LONDRES: "Je n'ai pas vu la reine mais j'y étais!" Alice Williams, 24 ans, n'aurait raté pour rien au monde les festivités du jubilé, au grand dam de son petit ami, venu l'accompagner à Londres même s'il ne soutient franchement pas la monarchie.
"C'est important pour moi d'être là ce week-end, pour montrer mon soutien à la reine et à sa famille. Ils ont traversé des moments difficiles ces derniers temps, c'est ma façon de leur dire que je tiens à eux", explique cette étudiante en littérature à l'université de Brighton.
Avec un bob aux motifs Union Jack, des nattes bleu-blanc-rouge et des tatouages éphémères de la reine Elizabeth sur chaque joue, Alice ne détonne pas sur le Mall, avenue où s'étaient massés jeudi des milliers de Britanniques venus apercevoir la monarque saluer ses sujets depuis le balcon de Buckingham.
A ses côtés, son petit ami, James Turner, lève les yeux au ciel et a du mal à comprendre la ferveur qui entoure ce jubilé de platine, qui célèbre jusqu'à dimanche les 70 années de règne de la souveraine.
"Ca me dépasse", affirme ce jeune maraîcher de 23 ans, qui vit dans le sud-est de l'Angleterre et a fait le déplacement à Londres "uniquement parce que c'est l'anniversaire d'Alice".
"Je ne pouvais pas lui refuser ça", se justifie-t-il, un peu las. "Je ne suis pas un fan de la famille royale, encore moins de ce genre de célébrations, mais il fait beau et on va retrouver des amis plus tard, donc je ne vais pas me plaindre".
Sur son torse, il arbore fièrement un T-shirt avec la pochette de l'iconique album "The Queen is Dead", l'ode anti-monarchie du groupe britannique The Smiths.
"C'est vraiment juste pour l'embêter", rigole-t-il. Mais la petite provocation ne semble pas atteindre l'enthousiasme d'Alice, qui, deux drapeaux britanniques dans chaque main, n'écoute déjà plus les sarcasmes de son compagnon.
Car la foule s'est mise à hurler. La jeune femme se doute bien que la reine a dû apparaître au balcon du palais, mais elle a beau se hisser sur la pointe des pieds, son mètre 65 ne lui permet pas de voir quoi que ce soit.
En vain, James tente de la porter sur ses épaules, mais le chaos rend la tâche impossible. "C'est complètement fou, les gens deviennent dingues", s'exclame-t-il.
«Ca me dépasse»
"Au-delà de la fête, je pense sincèrement que la reine maintient l'unité du pays. Elle le fait depuis 70 ans maintenant et on sait tous que ce sera différent quand Charles prendra le relais", estime Alice.
"Quand Elizabeth est devenue reine, elle était la reine d'un empire. Charles sera le roi d'un Royaume-Uni qui n'est même plus dans l'Union européenne", regrette-t-elle. "Mais c'est pour ça que pour moi, la monarchie est encore quelque chose d'important aujourd'hui. Ca nous définit en tant que pays, quels que soient les changements que nous vivons".
"Ca définit peut-être qui nous sommes mais on pourrait réfléchir à autre chose", rétorque James, qui trouve "archaïques" les traditions et les privilèges qui accompagnent la famille royale.
Malgré tout, il ne croit pas en un changement de régime à court ou moyen terme au Royaume-Uni. "Je pense que la monarchie survivra après la mort de la reine. Personne ou presque ne questionne vraiment le fait d'avoir un monarque comme chef d'Etat. J'ai l'impression que pour beaucoup d'entre nous, c'est quelque chose auquel on s'est habitués, qu'on a accepté comme normal, qui nous laisse indifférents".
Si la reine Elizabeth II reste extrêmement populaire, le soutien des jeunes à la monarchie s'érode. Selon un sondage YouGov publié mercredi, seuls 33% des jeunes Britanniques (18-24 ans) pensent que la monarchie devrait continuer d'exister à l'avenir, contre 77% chez les plus de 65 ans. A l'inverse, 31% des jeunes estiment que le pays devrait avoir un chef d'Etat élu.