Dans la dernière usine française de papier journal, l'avenir est au carton

Un employé de l'usine de papier journal Norske Skog coupe un énorme rouleau de papier blanc à la sortie de la machine à papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. (FREDERICK FLORIN / AFP)
Un employé de l'usine de papier journal Norske Skog coupe un énorme rouleau de papier blanc à la sortie de la machine à papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. (FREDERICK FLORIN / AFP)
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Publié le Mercredi 01 juin 2022

Dans la dernière usine française de papier journal, l'avenir est au carton

  • Le prix du papier flambe depuis le début de l'année: Les fabricants ont parfois doublé leurs tarifs
  • L'usine de Golbey est la dernière à en produire en France, tandis que les autres papetiers ont peu à peu abandonné le papier journal au profit du carton

GOLBEY, France: Tendus entre d'énormes cylindres, les kilomètres de papier journal semblent s'enrouler à l'infini dans l'usine Norske Skog située à Golbey, dans les Vosges. Le dernier site en France qui fabrique du papier journal s'apprête pourtant à abandonner une partie de sa production pour s'orienter vers le carton.

Dans les hangars, des travaux sont déjà en cours autour des machines, deux monstres de fer et de tôle qui pressent la pâte à papier et la sèchent, pour en sortir des bobines de papier géantes de neuf mètres de large.

Des bureaux temporaires ont aussi été installés à l'extérieur pour accueillir les prestataires qui seront chargés de transformer la plus ancienne des deux machines, afin qu'elle produise du carton ondulé destiné aux emballages dès fin 2023.

Pour le moment, l'heure est à la préparation de la tuyauterie et des bâtiments: les ouvriers ont pour consigne d'arrêter la machine le plus tard possible, pour ne pas trop pénaliser l'activité de l'usine.

L'industriel annonce que sa capacité de production annuelle de 558.000 tonnes de papier journal baissera à 330.000 tonnes seulement, mais il pourra fabriquer en plus 555.000 tonnes de carton recyclé.

Le manque de papier, un «drame» pour la presse imprimée

Fut un temps où le journal de la veille était recyclé pour emballer les légumes sur les marchés. Aujourd'hui, les courses sont livrées à domicile dans du carton, souvent recyclé, et la presse française manque de papier journal, inabordable.

A force d'anticiper et d'accompagner la numérisation de la presse, les industriels du papier et du carton ont tellement réduit leur capacité de production de papier journal qu'il ne restera d'ici quelques mois qu'une seule machine de production encore en activité en France.

Et le prix du papier journal flambe: à 400 euros la tonne au 1er semestre 2021, il a doublé en un an, pour atteindre 800 euros et plus en avril, indique l'Alliance (Apig) qui regroupe 285 titres de la presse quotidienne nationale (PQN), régionale (PQR) et de la presse hebdomadaire régionale (PHR).

"La tension sur les approvisionnements des journaux résulte des fermetures de machines ou de transferts de machines vers la fabrication d'emballages" en carton pour répondre à la forte demande du secteur de la vente en ligne, confirme Paul-Antoine Lacour, délégué général de Copacel, qui regroupe les entreprises de l'industrie du papier, du carton et de la cellulose.

"Les papeteries se reconvertissent dans le carton pour fournir Amazon. Et les plus petites, sur lesquelles on pouvait réajuster les commandes, ferment, ce qui fait que nous avons un vrai problème industriel de dépendance en France", note Fabien Gay, directeur du quotidien l'Humanité, et sénateur de Seine Saint-Denis.

Les papetiers, gros consommateurs de gaz et d'électricité, souffrent parallèlement de la flambée des cours de l'énergie.

"Nous étions à 3% de nos coûts, et maintenant on est à 10%", ajoute M. Lacour. Le phénomène ne touche pas que la France.

Toute l'Europe est affectée, mais l'Espagne, l'Allemagne et les pays scandinaves conservent des capacités de production de papier journal.

Lectorat attaché au papier

Les journaux français, pris entre leurs coûts fixes (rotatives, rédaction, réseau de distribution) et la flambée de l'énergie et du papier, vivent la situation comme un drame.

"Difficile de résister à une hausse pareille. Potentiellement, certains titres en France ne devraient pas survivre", déclare à l'AFP Philippe Carli, président du groupe Ebra, qui regroupe neuf titres de l'Est, dont L'Alsace, l'Est républicain et les Dernières nouvelles d'Alsace.

Selon des données confidentielles auxquelles l'AFP a eu accès, la seule hausse du prix du papier va peser entre 5 et 10 millions d'euros supplémentaires dans les comptes de groupes comme Ebra, Ouest France, le Monde, le Figaro ou Sud-Ouest.

Or, malgré la numérisation croissante, la presse française, dont beaucoup de titres ont augmenté leur prix de vente au numéro en début d'année, consomme encore quelque 330.000 tonnes de papier par an, tous titres confondus, indique Pierre Petillault, directeur de l'Alliance.

Les plus fragiles sont les titres de la presse hebdomadaire régionale, encore peu numérisés et au lectorat attaché au papier.

Beaucoup de journaux réduisent leur pagination, suppriment des cahiers, ou ne sortent pas les jours fériés.

Outremer, La Dépêche de Tahiti, journal en difficulté depuis longtemps, a été placée en liquidation judiciaire fin avril.

La situation est d'autant plus inconfortable que certains papetiers profitent de la situation pour faire monter les enchères.

"Avant, nous avions des prix annuels, maintenant on négocie les prix par trimestre, il y a même des allocations de papiers faites au plus offrant", ajoute un patron de presse qui requiert l'anonymat.

Un autre point de tension de plus en plus vif se dessine: le recyclage, lui aussi de plus en plus orienté vers le carton d'emballage, très demandé par le commerce électronique.

A partir du 1er janvier 2023, la loi Agec contre le gaspillage impose aux journaux de s'acquitter réellement de leur éco-contribution auprès de Citeo, qui organise la collecte et le recyclage des déchets en France, au lieu d'un paiement en nature sous forme de pages de pub comme c'est le cas jusqu'à présent.

"C'est fou, nous les journaux, allons directement aider à financer Amazon et les autres", grince-t-on à l'Alliance.

Celle-ci a demandé une aide spécifique aux pouvoirs publics: "Que le carton soit en plein essor pour l'e-commerce, on le comprend, mais on a du mal à évaluer l'apport de l'e- commerce à la démocratie".

Le groupe norvégien Norske Skog a investi 250 millions d'euros pour ce projet, également soutenu par le plan de relance gouvernemental: il compte sur le marché du carton, en plein essor grâce au succès du commerce en ligne, pour doper sa rentabilité.

Au contraire, la consommation de papier journal a beaucoup baissé ces dernières années, la presse papier perdant peu à peu du terrain face à l'information en format numérique.

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Des employés de l'usine de papier journal Norske Skog regardent une machine à rouler le papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. ( FREDERICK FLORIN / AFP)

L'usine de Golbey est d'ailleurs la dernière à en produire en France, tandis que les autres papetiers ont peu à peu abandonné le papier journal au profit du carton.

Des feuilles à prix d'or

Cette stratégie du "dernier des Mohicans" lui permet néanmoins aujourd'hui de profiter d'une extraordinaire hausse des prix. Car en un an, le prix de la tonne de papier journal a doublé: elle se vendait en mai entre 780 et 950 euros, contre 400 à 440 euros à la même période l'an dernier, selon l'agence d'évaluation des prix Fastmarkets.

La flambée des prix est d'abord liée au déséquilibre entre l'offre et la demande, puisque la production de papier journal a baissé rapidement par rapport aux besoins de la presse, après avoir été longtemps en surcapacité.

"Le marché est artificiellement tendu", résume pour l'AFP Yves Bailly, le président de l'usine.

Cahiers, papier toilette, carton... Pourquoi le prix du papier augmente

Le prix du papier flambe depuis le début de l'année: Les fabricants ont parfois doublé leurs tarifs, ce qui fait craindre des hausses massives sur des produits de grande consommation, des cahiers de la rentrée scolaire au papier toilette.

Pourquoi le prix du papier augmente-t-il ?

Avec la reprise de la consommation après les confinements, la demande de papier a augmenté fortement et soudainement, causant des difficultés d'approvisionnement en matières premières et de transport.

En avril, la pâte à papier, matière première du papier et du carton, coûtait plus de 40% plus cher qu'à la même période de 2019, avant la pandémie, selon l'Insee.

En plus de cela, "le bois est devenu rare, donc les palettes pour transporter les produits sont devenues rares", explique Thibault Laumonier, PDG de la filiale française du groupe britannique de papier et d'emballage DS Smith Packaging.

Il évoque aussi un retard sur la mise en service de nouvelles machines à cause de la pénurie de semi-conducteurs.

Dans une industrie qui consomme beaucoup d'énergie pour sécher la pâte à papier et faire tourner les machines qui forment les feuilles, la hausse du coût du gaz ou de l'électricité depuis le début de la guerre en Ukraine a aussi un impact significatif.

À cela s'ajoutent des problématiques particulières selon le type de papier: pour le papier journal, la hausse des prix est en partie liée à une baisse de la production, les producteurs délaissant ce secteur face à la diminution des ventes de journaux.

En revanche, pour le papier ondulé qui sert à faire des cartons, les prix sont tirés vers le haut par la demande grandissante de cartons d'emballage pour le commerce en ligne ou pour l'agroalimentaire, qui cherche à abandonner le plastique à usage unique.

Quelles sont les conséquences de cette hausse ?
La situation est parfois tendue pour les industriels, mais ils ont pu transférer à leurs clients des augmentations de prix face à la hausse des coûts.

"Globalement les entreprises arrivent à conserver leurs marges", assure Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et cellulose (Copacel).

Mais cette inflation a un impact en aval sur tous les secteurs utilisateurs, soit une grande partie de l'économie, de la presse aux papiers d'hygiène, en passant par les emballages agroalimentaires ou les cartons en tous genres.

Cette hausse des prix fait craindre à M. Lacour "un tassement de la consommation" si le pouvoir d'achat des Français baisse trop.

Le prix des fournitures scolaires va-t-il augmenter à la rentrée ?

Comme tous les producteurs de papier, les fabricants de cahiers font face à la hausse de leurs coûts. La particularité de ce secteur est qu'il négocie ses prix de vente avec la grande distribution à l'automne pour la rentrée suivante: ceux de la prochaine rentrée scolaire ont donc été fixés à une période où le prix du papier avait déjà augmenté, mais encore loin des records actuels.

D'après M. Lacour, les distributeurs se sont engagés à des hausses de 12 à 15% des prix d'achat de fournitures scolaires en papier pour septembre 2022, ce qui pourrait faire aussi monter le prix dans les rayons pour le consommateur.

"Depuis, on a eu des hausses importantes sur de nombreux coûts de production. Si les négociations devaient avoir lieu aujourd'hui, on serait sur des montants bien supérieurs", dit- il.

Et le papier toilette ?

Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique des supermarchés E. Leclerc, avait averti en avril que le prix du papier toilette allait "augmenter considérablement", lors d'une interview sur BFMTV.

Selon les industriels, produire du papier hygiénique coûte en effet environ 20% plus cher qu'avant la pandémie.

"Mais en pratique, les hausses de prix seront sans doute moindres", estime Paul-Antoine Lacour.

Contrairement au papier journal ou au carton, qui sont vendus à des entreprises pour être à nouveau transformés, le papier toilette est vendu directement aux distributeurs, donc au consommateur final, ce qui rend les hausses de prix plus difficiles à faire passer, explique-t-il.

Il s'agit aussi d'un produit de première nécessité: les négociations sur les prix pourraient donc être tendues.

La hausse des prix est aussi liée à une hausse des coûts: depuis la fin des confinements, la reprise économique rapide a créé des difficultés d'approvisionnement et de transport, et fait grimper le prix du bois et du papier recyclé.

Pour faire tourner les immenses rouleaux chauffants qui font sécher la pâte à papier, il faut beaucoup d'énergie, dont le prix flambe, surtout depuis le début de la guerre en Ukraine.

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Un employé de l'usine de papier journal Norske Skog travaille sur une machine à découper le papier à Golbey, dans l'est de la France, le 24 mai 2022. (FREDERICK FLORIN / AFP)

"Quand une entreprise comme la nôtre consomme un million de mégawattheures par an, chaque variation d'un euro sur le prix du mégawattheure nous fait une variation d'un million d'euros sur notre compte de résultat", explique M. Bailly.

"On a fait passer sur certains mois plus de 100 euros de hausse (pour une tonne de papier, NDLR) simplement liée à l'énergie", ajoute-t-il.

Une situation qui alarme les éditeurs de presse: l'Alliance pour la presse d'information générale (Apig) a demandé à l'État de lui octroyer une aide financière dans le cadre du plan de résilience, après que de nombreux journaux dont Le Figaro, Libération ou Le Monde ont dû augmenter leurs prix en kiosques.

Pour autant, M. Bailly ne compte pas augmenter la cadence de son usine et produire plus, car les tonnes de papier supplémentaires coûteraient trop cher. "On ne peut pas vendre à perte pour satisfaire les clients", dit-il.

Dans les prochaines années, si le passage au carton fonctionne bien, il estime même qu'un abandon total du papier journal serait "envisageable". "La machine qui reste est une bonne cliente pour une conversion future, mais je ne sais pas si je serai encore là pour le faire."


Entre Taïwan et la Chine, une rapide traversée en ferry pour faire du shopping

Des visiteurs prennent des photos de la ville chinoise de Xiamen depuis les îles Kinmen contrôlées par Taiwan, à Kinmen, le 17 mai 2024. (Photo par I-Hwa Cheng AFP)
Des visiteurs prennent des photos de la ville chinoise de Xiamen depuis les îles Kinmen contrôlées par Taiwan, à Kinmen, le 17 mai 2024. (Photo par I-Hwa Cheng AFP)
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  • En passant l'immigration, les voyageurs ne peuvent manquer un panneau où est inscrit: «Une famille de part et d'autre du détroit, travaillant ensemble pour réaliser nos rêves»
  • La mort en février de deux pêcheurs chinois, après le chavirage de leur embarcation poursuivie par les garde-côtes taïwanais, a donné lieu à une montée des tensions entre Pékin et Taipei

KINMEN, Taïwan : Avant de prendre le ferry qui les ramènera chez eux, les Taïwanais chargés de leurs emplettes faites sur les marchés animés de Xiamen, en Chine continentale, doivent passer au rayon X leurs bagages remplis de nourriture, d'alcool ou encore de matériaux de construction.

A peine cinq kilomètres séparent le continent de l'île taïwanaise de Kinmen, où ils débarqueront une demi-heure plus tard. Mais ils se retrouveront en réalité à mille lieux des centres commerciaux haut-de-gamme et des gratte-ciels modernes de la mégapole chinoise Xiamen.

En passant l'immigration, les voyageurs ne peuvent manquer un panneau où est inscrit: «Une famille de part et d'autre du détroit, travaillant ensemble pour réaliser nos rêves».

La Chine considère Taïwan comme l'une de ses provinces qu'elle a promis de reprendre par la force si nécessaire.

Les navires des garde-côtes chinois ont fait de fréquentes apparitions dans les eaux proches de Kinmen ces derniers mois, avant l'investiture lundi du nouveau président de Taïwan Lai Ching-te, que Pékin a qualifié de «dangereux séparatiste».

Pourtant, le fossé qui se creuse entre Pékin et Taipei et la menace d'un conflit si la Chine tient sa promesse de s'emparer de l'archipel de 23 millions d'habitants semblent être la dernière des préoccupations des passagers taïwanais.

«La Chine est un grand marché, elle offre plus de produits et une plus grande variété de choses, et les choses sont beaucoup moins chères», confie Huang Chuang-yuan, qui tient un restaurant de fruits de mer à Kinmen, et qui fait partie des nombreux habitués à faire la navette.

Huit ferries circulent chaque jour entre les deux rives, et l'année dernière, 700.000 personnes ont fait le voyage entre Kinmen et la Chine continentale.

«C'est très pratique de s'y rendre et le ferry ne dure que 30 minutes», explique à l'AFP le chef taïwanais Ji De-wei, qui a récemment ouvert un restaurant sur l'île taïwanaise, tandis que trois de ses employés chargent ses achats dans un petit camion.

Si «les choses ne sont pas moins chères», il y a «plus de choix», ajoute le cuisinier de 45 ans, qui déclare faire l'aller-retour tous les mois pour s'approvisionner en produits.

D'autres passagers, comme Gail Lin, font le trajet davantage pour la visite que pour faire des courses: en Chine, «les choses sont très modernes», s'exclame-t-elle, déplorant qu'à Kinmen «les choses soient un peu dépassées».

- «Rien ne peut arriver» -

Le président élu taïwanais, qui prendra ses fonctions lundi, s'est décrit par le passé comme un «artisan pragmatique de l'indépendance de Taïwan». Il a depuis adouci son discours, affirmant désormais qu'un processus d'indépendance n'est pas nécessaire car l'île a, selon lui, de facto ce statut.

Mais la mort en février de deux pêcheurs chinois, après le chavirage de leur embarcation poursuivie par les garde-côtes taïwanais, a donné lieu à une montée des tensions entre Pékin et Taipei.

Le 9 mai, une flotte chinoise de sept navires et cinq embarcations de garde-côtes chinois a été détectée autour de l'archipel par leurs homologues taïwanais.

Pourtant, Meng-hsuan Lin, une autre passagère âgée de 28 ans, espère que davantage de citoyens chinois pourront visiter Taïwan, et notamment Kinmen, après l'entrée en fonction de Lai Ching-te.

«Kinmen est l'endroit le plus sûr. Rien ne peut arriver», estime-t-elle.


Aramco : accords avec trois entreprises américaines pour des solutions énergétiques à faible émission de carbone

Les accords conclus avec Aeroseal, Spiritus et Rondo ont été signés en présence du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, et de son homologue américaine, Jennifer Granholm. (Photo fournie)
Les accords conclus avec Aeroseal, Spiritus et Rondo ont été signés en présence du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, et de son homologue américaine, Jennifer Granholm. (Photo fournie)
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  • Ces accords ont été conclus après que les deux responsables sont convenus d'une feuille de route pour la coopération entre les deux pays dans ce secteur
  • Aramco et Rondo ont décidé d'explorer le déploiement de batteries thermiques dans les installations mondiales de l’entreprise saoudienne afin de réduire les coûts opérationnels

RIYAD : Le géant de l'énergie Saudi Aramco a signé des protocoles d'accord avec trois entreprises américaines pour promouvoir le développement de solutions potentiellement à faible émission de carbone.

Les accords conclus avec Aeroseal, Spiritus et Rondo ont été signés en présence du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, et de son homologue américaine, Jennifer Granholm.

Ces accords, conclus après que les deux responsables sont convenus d'une feuille de route pour la coopération entre les deux pays dans ce secteur, ont porté sur la gestion du carbone, l'hydrogène propre, l'énergie nucléaire, ainsi que l'électricité et les énergies renouvelables, l'innovation et la résilience de la chaîne d'approvisionnement du secteur de l'énergie.

Ali al-Meshari, vice-président principal de la technologie, de la supervision et de la coordination chez Aramco, a déclaré : «Aramco a exprimé son ambition d'atteindre la neutralité carbone pour les émissions de gaz à effet de serre de Scope 1 et Scope 2 sur l'ensemble de ses actifs exploités à 100% d'ici 2050. Nous voyons des opportunités pour potentiellement développer une nouvelle activité énergétique à faible émission de carbone. Les technologies innovantes déployées à grande échelle peuvent contribuer à réduire les coûts de réduction des émissions de carbone, et nous investissons dans leur développement à travers nos programmes de R&D, de capital-risque et de déploiement technologique. Nous estimons que les technologies d'Aeroseal, Spiritus et Rondo ont le potentiel de se déployer à l'échelle mondiale, en particulier au Moyen-Orient.»

Après une phase d'essai réussie de la technologie d'Aeroseal en Arabie saoudite, Aramco et l’entreprise sont convenus d'explorer des opportunités pour accélérer le déploiement de cette technologie dans le parc immobilier de l'entreprise et ailleurs. Ils prévoient également de mener des tests conjoints sur les conduits et les enveloppes des bâtiments à l'échelle nationale afin d'identifier les opportunités les plus prometteuses, ainsi que de commercialiser la technologie dans de nouveaux domaines d'application, tels que les gazoducs.

L'accord avec Spiritus a conduit Aramco à envisager des opportunités dans le domaine du captage direct de l'air, l'approche de la société américaine pouvant potentiellement résoudre d'importants défis en termes de coûts.

Aramco et Rondo ont décidé d'explorer le déploiement de batteries thermiques dans les installations mondiales de l’entreprise saoudienne afin de réduire les coûts opérationnels et de soutenir les initiatives de réduction des émissions.

Les sociétés ont entamé des études d'ingénierie en vue du premier déploiement à grande échelle des batteries thermiques de Rondo. Ce projet pourrait contribuer à la réduction des émissions provenant des installations d'Aramco. Par la suite, une expansion jusqu'à une capacité de 1 gigawatt par heure est envisagée.

 


Le secteur saoudien du ciment prochain leader mondial, entre maturité numérique et économie circulaire

Le marché saoudien du ciment blanc devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028. Shutterstock
Le marché saoudien du ciment blanc devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028. Shutterstock
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  • Le marché du ciment blanc en Arabie saoudite a atteint une valeur de 165,11 millions de dollars en 2022 et devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028
  • Des projets clés tels que NEOM et Qiddiya, ainsi que l'expansion des réseaux de transport et des centres de divertissements, ont généré une augmentation notable de la demande de ciment de haute qualité dans le Royaume

RIYAD : L'industrie du ciment en Arabie saoudite est sur le point de maintenir sa position en tant que leader sur le marché mondial, en s’appuyant sur des principes de l'économie circulaire et en surmontant les défis grâce à l'innovation numérique, selon un expert du secteur.

Amr Nader, PDG et co-fondateur du cabinet de conseil en ciment A3&Co, a déclaré à Arab News que la plupart des usines du Royaume dans le secteur disposent de technologies de pointe, ce qui leur permettra d'atteindre la maturité numérique pour réaliser l'excellence opérationnelle et les objectifs de décarbonisation.

Bien que certaines usines aient déjà lancé des initiatives stratégiques dans ce domaine, d'autres en sont encore aux premières étapes d'essais.

Cependant, Nader estime que la transition vers la maturité numérique figure sur la liste des priorités de la plupart des usines et devrait se concrétiser dans les 2 à 5 prochaines années.

Selon TechSCI Research, le marché du ciment blanc en Arabie saoudite a atteint une valeur de 165,11 millions de dollars en 2022 et devrait enregistrer une croissance à un taux de 11,93 % en moyenne chaque année au cours de la période de prévision allant de 2024 à 2028.

Des projets clés tels que NEOM et Qiddiya, ainsi que l'expansion des réseaux de transport et des centres de divertissements, ont généré une augmentation notable de la demande de ciment de haute qualité dans le Royaume.

Nader estime que cette croissance s'accompagnera de changements majeurs dans le secteur et a déclaré : « Nous anticipons une réduction des coûts et une amélioration de la valeur ajoutée, en tirant parti de l'économie circulaire, voire une transition nette zéro si les bonnes technologies aux tailles efficaces sont adoptées. »

Le PDG a souligné l'importance de l'adoption de la technologie de l’oxycombustion à des échelles adaptées, en mettant l'accent sur l’utilisation de l'oxygène et des gaz de combustion recyclés pour brûler les combustibles au lieu de l'air.

Cette approche, combinée à une dépendance accrue aux sources d'énergie renouvelable et à l'intégration prévue de l'hydrogène à faible teneur en carbone comme source de combustible, témoigne du potentiel de l'industrie du ciment en Arabie saoudite pour maintenir son avantage concurrentiel au-delà de 2030 selon M. Nader.

Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie globale de décarbonation visant à réduire l'impact écologique du secteur tout en préservant sa position sur le marché.

M. Nader a également souligné que l'avantage concurrentiel de l’Arabie saoudite en matière de prix est soutenu par des coûts de production plus faibles, même après avoir pris en compte les taxes frontalières d'ajustement du carbone, ce qui pourrait augmenter les exportations vers des régions où les réglementations en matière de carbone sont strictes.

« En ce qui concerne la taxe frontalière sur le carbone en Europe et d'autres taxes frontalières sur le carbone dans le monde, nous  voyons une opportunité pour exporter davantage à partir des usines du Moyen-Orient qui auront adopté rapidement des transitions proches de zéro dans un délai compris entre 2024 et 2028 », a-t-il déclaré.

Les taxes sur le carbone, également connues sous le nom de mécanismes d'ajustement aux frontières, sont des politiques mises en œuvre par les gouvernements pour lutter contre les fuites de carbone.

Elles garantissent la compétitivité des industries soumises à la tarification du carbone sur leur territoire par rapport aux industries étrangères non soumises à des prélèvements similaires.

Ces taxes visent à empêcher la délocalisation d'industries vers des pays dont les politiques climatiques sont moins contraignantes, tout en encourageant d'autres nations à adopter des mesures similaires de tarification du carbone.

Des projets tels que OXAGON à NEOM ont stimulé le secteur du ciment. Dossier
Des projets tels que OXAGON à NEOM ont stimulé le secteur du ciment. Dossier

M. Nader a souligné les défis qui influent sur la demande dans le secteur du ciment, tels que l'augmentation des coûts du fret maritime, la disponibilité réduite des navires en raison des tensions géopolitiques et l'augmentation des prix pratiqués par les usines saoudiennes pour contrer la hausse des coûts de l'énergie d'Aramco.

« Malgré une augmentation moyenne de 100 % des prix des combustibles, les usines saoudiennes efficaces conservent toujours un coût de production inférieur d'environ 15 % à la moyenne mondiale. Il reste donc possible d'améliorer cette situation en adoptant des pratiques d'excellence opérationnelle », a-t-il ajouté.

Il a expliqué que les grandes entreprises du Royaume, dont les capacités de production dépassent 8 000 tonnes par jour, disposent de nombreuses possibilités d'amélioration en mettant en œuvre des stratégies d'excellence opérationnelle et en adoptant rapidement des initiatives prouvées visant des objectifs scientifiques proches de zéro.

Cela permettra non seulement de réduire davantage les coûts, mais aussi de les maintenir en dessous de la moyenne des coûts mondiaux de 15 %, même avec l'augmentation prévue des prix de l'énergie l'année prochaine, a-t-il ajouté.

Par ailleurs, la diminution des investissements gouvernementaux a constitué un autre défi selon M. Nader, entraînant un ralentissement des projets à grande échelle et, par conséquent, une diminution de la demande de ciment.

Cette tendance s'est traduite par une baisse de 4 % des ventes intérieures et de 30 % des exportations pour les 17 cimentiers saoudiens au cours du premier trimestre 2024 par rapport à la même période de l'année dernière, comme l'indique Al-Yamama Cement.

En effet, 97 % des ventes de ciment ont été réalisées sur le marché intérieur, et seulement 3 % ont été exportées.

Malgré cette baisse des ventes, le Royaume reste le plus grand producteur de ciment de la région, accueillant plusieurs des plus importants cimentiers de la région, selon Global Cement.

Selon les données de Bloomberg, parmi les plus importantes entreprises d'Arabie saoudite, sur la base de leur capitalisation boursière, figurent Al Yamama Cement, avec une capitalisation boursière de 6,95 milliards de riyals saoudiens, suivie par Saudi Cement à 6,82 milliards de riyals saoudiens, Southern Province Cement à 5,5 milliards de riyals saoudiens, puis Qassim Cement, et Yanbu Cement.

M. Nader a lié le récent déclin des ventes nationales à certains mégaprojets dans le Royaume qui recourent au ciment vert, un produit rarement fabriqué dans la plupart des usines d'Arabie Saoudite.

« Néanmoins, il est important de noter que la consommation par habitant de l'Arabie saoudite demeure l'une des plus élevées au monde, atteignant environ 1,3 tonne par habitant. Cependant, l'utilisation du secteur reste inférieure à 60 % en raison de l’importante capacité installée entre 2013 et 2017 », a ajouté M. Nader.

Dans son rapport d'avril, Al-Jazira Capital a également attribué le déclin des ventes à l'impact accru du Ramadan sur les ventes, notant que le mois sacré s'est étendu sur 21 jours en mars 2024, contre seulement 9 jours l'année précédente.

M. Nader avait précédemment souligné dans une interview accordée en février à Aggregates Business que les cimenteries du Moyen-Orient, caractérisées par leur grande taille, bénéficient d'avantages en termes d'économies d'échelle et d'efficacité opérationnelle. La plupart de ces usines sont équipées de technologies modernes et de processus automatisés, les plaçant devant leurs homologues européennes, dont certaines remontent aux années 1950.

En outre, les abondantes ressources solaires, éoliennes et terrestres de la région offrent des possibilités d'adoption de sources d’énergie verte, ce qui place le secteur du ciment du Moyen-Orient en tête des initiatives de développement durable au niveau mondial.

À l'avenir, M. Nader prévoit que la région accordera une importance croissante à la durabilité et à la décarbonisation, ce qui se traduira par une augmentation de la production de produits verts.

En outre, il prévoit un doublement des exportations de ciment du Moyen-Orient dans les deux ou trois prochaines années, avec l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Algérie figurant actuellement parmi les principaux exportateurs.