TOKYO : Le président américain Joe Biden, en visite à Tokyo, a multiplié lundi les mises en garde à Pékin, avertissant que les Etats-Unis défendraient Taïwan en cas d'invasion de l'île par la Chine qui a vivement réagi.
Après une visite de trois jours en Corée du Sud, M. Biden est depuis dimanche soir au Japon, les responsables américains considérant ces deux pays comme les chevilles ouvrières du dispositif américain face à la montée en puissance de la Chine dans la région.
Lors d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre japonais Fumio Kishida lundi, M. Biden a prévenu que les Etats-Unis défendraient militairement Taïwan si Pékin envahissait l'île autonome, jugeant que la Chine "flirte avec le danger".
"Nous étions d'accord avec la politique d'une seule Chine, nous l'avons signée (...) mais l'idée que (Taïwan) puisse être prise par la force n'est tout simplement pas appropriée", a-t-il ajouté.
Taïwan: la Chine appelle Biden à ne pas «sous-estimer» sa détermination
La Chine a appelé lundi Joe Biden à "ne pas sous-estimer" sa "ferme détermination" à "protéger sa souveraineté", après des propos du président américain s'engageant à défendre militairement Taïwan en cas d'invasion par l'armée de Pékin.
Depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, l'île peuplée de 24 millions d'habitants est dirigée par un régime rival de celui, communiste, qui gouverne la Chine continentale.
La Chine entend "réunifier" le territoire insulaire à "la mère patrie". Elle n'a pas renoncé à utiliser la force armée, notamment en cas de déclaration formelle d'indépendance par les autorités taïwanaises.
Après avoir longtemps entretenu une certaine ambiguïté, le président américain Joe Biden a confirmé lundi à Tokyo que les Etats-Unis défendraient militairement Taïwan si Pékin envahissait l'île.
"Personne ne doit sous-estimer la ferme détermination, la forte volonté et la puissante capacité du peuple chinois à défendre la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale", a répliqué Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
"Nous demandons instamment aux États-Unis (...) d'éviter d'envoyer de mauvais signaux aux forces indépendantistes" de Taïwan, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse régulière.
Bien que Washington reconnaisse diplomatiquement depuis 1979 Pékin et non plus Taipei, le soutien américain à Taïwan n'a jamais cessé.
Les Etats-Unis, qui ont fait de la Chine un rival stratégique, demeurent le plus important partenaire et fournisseur d'armes de l'île.
Pékin a rapidement réagi en appelant le président américain à "ne pas sous-estimer" sa "ferme détermination" à "protéger sa souveraineté".
"Nous demandons instamment aux Etats-Unis (...) d'éviter d'envoyer de mauvais signaux aux forces indépendantistes" de Taïwan, a déclaré Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Un responsable de la Maison Blanche a cependant assuré que les commentaires de M. Biden étaient conformes à la politique américaine sur Taïwan.
"Notre politique n'a pas changé. Il a réitéré notre politique d'une seule Chine et notre engagement en faveur de la paix et de la stabilité de part et d'autre du détroit de Taïwan", a dit ce responsable.
Affichant un front uni face à Pékin, MM. Biden et Kishida ont aussi réaffirmé leur "vision commune d'un Indo-Pacifique libre et ouvert" et dit s'être mis d'accord pour surveiller l'activité navale chinoise dans la région, où la Chine montre des ambitions croissantes.
Le président américain a également visé la Russie, déclarant que Moscou devait "payer un prix à long terme" pour sa "barbarie en Ukraine" en termes de sanctions imposées par les Etats-Unis et leurs alliés.
"Il ne s'agit pas seulement de l'Ukraine", a dit M. Biden. Car si "les sanctions n'étaient pas maintenues (...) quel signal cela enverrait-il à la Chine sur le coût d'une tentative de prise de Taïwan par la force?".
Leadership américain
Mardi, toujours à Tokyo, M. Biden cherchera à renforcer le leadership américain dans la région Asie-Pacifique en se joignant aux dirigeants de l'Australie, de l'Inde et du Japon pour un sommet d'une alliance informelle, le Quad.
Il s'agit d'une "occasion essentielle d'échanger des points de vue et de continuer à stimuler la coopération pratique dans la région indo-pacifique", a déclaré la Maison Blanche.
Toutefois, l'Inde, membre du Quad, s'est distinguée jusqu'ici par son refus de condamner ouvertement Moscou concernant la guerre en Ukraine ou de réduire ses échanges avec la Russie. M. Biden aura un entretien en tête-à-tête mardi avec le Premier ministre indien Narendra Modi.
La crainte que l'imprévisible Corée du Nord tire un nouveau missile ou procède à un essai nucléaire plane sur chaque étape de la tournée de M. Biden. Rien ne s'est produit lors de son passage à Séoul.
Partenariat commercial
Lors de sa conférence de presse avec M. Kishida, M. Biden a également dévoilé un nouveau partenariat économique en Asie-Pacifique regroupant dans un premier temps 13 pays, à l'exception notable de la Chine.
Le Cadre économique pour l'Indo-Pacifique (Indo-Pacific Economic Framework, IPEF) n'est pas un accord de libre-échange, mais prévoit davantage d'intégration entre ses pays membres dans quatre domaines essentiels: l'économie numérique, les chaînes d'approvisionnement, les énergies vertes et la lutte contre la corruption.
Pékin se sent délibérément exclu et l'a déjà vertement fait savoir, fustigeant dès dimanche de "petites cliques" destinées à "contenir la Chine".
Sous Donald Trump, le prédécesseur de M. Biden à la Maison Blanche, les Etats-Unis s'étaient retirés en 2017 du Partenariat transpacifique (TPP), un vaste accord multilatéral de libre-échange qui a fait l'objet d'un nouveau traité en 2018 sans Washington.
M. Biden a fait comprendre qu'il n'avait aucune intention de relancer de grands accords de libre-échange, mais a par ailleurs annoncé lundi envisager de lever des barrières tarifaires pesant sur la Chine, soulignant qu'elles n'avaient pas été imposées par son administration.