PARIS: À peine tournée la page de l’élection présidentielle, les Français sont à nouveau appelés aux urnes les 12 et 19 juin pour des élections législatives qui s’annoncent périlleuses pour Emmanuel Macron. Leur résultat façonnera le rapport de force entre les différentes composantes politiques pour les cinq prochaines années.
Elles comportent donc un enjeu d’envergure pour la classe politique qui s’acharne à remobiliser une opinion publique dont le désintérêt pour les échéances électorales était déjà flagrant lors de la présidentielle avec une abstention d’environ 30%.
Depuis la réforme qui a donné lieu à l’adoption du quinquennat pour le mandat présidentiel en 2002 et à l’inversion du calendrier électoral de façon à ce que les législatives succèdent à la présidentielle, les Français ont toujours assuré une majorité au président nouvellement élu, afin d’assurer une plus grande stabilité gouvernementale. Or cette année, et pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, un président en exercice est réélu pour un second mandat. C’est précisément la reconduction du chef de l’État dans sa fonction qui donne au prochain scrutin législatif toute sa particularité.
Il est évident que la République en marche, rebaptisée «Renaissance», la formation politique d’Emmanuel Macron, table sur une majorité parlementaire absolue à l’issue des élections. Mais contrairement aux législatives de 2017, ce but semble incertain et loin d’être acquis, pour des raisons multiples. Tout d’abord le bilan du quinquennat Macron est négatif aux yeux d’un large nombre de Français qui a voté pour lui au second tour de la présidentielle par rejet de Marine Le Pen, la dirigeante du parti d’extrême droite, le Rassemblement national (RN).
Ces électeurs misent sur les législatives pour rectifier le tir et priver le président réélu d’une majorité parlementaire absolue qui lui sera nécessaire pour mener à bien ses réformes. Pour illustrer clairement cet état d'esprit, il est utile de revenir aux résultats du premier tour de la présidentielle: Macron est arrivé en tête, mais il a été suivi de près par Le Pen et le dirigeant de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. L’écart des voix entre les candidats n’était pas très important, Macron ayant obtenu 27,84% des suffrages, contre 23,15% pour Le Pen et 21,95% pour Mélenchon. L’échiquier politique est apparu partagé entre un bloc libéral, identitaire et populiste.
S’appuyant sur les résultats de ce premier tour, Mélenchon a réussi la prouesse d’unir les forces de gauche, sous la bannière de la «Nouvelle union populaire, écologique et sociale» (Nupes), et s’est lancé le défi d’arriver en tête aux législatives et de s’imposer comme Premier ministre de cohabitation face à Macron le libéral.
Une prétention qui n’est pas sans inquiéter le camp présidentiel, d’autant plus qu’un sondage BVA montre que 64% des Français souhaitent une cohabitation. C’est cette inquiétude qui transparaît dans les propos de Macron, qui a affirmé que même si la Nupes arrivait en tête, il n’avait nullement l’intention de choisir Mélenchon comme Premier ministre.
Les résultats du premier tour des législatives, qui suscitent peu d’engouement et ne sont suivies que par environ 37% des Français, montreront s’il existe une véritable volonté d’entraver l’action présidentielle et de propulser le pays dans une période d’instabilité. À défaut d’ancrage régional et en raison d’un mode de scrutin proportionnel, Le Pen se fixe un pari plus modeste, celui d’enfin obtenir un groupe parlementaire.
Pour ce faire, elle s’adosse à son score au second tour de la présidentielle et compte plus précisément sur les 150 circonscriptions où elle est arrivée en tête face à Macron. Elle affirme pouvoir gagner les législatives dans ces mêmes circonscriptions. Il va de soi qu’elle aussi veut empêcher le président de la République d’avoir les pleins pouvoirs et nourrit l’espoir de se dresser face à lui comme cheffe de l’opposition. Alors que les sondages la gratifient de 20 à 50 sièges parlementaires, ce qui est bien éloigné des 150 sièges qu’elle convoite, la leader du RN doit gérer les tensions sur le terrain entre les candidats de son parti et ceux d’Éric Zemmour (également d’extrême droite), dont elle a refusé la main tendue. Les résultats dérisoires de ce dernier à la présidentielle ne représentent aucune valeur ajoutée aux yeux de Marine Le Pen.
Macron, quant à lui, la renvoie dos à dos avec Mélenchon, les deux présentant selon lui un projet «de désordre» et de «soumission» face à la Russie. Pour ce qui est enfin du parti Les Républicains (droite traditionnelle), qui a essuyé une débâcle spectaculaire à la présidentielle, c’est le sauve-qui-peut. Les députés de ce parti, au nombre de 80, comptent sur leur ancrage local pour conserver leurs sièges. Le résultat du scrutin permettra de dire si ce parti sera à même de se reconstruire ou s’il est voué à disparaître.