CASABLANCA: Quelques jours après son retour d’un séminaire en Égypte, Bouchra Karboubi est d’ores et déjà prête pour sa prochaine compétition. Cette maman, arbitre et agent de police de métier, est tombée dans le chaudron du football dès son plus jeune âge. Un rêve qu’elle poursuit depuis toujours avec fierté et combativité.
Originaire du village de Tizi Ousli dans la province de Taza au Maroc, la jeune Bouchra s’inscrit dans l’équipe féminine de sa ville, où elle jouera pendant plusieurs années. Par la suite, c’est en 2001, alors âgée de 14 ans, qu’une nouvelle opportunité se présente à elle lorsque le club propose à ses adhérentes de suivre une formation d’arbitrage.
«J’ai trouvé cette idée intéressante; j’ai donc voulu y participer pour apprendre les lois du jeu, j’ai beaucoup aimé l’univers de l’arbitrage et j’ai constaté qu’on pouvait bénéficier d’énormément d’opportunités en tant qu’arbitre», raconte-t-elle.
Des doutes à la réalité
Malgré la réticence de ses frères, mais grâce au soutien affirmé de sa mère, la footballeuse se donne à fond dans cette formation théorique d’un an qui va complètement changer sa vie. Un apprentissage qu’elle poursuivra également sur le terrain à Taza, puis à Meknès, sa ville d’adoption où elle s’installera en 2005.
Quelques années plus tard, à force de travail et de persévérance, elle atteint ainsi le grade d’arbitre internationale. Un statut qui lui permet d’officier lors de prestigieuses compétitions, notamment en Afrique. En 2018, elle participe à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) féminine au Ghana, puis elle est convoquée lors de la CAN des moins de 17 ans (U17) masculine, finalement annulée pour cause de pandémie.
La même année, elle est désignée pour arbitrer la première édition de la Ligue des champions de la CAF (plus importante compétition interclubs africaine de football féminin), en Égypte.
Son professionnalisme va même la conduire jusqu’en finale de la dernière CAN masculine au Cameroun. Une rencontre où elle a officié en tant qu’assistante vidéo à l'arbitrage (VAR).
Loin d’être dues au hasard, ces désignations, Bouchra Karboubi les doit à son travail acharné et son mode de vie exemplaire.
Car de la même façon que ses autres collègues, l’arbitre marocaine est choisie par les plus grandes instances sportives selon des critères bien précis. Soit le niveau technique et physique, la personnalité ou encore les connaissances en langues étrangères. Une formalité pour la jeune femme trilingue qui maîtrise aussi bien l’arabe que le français et l’anglais.
Sans compter le suivi d’un régime alimentaire strict et d’un entraînement intensif. Un programme mensuel, rigoureux, contrôlé par la Fédération internationale de football association (Fifa), la CAF et la Fédération royale marocaine de football (FRMF).
Une vie à 100 à l’heure
En parallèle, depuis douze ans, celle qui rêvait de rejoindre les rangs des forces de l’ordre vit au quotidien une autre de ses passions. Devenue inspectrice de police au sein de la Direction générale de la Sûreté nationale, cette battante bénéficie du soutien de ses supérieurs hiérarchiques et elle peut ainsi allier avec amour ses deux professions, généralement exercées par la gent masculine.
«J’ai toujours voulu être policière. Et j’ai la chance de vivre ma passion, l’arbitrage, car j’aime tout ce qui tourne autour du football. Je ne me suis jamais dit que ce métier était fait pour un homme ou une femme. Selon moi, si on a la possibilité de l’exercer, eh bien on le fait!», explique-t-elle.
Cet état d’esprit la fera entrer par la grande porte dans l’univers du ballon rond. Le 10 octobre 2020, elle arbitre ainsi son premier match de première division marocaine masculine. Deux ans plus tard, elle deviendra la première femme dans le monde arabe à officier en tant qu’arbitre principale lors d’une finale de première division.
«Arbitrer la finale de la Coupe du trône entre l’Association sportive des forces armées royales (AS FAR) et le Moghreb Atlético Tetuán, c’était pour moi un véritable honneur. Au début, j’étais stressée, mais je suis restée concentrée et j’ai donné toute mon énergie pendant le match, et tout ceci grâce à mes collègues sur la pelouse et au bord du terrain, notamment Fatiha Jermoumi et Mustapha Akerkad.»
Si durant cette finale, Bouchra a pu compter sur de nombreux soutiens, elle a également dû faire face à certains détracteurs, notamment sur les réseaux sociaux.
«En tant que femme et arbitre, je suis doublement critiquée. Mais j’ai reçu beaucoup plus d’encouragements que de critiques. J’étais d’ailleurs très heureuse de constater le professionnalisme et l’esprit sportif des staffs techniques et des joueurs pendant le match», confie-t-elle à Arab News en français.
Devenue un véritable modèle pour de nombreuses femmes, Bouchra Karboubi espère transmettre sa passion et voir davantage d’arbitres féminines sur le terrain.
En attendant, grâce à l’appui inconditionnel de son époux, elle continue à concilier avec bonheur sa vie de maman, de policière et d’arbitre. Dans quelques semaines, elle est à nouveau attendue sur les pelouses de Rabat et Casablanca pour la prochaine CAN féminine avant de s’envoler au mois d’août pour le Costa Rica à l’occasion du 10e mondial féminin de football des moins de 20 ans.