STRASBOURG: Le marcheur Alain Fontanel, battu aux municipales par les Verts, et la numéro deux de ce parti, investie par la Nupes, Sandra Regol, se disputent la 1ère circonscription du Bas-Rhin à Strasbourg, où ils jouent chacun une partie de leur avenir politique aux élections législatives.
Sur ce territoire qui couvre le centre-ville strasbourgeois et s'étend des villas cossus du Parc de l'Orangerie au quartier de reconquête républicaine de Hautepierre, Jean-Luc Mélenchon est arrivé largement en tête au premier tour de la présidentielle avec 36,8% des voix.
"L'effet troisième tour est attendu dans les quartiers, il y a beaucoup d'espoir", est persuadée Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe des Verts, dont certains tracts affichent désormais la photo du leader insoumis.
Fort de la conquête surprise de la capitale alsacienne par Jeanne Barseghian en 2020, l'état- major écologiste avait tôt repéré l'endroit sur la carte électorale. Mme Regol, qui a travaillé et milité en Alsace jusqu'en 2012, était pressentie pour la bataille, avant même les résultats de la présidentielle.
"Cela fait 10 ans que je ne l'ai pas vue sur le terrain", clame Alain Fontanel, son principal adversaire dans cette élection, la plus acharnée d'Alsace avec 17 candidats. L'ancien socialiste, marcheur de la première heure, qui a vu la mairie de Strasbourg lui échapper après une vaine alliance avec LR, vit cette nouvelle campagne "sereinement", se qualifiant désormais de "challenger". Et il jure ne pas voir ce nouveau scrutin "comme une revanche".
Une campagne à trois échelles
"Je porte le bilan national, elle le local", analyse-t-il, dans cette législative sans sortant, où le LREM Thierry Michels ne se représente pas.
En campagne ce jour-là près de la favorable avenue des Vosges, l'ex-premier adjoint laisse libre cours aux récriminations contre la mairie d'une habitante qui se plaint de la baisse du nombre de places de stationnement.
"Je ne suis pas l'ambassadrice de la maire", répond de son côté Sandra Regol, qui conteste les procès en parachutage, en rappelant qu'elle faisait de la politique ici "avant qu'En Marche n'existe" et qu'elle était déjà la candidate des Verts sur la circonscription en 2012.
Porte-parole d'EELV avant de seconder Julien Bayou à la tête du mouvement, "j'ai investi toute mon énergie pour le collectif", explique-t-elle pour justifier son éloignement. "Aujourd'hui je peux peser nationalement et localement".
Deux échelles qui se confondent dans ce match, auxquelles il faut ajouter le niveau européen. La désobéissance aux règles communautaires, âprement débattue lors des négociations d'union de la gauche, résonne en effet de manière particulière dans la capitale alsacienne qui abrite le siège du Parlement européen.
«Réorientation de l'Europe»
"Les traités protègent Strasbourg dans son statut de capitale européenne, désobéir, c'est l'affaiblir", tranche Alain Fontanel, alors que la question régulièrement agitée d'une relocalisation totale à Bruxelles des sessions parlementaires fait figure d'épouvantail politique local.
"Nous ne voulons pas de Frexit, mais une réorientation de l'Europe", temporise Sandra Regol, qui a participé aux négociations de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, arguant que "les règles budgétaires contournées par Macron, ce sont des dérogations et au final de la désobéissance".
Dans ce duel annoncé, que l'ancien député PS Eric Elkouby (2016-2017) aimerait bien remettre en cause, l'enjeu principal est celui de la mobilisation, particulièrement du côté des quartiers populaires de Hautepierre et des Poteries pour Mme Regol, où Jean-Luc Mélenchon a fait ses meilleurs scores en avril.
Sur le papier, la Nupes est en position favorable. Avec les résultats de Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo, le total des voix de gauche au premier tour de la présidentielle atteint les 46% dans la circonscription, Emmanuel Macron, faisant mieux que sa moyenne nationale mais tout de même largement distancé, à 31%.
"On n'est pas à Marseille ici", tempère pourtant le politologue strasbourgeois Richard Kleinschmager, découplant les résultats nationaux des scrutins locaux. Celui-ci décrit une ville aux traditions oscillant entre "démocratie-chrétienne et socialisme de la deuxième gauche, rocardien mais pas mélenchoniste".