TEHERAN: L'Iran a dénoncé jeudi la résolution approuvée la veille par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) critiquant Téhéran, un nouveau désaccord qui complique encore les efforts pour trouver une solution dans ce dossier sensible.
"L'Iran condamne l'adoption de la résolution, présentée par les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne", a réagi dans un communiqué le ministère des Affaires Étrangères, déplorant "une action politique, non constructive et incorrecte".
Cette critique formelle adressée à l'Iran - la première depuis juin 2020 - a été votée mercredi par 30 des 35 membres du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, seules la Russie et la Chine ayant voté contre. Trois pays se sont par ailleurs abstenus (Inde, Libye, Pakistan).
La résolution est intervenue après que l'Agence, basée à Vienne, a fait part de ses inquiétudes concernant des traces d'uranium enrichi précédemment trouvées sur trois sites que Téhéran n'avait pas déclaré comme ayant hébergé des activités nucléaires.
L'adoption de ce texte, "qui est basé sur le rapport hâtif et déséquilibré du directeur général de l'AIEA et sur des informations fausses et fabriquées par le régime sioniste, ne fera qu'affaiblir le processus de coopération et d'interaction entre la République islamique d'Iran et l'Agence", a estimé le ministère iranien.
Mesures réciproques
Avant même le vote, l'Iran a annoncé "des mesures réciproques, y compris l'installation de centrifugeuses avancées et la désactivation des caméras", a souligné l'Organisation iranienne de l'énergie atomique.
L'OIEA a déconnecté certaines des caméras de l'AIEA surveillant ses sites nucléaires. Il a également informé l'Agence de la mise en place de deux nouvelles cascades de centrifugeuses sur le site de Natanz (centre).
Un point presse du directeur général de l'instance onusienne Rafael Grossi est prévu jeudi à 13H15 heure de Vienne (11H15 GMT).
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, a également critiqué la résolution dans un message sur Twitter, affirmant que l'Iran avait "le programme nucléaire pacifique le plus transparent au monde".
"Les initiateurs sont responsables des conséquences. La réponse de l'Iran est ferme et proportionnée", a-t-il ajouté.
Après l'adoption du texte, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont exhorté l'Iran "à remplir ses obligations légales et à coopérer avec l'AIEA pour clarifier et résoudre pleinement ces questions sans délai supplémentaire".
"Si l'Iran fait cela et si le directeur général est en mesure de rendre compte du fait que les questions pendantes liées aux garanties ont trouvé une réponse, nous ne considérerons plus nécessaire que le conseil en soit saisi ni qu’il prenne des mesures", selon un communiqué.
Téhéran a conclu en 2015 un accord avec les puissances mondiales sur la limitation de son programme nucléaire en échange d'un allégement des sanctions.
Mais ce pacte, connu sous son acronyme anglais JCPOA, est moribond depuis que l'ex-président Donald Trump en a retiré unilatéralement les États-Unis en 2018 et a réimposé des sanctions à Téhéran.
Un suivi difficile
Un an après ces nouvelles mesures punitives, l'Iran a commencé à revenir sur ses engagements.
Les pourparlers pour relancer l'accord par la levée des sanctions américaines et le retour de Téhéran à une pleine conformité, qui ont commencé en avril 2021, sont au point mort depuis mars.
"Si les événements du Conseil des gouverneurs n'aident pas, je doute qu'ils empirent dramatiquement les choses", a commenté pour l'AFP Eric Brewer, de l'institut de recherches américain Nuclear Threat Initiative (NTI).
Il s'inquiète cependant de la riposte de l'Iran qui "pourrait saper les bénéfices de non-prolifération du JCPOA, et ainsi compliquer" la donne.
Avec la décision d'arrêter des caméras, le suivi de l'AIEA va devenir plus difficile encore à un moment critique, note l'expert, tandis que parallèlement, l'Iran étend ses capacités d'enrichissement d'uranium et aura bientôt accumulé suffisamment de matière pour construire une bombe.
Depuis février 2021, il a déjà suspendu une partie des inspections de l'AIEA, chargée de s'assurer du caractère pacifique du programme nucléaire, et coupé l'accès aux outils de surveillance, dont il ne transmettra les images qu'une fois les négociations bouclées.
Pour Henry Rome, chez Eurasia Group, tout dépend désormais de l'attitude de l'Iran "dans les prochaines semaines": va-t-il "recalibrer" sa stratégie ou au contraire être conforté dans sa posture "récalcitrante"?