DUBAÏ : Dans un entretien accordé à Arab News en franҫais, Pierre Pirard, réalisateur du film documentaire Nous tous, parle d’identité, de tolérance et de vivre-ensemble.
Le film a été diffusé pour la première fois à l’occasion de la Journée internationale du vivre-ensemble et continue d’être diffusé mondialement. Relayé sur les réseaux sociaux par plus de 450 partenaires dans plus de 50 pays, le film est disponible sur YouTube dans plus de 12 langues différentes, notamment l’arabe, l’espagnol et le portugais. Le long-métrage se dévoile sur quatre volets et a une portée pédagogique.
Le réalisateur a pour objectif de rendre plus accessible la notion du partage, de tolérance et d’inclusion. Il donne la parole à des personnages aux profils variés, originaires de Bosnie, du Liban, et du Sénégal entre autres, qui nous racontent chacun leur histoire, unique, aux accents universels.
Comment dépasser la victimisation, comment parvenir à se réconcilier avec son passé pour pouvoir se projeter dans l’avenir et en communauté et comment accepter l’Autre, sont parmi les problématiques que le documentaire cherche à faire avancer.
Pourquoi ce film?
Enseignant pendant quelques années dans des quartiers paupérisés de Bruxelles dans lesquels la majorité des étudiants sont d'origine musulmane, Pierre Pirard s’est rendu compte de la rupture qui existait entre le quartier où il vivait et celui où il travaillait. Des quartiers qui «ne se parlaient pas, qui avaient des a priori, des préjugés, parce que tout simplement il n’y avait pas la connaissance de l'Autre».
Les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ont été pour le réalisateur une autre preuve que la haine de l'Autre pouvait aussi tuer. «En parallèle, ce qui a fait que j'ai voulu me lancer dans cette aventure, c’est que j'ai été, et reste toujours impliqué au Sénégal, un pays où l’on fait tout ensemble», explique-t-il.
Le réalisateur est parti à la recherche d’histoires de personnes qui ont décidé de faire le pas vers des gens différents. «L'Autre, c'est celui dont on a peur, donc j’ai débuté la réflexion sur mon documentaire avec des personnes inspirantes aux quatre coins du monde. Des citoyens qui s’étaient levés pour développer un monde multiculturel», raconte-t-il.
Parmi les pays choisis, certains ont vécu des situations de guerre tels que la Bosnie, le Liban ou l’Indonésie. D’autres n’avaient pas connus de tels scénarios, des témoignages se déroulant aussi aux États-Unis ou le Sénégal.
Le chemin reste long
«Le chemin reste long, mais j'ai confiance. Il y a énormément de gens qui travaillent dans le monde associatif et des organisations internationales qui œuvrent dans cette direction de la tolérance», assure le réalisateur.
Pierre Pirard souligne la nécessité d’appréhender ce développement sur un temps plus long, au-delà des difficultés à court terme. Le développement est un processus qui n'est pas linéaire. La guerre en Ukraine en est un autre exemple contemporain. «Mais je crois que globalement, on se dirige dans la bonne direction», ajoute-t-il.
Dans le film, Amin Maalouf souligne que le monde ne peut pas se déglobaliser et qu’il s’oriente vers plus de mixité, au niveau culturel, religieux et économique. «La question n’est pas de savoir si on va vivre dans ce monde ensemble, mais comment?»
«Un monde où l’on respecte chaque jour un peu plus la diversité humaine, dans lequel toute personne peut s’exprimer dans la langue de son choix, professer paisiblement ses croyances et assumer sereinement ces origines sans faire face à l’hostilité et au dénigrement, c’est un monde qui avance, qui progresse, qui s’élève»
Amin Maalouf
Niveau socio-économique
Contrairement aux idées reçues, la relation entre le niveau de développement économique d’un pays et son niveau de développement social n’est pas automatique. «Le Sénégal, qui est un pays qu'on place dans les pays en voie de développement, a une approche de l'Autre qui est extrêmement développé», affirme le réalisateur.
Un des protagonistes du film, un chef de village du Sénégal, affirme qu’«autrefois, on a appris votre manière de vivre [en parlant des pays développés], maintenant, c'est à vous d’apprendre la nôtre».
Le Liban est un autre exemple, celui d’un pays dans lequel les problèmes sont d’ordre politique et non religieux. Par ailleurs, le documentaire invite le spectateur à découvrir une image du monde au-delà de celle que les médias traditionnels peuvent en donner, pour montrer une réalité qui existe, celle d’un monde plus positif, tolérant et inclusif.
Mobilisation non gouvernementale
«Au niveau non-gouvernemental, il existe un tissu important d'associations qui œuvrent pour la paix, pour le rassemblement et pour le faire ensemble», fait remarquer Pierre Pirard. Et s'appuyer sur les réseaux sociaux les aide à gagner plus de visibilité.
Cependant, ces associations nécessitent plus de moyens, de ressources financières et humaines, en plus d’un management de qualité. «Elles doivent organiser des campagnes de sensibilisation qui ne vont pas toucher 200 personnes, mais 20 millions de personnes.»
À un niveau macroéconomique, des organisations internationales, comme l’ONU, l’Unicef et l’Unesco, ainsi que d’autres entités au sein des organismes internationaux, œuvrent pour le vivre-ensemble au-delà des confessions, des différences ethniques et des couleurs de peau.
Nous tous est une invitation au voyage, une invitation pour apprendre de l’Autre, résister aux conflits ethniques et surmonter les préjuges qu’on peut avoir envers ceux qui sont différents de soi.