à TV5 Monde. (Photo fournie)
Slimane Zeghidour, rédacteur en chef et éditorialiste à TV5 Monde. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 17 juin 2022

«On ne reconnaît pas au journaliste la légitimité de poser des questions», déplore Slimane Zeghidour

  • Selon M. Zeghidour, il est nécessaire de former dans le monde arabe journalistes d'investigation, des individus qui soient capables d’écrire, de raconter des histoires
  • «Il se passe en Arabie saoudite des faits inédits, parfois audacieux, mais nous ne sommes pas informés»

RIYAD: Après sa tournée en Arabie saoudite, Arab News en français a rencontré M. Slimane Zeghidour, qui nous a confié être très heureux de revenir en Arabie après la pandémie de Covid-19. «Je suis venu la première fois en 1987, il y a donc trente-cinq ans; cela ne date pas d’hier. J’étais venu pour écrire un livre – à la fois un essai géopolitique et un très grand reportage sur le pèlerinage – qui avait pour titre La Vie quotidienne à La Mecque de Mahomet à nos jours

Ce spécialiste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, rédacteur en chef et éditorialiste à TV5 Monde, a observé l’évolution du Royaume et il nous a confié que les pays dont il parle le mieux sont ceux qu’il connaît physiquement, humainement, ceux dont il parle la langue. L’Arabie saoudite en fait partie.

Manque de communication

Il ne nous a pas caché sa frustration face au manque de communication qu’il constate dans la région. «Beaucoup de choses ont lieu en Arabie saoudite. Certaines transformations étaient inimaginables il y a seulement cinq ans. Il se passe des faits inédits, parfois audacieux, mais nous ne sommes pas informés.»

Bien que les Saoudiens désirent faire connaître ce qui se passe chez eux, ce qui est légitime, les journalistes ne découvrent les événements qu’après coup: rien n’a été communiqué en amont, déplore M. Zeghidour. «Par exemple, nous avons appris l’existence d’un colloque sur la tolérance alors qu’il était déjà terminé. Ce que je peux dire à ce sujet, c’est qu’il y a “faire”, il y a “savoir” – mais, le plus important, c’est “faire savoir”.»

TV5 est une chaîne francophone qui dispose de plusieurs canaux. L’un d’eux concerne le Moyen-Orient. Il ne possède pas de projet de diffusion en langue arabe. Pourtant, les émissions, les films, les documentaires qu’il propose sont tous sous-titrés en arabe. «C’est par ce pilier que nous existons et que nous essayons d’exister dans le monde arabe, où plusieurs États sont membres de la francophonie et où le français occupe pratiquement la deuxième place. C’est une sorte de langue officieuse au Liban, au Maroc, en Algérie et en Tunisie», nous rappelle-t-il.

«Un métier sédentaire»

Au sujet du journalisme dans la région arabe, M. Zeghidour estime que la presse écrite arabe souffre de graves problèmes. «Dans les pays arabes, le métier de journaliste est une profession sédentaire et citadine, le journaliste tire ses informations de ses contacts avec les milieux officiels ou officieux, mais il n'y a pas de travail de longue haleine ni d’investigation en profondeur sur le terrain dans le pays ou à l'étranger», souligne-t-il.

Une enquête de 2021 sur la jeunesse arabe fait le constat que 61% des jeunes suivent les nouvelles sur les réseaux sociaux plutôt que de consulter des sources d'information traditionnelles. Selon M. Zeghidour, le résultat de ce sondage n’a rien d’étonnant dans la mesure où la plupart des gens cherchent des informations qui confortent leurs propres idées. 

«C'est sur les réseaux sociaux que la plupart des gens vont chercher les informations. Ils ne leur apprennent rien de nouveau, mais les confortent quant à ce qu’ils connaissent déjà», déplore M. Zeghidour. Dans ce domaine, il considère qu'il existe «vis-à-vis de la presse arabe une désaffection du public, qui pousse souvent les individus à rechercher des informations sur leur propre pays avant tout dans des médias étrangers». C’est là pour le journaliste le plus grand défi de l'information dans le monde arabe.

«Poser de bonnes questions»

M. Zeghidour note un autre problème: mener un travail d’enquête dans des pays arabes est une mission quasiment impossible, à cause d’une «superstition» relative à l’information, une forme de peur à l’idée de dire les choses. «On ne reconnaît pas au journaliste la légitimité de poser des questions alors que c’est en quoi consiste son travail, et non à donner des réponses. Il doit tout d’abord poser de bonnes questions. Il faut que la presse, le pouvoir et l’autorité de chaque pays évoluent. Cette évolution mutuelle doit générer une confiance et un respect réciproques», explique-t-il.

M. Zeghidour a été grand reporter pendant vingt-cinq ans. Il a couvert la première et la deuxième Intifadas, le Soudan, l'Irak, la guerre civile en Algérie, entre autres. Il dit n’avoir jamais vu de reporters arabes qui travaillaient pour un journal arabe sur le terrain, peut-être par manque d’intérêt ou d’argent. «Surtout, il n’y a pas cette curiosité qui pousse à aller chercher les nouvelles. Les seuls journalistes arabes ou d’origine arabe que j’ai croisés travaillaient pour The Guardian et le The New York Times

Selon M. Zeghidour, il est nécessaire de former dans le monde arabe des journalistes d'investigation, des journalistes qui soient capables d’écrire, de raconter des histoires, et pas seulement de synthétiser des dépêches de Reuters, d’Associated Press ou de l’Agence France-Presse. «C’est ce qui se passe souvent, même dans les plus importants et les plus anciens journaux arabes. Les articles constituent simplement une synthèse des dépêches internationales, ou ce sont des réflexions, des digressions sur l’actualité. Il n’y a pas de faits. Tant que cela durera, le public arabe ira chercher les informations sur lui-même, sur sa situation, sur son quotidien et sur son pays dans la presse internationale.»

 


Pour l'Iran, le mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu signifie «la mort politique» d'Israël

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  • Dans cette première réaction officielle de l'Iran, M. Salami a qualifié les mandats d'arrêt de la CPI de "mesure bienvenue"
  • Israël et des pays alliés ont critiqué la décision de la CPI d'émettre jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de M. Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant

TEHERAN: Le chef des Gardiens de la Révolution iraniens a estimé vendredi que les mandats d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et son ancien ministre de la Défense signifiaient la "mort politique" d'Israël.

"Cela signifie la fin et la mort politique du régime sioniste, un régime qui vit aujourd'hui dans un isolement politique absolu dans le monde et dont les responsables ne peuvent plus se rendre dans d'autres pays", a déclaré le général Hossein Salami, chef des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique, dans un discours diffusé par la télévision d'Etat.

Dans cette première réaction officielle de l'Iran, M. Salami a qualifié les mandats d'arrêt de la CPI de "mesure bienvenue" et de "grande victoire pour les mouvements de résistance palestinien et libanais", respectivement le Hamas et le Hezbollah, tous deux soutenus par la République islamique.

Israël et des pays alliés ont critiqué la décision de la CPI d'émettre jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de M. Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024".

La CPI a aussi émis un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du mouvement islamiste palestinien Hamas, pour les mêmes chefs, "sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", jour de l'attaque sans précédent du Hamas en Israel, qui a déclenché la guerre en cours dans la bande de Gaza.

L'Iran fait du soutien à la cause palestinienne un des piliers de sa politique étrangère depuis l'instauration de la République islamique en 1979, et ne reconnaît pas l'Etat d'Israël.

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de M. Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

 


L'aviation israélienne pilonne la banlieue sud de Beyrouth, 22 morts dans l'est du Liban

Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
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  • L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités
  • L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah

BEYROUTH: L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités, le Hezbollah revendiquant sa frappe la plus profonde en Israël depuis plus d'un an d'hostilités.

L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah.

Les raids ont été précédés par des appels de l'armée israélienne à évacuer certains quartiers.

Les images de l'AFPTV montraient d'épaisses colonnes de fumée sur la banlieue sud de la capitale libanaise, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes quotidiennes qui la visent depuis fin septembre.

Les frappes, qui s'étaient arrêtées mardi, ont repris au lendemain du départ de l'émissaire américain Amos Hochstein, qui tente d'arracher un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

Après Beyrouth, il devait rencontrer jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

Des frappes israéliennes ont également visé jeudi l'est et le sud du Liban, bastions du Hezbollah, selon l'ANI.

Les frappes de "l'ennemi israélien" sur cinq zones de la région de Baalbeck (est) ont coûté le vie à 22 personnes, a indiqué le ministère de la Santé.

L'ANI a précisé qu'une frappe sur le village de Makneh dans cette région avait entraîné la mort d'au moins quatre membres d'une même famille.

La coordinatrice spéciale de l'ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert s'est rendue sur le site de Baalbeck, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, qui a annoncé lundi placer sous "protection renforcée provisoire" 34 sites culturels au Liban menacés par les bombardements israéliens, et octroyer une assistance financière d'urgence pour sauver le patrimoine de ce pays.

- Khiam -

Pour sa part, la formation islamiste a annoncé jeudi avoir lancé des missiles sur une base aérienne près de la ville d'Ashdod, dans sa première attaque contre le sud d'Israël.

Dans un communiqué, le Hezbollah a précisé que cette base à l'est d'Ashdod se trouvait "à 150 km de la frontière" israélo-libanaise.

C'est la première fois que le Hezbollah annonce viser un objectif aussi éloigné de la frontière depuis plus d'un an d'affrontements.

La formation pro-iranienne a également revendiqué des tirs contre le nord d'Israël, où les secours ont annoncé qu'un homme était mort après avoir été blessé à la suite de tirs de projectiles en Galilée.

Dans le sud du Liban frontalier d'Israël, le Hezbollah a fait état dans neuf communiqués distincts d'attaques menées par le mouvement contre des soldats israéliens dans et autour du village de Khiam.

Les médias officiels libanais ont affirmé que l'armée israélienne dynamitait des maisons et bâtiments dans cette localité proche de la frontière israélienne.

Les violences entre Israël et le Hezbollah, initiées par ce dernier au début de la guerre dans la bande de Gaza, ont fait plus de 3.583 morts depuis octobre 2023 au Liban.

La plupart des victimes ont été tuées depuis que l'armée israélienne a déclenché fin septembre dernier une campagne massive de bombardements visant notamment les bastions du Hezbollah, suivie d'une offensive terrestre dans le sud du Liban.


La CPI émet des mandats d'arrêt contre Netanyahu, Gallant et Deif

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
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  • La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire
  • Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes"

LA HAYE: La Cour pénale internationale a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes".

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.

Dans un autre communiqué, elle émet un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, également pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La cour "a émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé +Deif+, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".

Classés "secrets" 

Les mandats d'arrêt ont été classés "secrets", afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour.

Mais la CPI "considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats".

Le procureur de la CPI, Karim Khan, a demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza.

M. Khan a également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeant du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.

Le procureur a depuis abandonné la demande de mandats d'arrêt contre le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinouar, dont les morts ont été confirmées.

Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza a annoncé jeudi un nouveau bilan de 44.056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël il y a plus d'un an.

Au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que 104.268 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.