KHARTOUM: Le principal bloc politique civil au Soudan a proclamé lundi son refus de dialoguer avec les militaires au pouvoir dans un pays plongé dans une profonde crise depuis le coup d'Etat d'octobre 2021.
Fer de lance de la révolte qui a renversé Omar el-Béchir en 2019 après 30 ans de dictature, les Forces de la liberté et du changement (FLC) ont dit avoir reçu une invitation de l'ONU, de l'Union Africaine et de l'organisation régionale est-africaine IGAD à une "réunion technique" avec l'armée mercredi.
Mais elles se sont "excusées" et ont répondu qu'elles n'y participeraient pas, selon un communiqué des FLC.
Après la chute du régime Béchir, les FLC ont signé un accord avec l'armée, marquant le début d'une période de transition, prévoyant un partage du pouvoir entre civils et militaires et devant aboutir à des élections.
La transition fut brutalement interrompue le 25 octobre 2021 par le putsch du chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane qui s'est dit en faveur du dialogue.
Tout processus politique doit avoir pour objectif de "mettre fin au coup d'Etat et d'établir une autorité civile démocratique", ont affirmé les FLC. "Cela ne peut être fait en inondant ce processus de parties représentant le camp du coup d'Etat ou liées à l'ancien régime."
L'ONU a exhorté toutes les parties à participer aux discussions et à "continuer d'oeuvrer pour établir un environnement propice à un dialogue constructif dans l'intérêt du peuple soudanais".
La secrétaire d'Etat adjointe américaine, Molly Phee, est arrivée dimanche au Soudan afin de "soutenir le processus pour régler la crise".
Manifestations
Depuis le coup d'Etat, la communauté internationale n'a eu de cesse de faire du retour des civils au pouvoir la condition sine qua non pour la reprise de son aide au Soudan, l'un des pays les plus pauvres au monde.
Elle réclame également la fin d'une répression qui a fait 100 morts dans les rangs des manifestants prodémocratie depuis le 25 octobre.
Si le général Burhane a levé l'état d'urgence fin mai et libéré ces dernières semaines des figures politiques civiles et des militants prodémocratie se disant en faveur d'un dialogue pour relancer la transition démocratique, la répression des antiputsch continue.
Lundi encore, un manifestant a été tué lors d'un nouveau rassemblement antiputsch près de Khartoum, selon des médecins prodémocratie.
L'ONU, aux côtés de l'Union africaine et l'IGAD, a initié un processus de médiation entre l'armée et les FLC en vue de rétablir la transition, sans quoi le pays risque de sombrer définitivement "sur les plans économique et sécuritaire".
Mais dans le pays, où un Soudanais sur deux souffrira de la faim d'ici la fin de l'année selon l'ONU et où l'inflation atteignait les 221% en avril, les FLC affirment qu'elles ne participeront pas au dialogue national "tant que les prisonniers politiques n'auront pas été libérés et que le recours à la violence contre les manifestants n'aura pas cessé".
L'expert des droits humains de l'ONU Adama Dieng a dénoncé samedi, à l'occasion de sa deuxième visite à Khartoum depuis le coup d'Etat, "l'usage excessif de la force" contre les manifestants.
Entre-temps, dans l'est du Soudan, poumon économique du pays, des manifestants des tribus Beja ont bloqué lundi le port de Port-Soudan, pour protester contre un accord de paix entre le pouvoir et des groupes rebelles signé en 2020. Les Beja s'estiment non représentés dans cet accord.