Dans l'Est de l'Ukraine, «continuer à vivre» face à une guerre d'usure

Comme pour beaucoup d'Ukrainiens, sa vie actuelle est pleine de douloureuses contradictions (Photo, AFP).
Comme pour beaucoup d'Ukrainiens, sa vie actuelle est pleine de douloureuses contradictions (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 01 juin 2022

Dans l'Est de l'Ukraine, «continuer à vivre» face à une guerre d'usure

  • Dans son quartier quasi-vidé de ses habitants, les rues sont patrouillées par des soldats ukrainiens tendus:
  • Dans cette région du Donbass, ils savent que beaucoup penchent pour la Russie

BARVINKOVE : Dans son jardin de l'est de l'Ukraine, Valentina Pryss, médecin retraitée, arrache les mauvaises herbes avec en tête une maxime qui l'aide à garder le moral: les guerres passent, la vie est éternelle.

Comme pour beaucoup d'Ukrainiens, sa vie actuelle est pleine de douloureuses contradictions: elle aime la Russie mais ne parle plus à ses proches moscovites. Ces derniers refusent de croire que le Kremlin a lancé une invasion sanglante de l'Ukraine, qui a ravagé la localité où elle habite, Barvinkové, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Severodonetsk.

A 71 ans, elle et quelques rares voisins restés sur place malgré les combats alentours, sont d'une génération pleine de nostalgie pour la vie calme et rangée qu'ils menaient à l'époque soviétique.

Dans son quartier quasi-vidé de ses habitants, les rues sont patrouillées par des soldats ukrainiens tendus: dans cette région du Donbass, ils savent que beaucoup penchent pour la Russie.

Barvinkové est au carrefour de deux régions: celle de Kharkiv où les Ukrainiens ont repris du terrain face aux Russes, et celle de Severodonetsk, agglomération-clé du Donbass que les forces de Moscou contrôlent désormais "à 70%", selon le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï.

"J'essaie de continuer à vivre", dit Valentina Pryss, sans s'arrêter de jardiner. "Pour nous, cette guerre est passagère, la vie est éternelle".

Destructions plus que percées 

L'invasion de l'Ukraine par la Russie, lancée il y a 100 jours, le 24 février, a viré à la guerre d'usure: peu de percées sur le terrain, mais beaucoup de destructions.

Une résistance ukrainienne inattendue au début de l'invasion et des erreurs logistiques et tactiques russes ont obligé les forces de Moscou à réduire leurs ambitions et recentrer leur offensive sur la prise du Donbass, région industrielle de l'est du pays, déjà frappée de plein fouet par la désindustrialisation.

Après des semaines de pilonnage, Severodonetsk semble finalement près de tomber aux mains des Russes. Quelque 12.000 civils y seraient pris au piège sans aucune aide humanitaire ne pouvant arriver, indiquait mardi l'ONG Norwegian Refugee Council qui y avait son QG ukrainien jusqu'à récemment.

La ville voisine de Lyssytchansk, séparée de Severodonetsk par la rivière Donets, résiste, même si les Russes essaient de l'encercler.

S'ils y parviennent, l'agglomération de Severodonetsk-Lyssytchansk pourrait servir de tremplin pour faire la jonction avec les forces russes plus à l'ouest, et peut-être de lancer une offensive sur la capitale administrative régionale ukrainienne de Kramatorsk, selon des analystes.

Le temps joue pour Kiev? 

Face au pilonnage russe, les soldats ukrainiens sur le front ont un même rêve: disposer d'armes de haute précision et de longue portée pour frapper les forces de Moscou à bonne distance.

"Quand vous savez qu'il y a des armes lourdes derrière vous, le moral de tout le monde remonte", dit un soldat qui donne uniquement son nom de guerre "Loujniï". "Sinon, vous restez dans les tranchées à scruter l'horizon".

Si Washington refuse de livrer des armes de très longue portée qui permettraient aux Ukrainiens d'atteindre la Russie, le président américain Joe Biden a annoncé mardi que Washington leur livrerait des systèmes "plus avancés" qui leur "permettront de toucher plus précisément des objectifs clé sur le champ de bataille en Ukraine".

Selon un haut responsable de la Maison Blanche, il s'agit de Himars (High Mobility Artillery Rocket System), des lance-roquettes multiples montés sur des blindés légers, d'une portée de 80 kilomètres environ, ce qui représenterait déjà un renforcement significatif des capacités ukrainiennes.

Si certains de ces systèmes peuvent nécessiter un mois de formation, "à ce stade, nos gars sont prêts à tirer n'importe quoi, après avoir joué avec pendant une quinzaine de jours", a indiqué à l'AFP un autre soldat, "Moder" de son nom de guerre.

La lente progression des Russes dans le Donbass et la livraison attendue d'armes occidentales plus puissantes font dire aux analystes que le temps pourrait jouer en faveur de Kiev.

"L'Ukraine peut se permettre de perdre un peu de terrain pour l'instant dans le Donbass, sans que cela n'ait des conséquences stratégiques graves", estime Rob Lee, analyste au Foreign Policy Research Institute. "Mais il est essentiel que ses forces ne se retrouvent pas encerclées".

«On est dans le noir»

Evguen Onychtchenko n'a de son côté pas l'impression d'avoir le temps pour lui.

Depuis son appartement privé d'électricité, au rez-de chaussée d'un immeuble de Lyssytchansk, il ne peut que se demander quelle armée contrôle sa rue.

"Nous ne savons rien", dit-il, avant d'accepter un bol de soupe préparé par un de ses voisins, sur un braséro dans la cour de l'immeuble.

Les obus tirés depuis les environs de Severodonetsk sont de plus en plus nombreux à s'abattre sur Lyssytchansk, et le danger augmente de jour en jour.

"On voit des voitures passer avec des drapeaux ukrainiens, donc nous supposons que nous faisons toujours partie de l'Ukraine", dit ce plombier. "Mais pour le reste, on est dans le noir".


Poutine en Chine cette semaine, en quête d'un soutien plus fort de Pékin

Le président russe Vladimir Poutine se rendra cette semaine en Chine à l’invitation du dirigeant Xi Jinping, a annoncé le ministère des Affaires étrangères de Pékin le 14 mai 2024 (Photo, AFP).
Le président russe Vladimir Poutine se rendra cette semaine en Chine à l’invitation du dirigeant Xi Jinping, a annoncé le ministère des Affaires étrangères de Pékin le 14 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Il s'agira du premier déplacement à l'étranger de Vladimir Poutine depuis sa réélection en mars et aussi de la quatrième rencontre entre les deux présidents depuis le début de l'invasion russe en Ukraine
  • Quelques jours avant le lancement de l'opération, Moscou et Pékin avaient affirmé que leur amitié était «sans limites»

PEKIN: Le président russe Vladimir Poutine se rendra en Chine cette semaine avec l'espoir d'obtenir de son "cher ami" Xi Jinping un plus net soutien à sa guerre en Ukraine, une visite annoncée mardi par les deux pays.

Le dirigeant russe "effectuera une visite d'Etat en Chine du 16 au 17 mai", jeudi et vendredi, a annoncé une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying.

Il s'agira du premier déplacement à l'étranger de Vladimir Poutine depuis sa réélection en mars et aussi de la quatrième rencontre entre les deux présidents depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022.

Quelques jours avant le lancement de l'opération, Moscou et Pékin avaient affirmé que leur amitié était "sans limites". Depuis, leur relation diplomatique et commerciale s'est renforcée.

"Le président Xi Jinping procédera à un échange de points de vue avec le président Poutine sur les relations bilatérales, la coopération dans divers domaines et les questions internationales et régionales d'intérêt commun", a précisé un autre porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, lors d'un point presse régulier.

De son côté, le Kremlin a indiqué que les deux présidents évoqueraient leur "partenariat global et leur coopération stratégique" et "définir(aient) les domaines-clés de développement de la coopération russo-chinoise, tout en échangeant aussi leurs points de vue sur les questions internationales et régionales".

De nombreux experts estiment que la Russie est de plus en plus dépendante de la Chine, devenue un partenaire économique crucial face à l'avalanche de sanctions occidentales décrétées en réaction à son offensive militaire.

Baisse des exportations 

Ces derniers mois, Pékin a balayé à plusieurs reprises les critiques occidentales sur ses liens avec Moscou, tout en profitant d'importations à prix cassé de gaz et de pétrole de son voisin.

Mais sans vouloir pour autant renforcer son soutien.

"Les Russes veulent que la Chine fasse davantage pour les soutenir, ce que la Chine hésite à faire parce qu'elle ne veut pas compromettre ses relations avec l'Occident", explique à l'AFP Alexander Gabuev, directeur du Centre Carnegie Russie Eurasie.

Les échanges commerciaux sino-russes ont explosé depuis l'invasion de l'Ukraine et ont atteint 240 milliards de dollars (222 milliards d'euros) en 2023, selon les Douanes chinoises.

Mais les exportations chinoises vers son voisin ont chuté en mars et avril cette année, alors que Washington menace de sanctions les institutions financières soutenant l'effort de guerre russe.

Effrayées par ces menaces de sanctions, qui viendraient porter un nouveau coup à une économie chinoise déjà fragile, les banques du géant asiatique sont devenues récemment plus prudentes dans leurs transactions avec la Russie, les suspendant ou les réduisant.

"Les banques chinoises s'inquiètent de l'impact pour leur réputation et cherchent à éviter de grosses sanctions", souligne Elizabeth Wishnick, spécialiste des relations sino-russes au centre de réflexion américain CNA.

Pas «naïfs»

Et tandis que la Chine cherche à apaiser les tensions avec les Etats-Unis, elle pourrait être réticente à renforcer sa coopération avec la Russie.

"Si la Chine souhaite (...) maintenir le dégel, tactique, de ses relations avec les Etats-Unis et limiter la convergence américano-européenne en matière de politique à l'égard de Pékin, elle doit prendre au sérieux la menace américaine de sanctionner ses institutions financières", estime Ali Wyne, du groupe de réflexion International Crisis Group.

Vladimir Poutine et Xi Jinping discuteront ainsi "probablement des moyens par lesquels Pékin pourrait soutenir Moscou de manière moins voyante, peut-être par l'intermédiaire de petites banques chinoises ou de canaux de financement non officiels", estime-t-il.

Plusieurs experts estiment que cette nouvelle rencontre entre les deux présidents servira à réaffirmer l'étroite relation entre les deux dirigeants, à signer quelques accords et à plaider pour un renforcement des échanges commerciaux.

Vladimir Poutine sait parfaitement que Pékin reste déterminé à soutenir Moscou et faire ainsi front commun face à ce que les deux pays dénoncent comme l'hégémonie américaine sur le monde, soulignent ces experts.

Les Russes ne sont pas "naïfs" et "savent très bien que les liens avec l'Occident sont très importants pour la Chine" note M. Gabuev du Centre Carnegie Russie Eurasie.

Mais ils sont toutefois "certains que la Chine ne les laissera pas tomber", souligne-t-il.


Accusations d'interférences au Royaume-Uni: Londres a convoqué l'ambassadeur chinois

Le dirigeant de Hong Kong dit avoir peu de souvenirs d'un homme accusé par la Grande-Bretagne d'espionnage pour le compte de la ville chinoise après la publication d'une photographie semblant les montrer ensemble (Photo, AFP).
Le dirigeant de Hong Kong dit avoir peu de souvenirs d'un homme accusé par la Grande-Bretagne d'espionnage pour le compte de la ville chinoise après la publication d'une photographie semblant les montrer ensemble (Photo, AFP).
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  • Arrêtés début mai, les suspects Chi Leung (Peter) Wai, 38 ans, Matthew Trickett, 37 ans, et Chung Biu Yuen, 63 ans, ont été libérés sous contrôle judiciaire
  • Ils sont inculpés pour aide aux services de renseignement hongkongais et ingérence étrangère

LONDRES: Londres a annoncé avoir convoqué mardi l'ambassadeur chinois au lendemain de la présentation à la justice de trois hommes accusés d'aide aux services de renseignement hongkongais et d'interférence étrangère.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a été "sans équivoque" sur le fait que le comportement récent de la Chine n'est "pas acceptable", a indiqué un porte-parole dans un communiqué, évoquant cyberattaques, espionnage et promesse de récompense dans la traque de militants pro-démocratie à Hong Kong.

Arrêtés début mai, les suspects Chi Leung (Peter) Wai, 38 ans, Matthew Trickett, 37 ans, et Chung Biu Yuen, 63 ans, ont été libérés sous contrôle judiciaire à l'issue de leur présentation à la justice lundi à Londres.

Chung Biu Yuen est un chef de l'agence du commerce et de l'économie de Hong Kong (ETO) à Londres, selon le gouvernement hongkongais.

Ils sont inculpés pour aide aux services de renseignement hongkongais et ingérence étrangère, en vertu de la loi britannique sur la sécurité nationale.

Ils sont notamment accusés d'avoir rassemblé des informations, mené des actions de surveillance "susceptibles d'aider matériellement un service de renseignement étranger dans ses actions liées au Royaume-Uni", et ce entre le 20 décembre 2023 et le 2 mai 2024.

Ils ont également été inculpés pour avoir forcé l'entrée dans une habitation, le 1er mai dernier.

Le Royaume-Uni a dénoncé à maintes reprises la répression du mouvement en faveur de la démocratie dans son ancienne colonie, dont plusieurs figures en exil ont trouvé refuge sur le sol britannique.

En juillet 2023, Londres avait vivement protesté contre les mandats d'arrêt et promesses de récompense visant à appréhender des militants pro-démocratie ayant fui Hong Kong.

Le chef de l'exécutif hongkongais, John Lee, a défendu mardi ses agences du commerce à l'étranger (ETO).

"Toute tentative d'allégation injustifiée contre le gouvernement (de Hong Kong) est inacceptable", a-t-il déclaré.

M. Lee a accusé lundi le Royaume-Uni d'avoir "inventé des accusations, arrêté arbitrairement des citoyens chinois et calomnié le gouvernement de Hong Kong". Il a dit mardi avoir demandé des précisions sur cette affaire au consulat britannique à Hong Kong et attendre une réponse.


Turquie: environ 500 personnes arrêtées suspectées de lien avec le prédicateur Gülen

Des policiers anti-émeutes turcs arrêtent un manifestant lors d'une audience judiciaire contre l'universitaire Nuriye Gulmen et l'enseignant Semih Ozakca devant la prison de Sincan, dans la province d'Ankara, le 28 septembre 2017 (Photo, AFP).
Des policiers anti-émeutes turcs arrêtent un manifestant lors d'une audience judiciaire contre l'universitaire Nuriye Gulmen et l'enseignant Semih Ozakca devant la prison de Sincan, dans la province d'Ankara, le 28 septembre 2017 (Photo, AFP).
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  • Les suspects sont accusés de s'être inscrits aux concours de la fonction publique sur ordre du mouvement güleniste
  • En exil volontaire outre-Atlantique depuis 1999, Fethullah Gülen, à la tête d'un mouvement aussi puissant qu'opaque, est tenu pour responsable de la tentative de coup d'Etat de juillet 2016

ANKARA: Les autorités turques ont annoncé mardi l'arrestation de 544 personnes soupçonnées d'être liées au prédicateur Fethullah Gülen, bête noire du président Recep Tayyip Erdogan qui l'accuse d'avoir orchestré une tentative de putsch en 2016.

"544 suspects ont été arrêtés dans le cadre de l'opération Pince-15", a affirmé le ministre de l'Intérieur turc Ali Yerlikaya sur X (ex-Twitter).

L'opération, menée dans 62 des 81 provinces turques, visait des "individus destinés à intégrer différents niveaux de la fonction publique par Feto", acronyme utilisé par Ankara pour désigner le mouvement religieux güléniste.

"Nous ne laisserons pas tranquilles les membres de Feto", a prévenu le ministre.

Les suspects sont accusés de s'être inscrits aux concours de la fonction publique sur ordre du mouvement güleniste et d'utiliser la messagerie Bylock pour échanger, considérée par Ankara comme appartenant aux partisans du prédicateur.

Exil

En exil volontaire outre-Atlantique depuis 1999, Fethullah Gülen, à la tête d'un mouvement aussi puissant qu'opaque, est tenu pour responsable de la tentative de coup d'Etat de juillet 2016, ce qu'il a toujours nié.

Autrefois allié précieux de M. Erdogan, le prédicateur musulman, âgé de 83 ans selon l'état civil, avait été accusé par les autorités turques d'être à l'origine des soupçons de corruption qui ont visé le gouvernement en décembre 2013, quand M. Erdogan était encore Premier ministre.

Depuis la tentative du coup d'Etat, le chef de l'Etat accuse l'imam, à la tête d'un mouvement présent sur tous les continents via, notamment, un tentaculaire réseau d'écoles privées, d'avoir mis en place un Etat parallèle destiné à le renverser.

Les autorités turques ont procédé depuis ce putsch manqué à plus de 300.000 arrestations, notamment dans les rangs de la police, de la justice et de l'armée et parmi les intellectuels.

Des poursuites ont été engagées contre près de 700.000 personnes et 3.000 d'entre elles, accusées d'avoir joué un rôle dans le coup d'Etat raté, ont été condamnées à la prison à vie.

La Turquie exige régulièrement des pays occidentaux l'extradition de militants gülénistes vivant sur leurs sols.

Ankara en avait aussi fait l'une des conditions à la ratification par le Parlement turc de l'adhésion la Suède et de la Finlande à l'Otan, avant finalement de passer outre.