MONTSAUCHE-LES-SETTONS: "Nous sommes orphelins": pour la première fois depuis 1969, aucun socialiste ne briguera un mandat aux législatives dans la Nièvre, terre de François Mitterrand. "Un affront", selon des militants qui brandissent la menace du RN, en tête aux deux tours de la présidentielle.
Les bouteilles de Côteaux Bourguignons sont dressées sur la table en bois, au milieu du jambon du Morvan et des baguettes. Mais cette fois-ci, la réunion des militants socialistes est plutôt funèbre.
"A la santé du PS", lance Sylvain Mathieu, premier secrétaire du parti dans la Nièvre, en levant son verre en carton. "Malgré tout", lâche-t-il devant une poignée d'adhérents de la section de Montsauche-les-Settons, là où François Mitterrand a été député pendant trente ans avant de présider aux destinées de la France de 1981 à 1995.
"Vous vous rendez compte! Aucun socialiste candidat! Dans cette terre de Mitterrand!", enrage Yvette Sauvage, 75 ans et militante "de toujours". "On s'est fait embobiner".
En vertu de l'accord avec la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) pilotée par Jean-Luc Mélenchon, les deux socialistes pressentis comme candidats dans la Nièvre ont dû céder "leur" place, dont M. Mathieu.
"On est orphelins. On n'a pas de PS pour qui voter", résume Marie Leclercq, maire socialiste de Montsauche. "C'est un affront", crie un militant. "On est écrasés", lance un troisième.
Au-delà de l'affect, "le problème" est que les candidats de la Nupes ne sont "pas les bons", accuse le sénateur PS Patrice Joly. Dans la première circonscription (Nevers), Léo Coutellec, un enseignant-chercheur à Paris résidant dans la Côte-d'Or voisine, est "hors sol", tance M. Mathieu, Morvandiau pur jus.
Et, dans la 2e, la LFI Marie-Anne Guillemain, Parisienne arrivée dans le Morvan en 2009, "n'est pas connue", affirme-t-il, même si elle a recueilli 10% aux dernières législatives, en 2017.
"Un député LFI dans la Nièvre, c'est impossible", assure M. Mathieu, par ailleurs conseiller régional. Selon lui, "cela revient à offrir les circonscriptions à LREM voire au RN".
Pour la première fois, Marine Le Pen est arrivée en tête des deux tours de la présidentielle dans ce département agricole. "Le RN élu, c'est mon pronostic", tranche M. Mathieu.
"LFI n'a vraiment aucun ancrage ici", assure lui aussi Guy Doussot, ancien maire PS de Château-Chinon, la "capitale du Morvan" dirigée par Mitterrand pendant 22 ans.
En 2017, LFI s'était classé quatrième dans les deux circonscriptions de la Nièvre. Jusqu'alors détenues par les socialistes, elles ont cette année-là basculé chez les Marcheurs: la 2e lors d'un duel LREM-PS et la 1ère face au RN, le PS étant éliminé dès le premier tour.
«Un nouveau départ»
"Face au RN, les méthodes précédentes n'ont pas été d'une grande efficacité", raille ainsi la candidate Nupes Marie-Anne Guillemain. "Le vote RN, c'est pour virer Macron, me disent les gens": un terrain sur lequel Mélenchon a toute sa place, selon elle.
Elle confesse que les militants PS ne l'aident "pas forcément à coller des affiches". "Mais on a le soutien des élus" socialistes, en particulier le président PS du département, Fabien Bazin, et le sénateur Patrice Joly.
"Pendant la présidentielle, tout le monde me demandait: pourquoi vous ne vous mettez pas d'accord?", rappelle le sénateur pour justifier son soutien, malgré ses réticences. "Si on est uni, le second tour sera un binôme entre moi et le RN ou LREM", croit ainsi Léo Coutellec.
"L'Union peut être un nouveau départ", espère également Thierry Boidevezy, secrétaire de la section PS de Nevers dite "Pierre Bérégovoy", du nom de l'ex-Premier ministre socialiste et maire de Nevers pendant dix ans (1983-93).
Soutien de Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour de la présidentielle, M. Boidevezy voit dans la Nupes le moyen de faire "basculer une grosse partie du vote RN".
Autour de la table en bois de Montsauche, les militants ne sont cependant pas convaincus, menaçant même de ne plus voter à gauche: "je n'ai pas encore décidé", avoue Halina Millard, secrétaire de la section PS de Montsauche. "Peut-être blanc", dit-elle.
"Moi, je vous invite à voter contre" la Nupes, s'exclame un militant à l'autre extrémité de la table. "Et tu votes pour qui?", lui rétorque-t-on. "Peut-être Le Pen", ose-t-il répondre, suscitant des "Oh non..." catastrophés.