Frankly Speaking: Le WEF envoie un message fort en n’invitant pas la Russie à Davos

Le président du Forum économique mondial Borge Brende sur Frankly Speaking. (Capture d'écran)
Le président du Forum économique mondial Borge Brende sur Frankly Speaking. (Capture d'écran)
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Publié le Dimanche 19 février 2023

Frankly Speaking: Le WEF envoie un message fort en n’invitant pas la Russie à Davos

  • Le président du WEF déclare que les violations commises par l'Iran et Israël ne sont pas comparables à celles commises en Ukraine.
  • Brende estime que la guerre actuelle pourrait se terminer comme «l'Afghanistan ou le Vietnam de la Russie»

DAVOS : Le président du Forum économique mondial a déclaré que l'organisation basée à Genève envoie un signal fort à Moscou en n'invitant pas de responsables et d'entreprises russes au sommet de Davos de cette année, alors qu'elle a invité le dirigeant ukrainien à s'adresser au rassemblement.

« En ce qui concerne la Russie, nous avons choisi de ne pas inviter les entreprises ou les responsables russes parce qu'il y a des limites », a déclaré Borge Brende à Katie Jensen, l'animatrice de Frankly Speaking, le talk-show d'Arab News qui propose des entretiens avec des décideurs politiques et des chefs d'entreprise de premier plan.

« La Russie a enfreint le droit humanitaire fondamental et le droit international. Elle ne respecte pas la Charte des Nations unies et nous avons été témoins de très nombreuses atrocités. »

Par ailleurs, a déclaré Brende, le WEF aura non seulement le président ukrainien Volodomyr Zelensky « en vidéoconférence », mais aussi plusieurs de ses ministres.

« Depuis Kiev, nous aurons deux de ses vice-premiers ministres. Nous avons également le ministre des affaires étrangères à Davos », a-t-il déclaré, ajoutant que des PDG se réuniront pour former un groupe de chefs d'entreprise pour l'Ukraine afin de « garantir la reconstruction du pays. »

Justifiant la décision du WEF, il a déclaré : « La clé pour débloquer cette situation se trouve avec (le président Vladimir) Poutine et le Kremlin. Nous devons nous assurer qu'ils prennent des mesures pour se conformer à nouveau au droit international avant d'être réinvités à Davos. Nous avons une forte obligation morale d'envoyer également ce genre de signal dans une telle situation. »

Brende s’exprimait dans « Frankly Speaking » à la veille de la première réunion annuelle physique du WEF depuis le début de la pandémie de Covid-19. C'est la première fois que l'événement, dont le coup d'envoi a été donné dimanche, se tient à Davos en mai.

Il a nié que pour une organisation qui s'enorgueillit de son impartialité et de sa réputation de bâtisseur de ponts, la décision de ne pas inviter une partie équivaudrait à un échec du WEF à encourager le débat.

Brende a précisé qu'il est vrai que, depuis 50 ans, le WEF a toujours essayé de réunir les dirigeants, mais « il y a des limites. »

« Il y a une guerre en cours en Ukraine, où des enfants sont tués dans leurs écoles tous les jours. On voit des femmes se faire violer. Des crimes de guerre ont lieu et il n'y a aucune volonté de dialogue », a-t-il dit.

« Davos tourne autour de la volonté de trouver des solutions communes, et si les pays sont au moins prêts à discuter de l'avenir, alors c'est autre chose. Mais aujourd'hui, la Russie ne montre aucune volonté en ce sens. C'est pourquoi nous sommes très tristes de ne pas être en mesure d’avoir ce dialogue. Espérons-le pour l’avenir, mais pas aujourd'hui ».

Brende, ancien ministre des affaires étrangères de Norvège, a refusé de comparer les atrocités qu'Israël est accusé de commettre à l'encontre des civils palestiniens à celles de la Russie en Ukraine, et a suggéré que c’est dû au fait que de nombreux Européens se sentent plus proches de l'Ukraine.

« Ce qui se passe actuellement en Ukraine est inacceptable et la guerre se poursuit », a-t-il répété, expliquant pourquoi inviter la Russie à la réunion annuelle n'est pas la même chose que, disons, inviter Israël ou l'Iran.

« Quand il s'agit d'Israël et de la situation dans les zones palestiniennes, il y a au moins une certaine volonté de dialogue. Nous l'avons vu avec les accords d'Abraham, à Davos nous réunissons des chefs d'entreprise israéliens et palestiniens dans le cadre d'une initiative appelée “Breaking the Impasse“. Ils sont assis là avec des politiciens du monde entier, mais aussi ceux de ces régions pour discuter de la possibilité d'établir une solution à deux États. Au moins, un dialogue est en cours et nous espérons des solutions futures. »

Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait que les sanctions récemment imposées à la Russie étaient suffisantes pour mettre fin au conflit ou si une OTAN élargie était la solution, M. Brende a répondu : « Je pense que la Russie est incroyablement surprise par la force de l'armée ukrainienne. Ils étaient censés prendre Kiev, la capitale, en deux ou trois jours. Kharkiv, la deuxième plus grande ville, en deux, trois jours. La résistance des Ukrainiens, j'en suis sûr, les a surpris et c'est pourquoi ils se retirent aussi. »

Dans les mois à venir, selon Brende, il est probable que la Russie poursuive ses attaques. « Mais l'Ukraine peut facilement se transformer en Vietnam de la Russie, ou en Afghanistan de la Russie », a-t-il déclaré.

« Lorsque plus de 40 millions de personnes se défendent avec autant de vigueur que les Ukrainiens épris de liberté, les Russes auront un énorme défi à relever. Cela montre que même une armée très moderne et très forte ne peut pas éliminer les personnes qui luttent pour la liberté dans le monde. Je pense qu'il s'agit d'une leçon que de nombreux pays doivent retenir et sur laquelle ils doivent travailler. »

Le WEF affirme que sa réunion annuelle à Davos offre « un environnement de collaboration unique » aux personnalités publiques et aux dirigeants mondiaux pour « renouer des liens, partager des idées, acquérir de nouvelles perspectives et créer des communautés et des initiatives de résolution de problèmes ». Cependant, les critiques disent que l'événement est devenu un spectacle où les politiciens s'en tiennent à des scénarios préparés à l'avance.

M. Brende a rétorqué que le sommet de cette année verrait des progrès sur bon nombre des sujets les plus importants. « Nous aurons par exemple de nouvelles coalitions en matière de lutte contre le changement climatique », a-t-il déclaré.

« Nous nous concentrerons beaucoup sur le commerce et les investissements. Nous savons qu'il n'y aura pas de véritable reprise économique sans reprise commerciale, c'est pourquoi il est si important que nous ayons aussi des ministres du Commerce, 30 d'entre eux avec (la cheffe de l'Organisation mondiale du commerce) Ngozi Okonjo-Iweala, qui préconisent qu'il n'y ait pas de nouveaux tarifs douaniers, pas de protectionnisme et pas d'interdiction d'exporter des aliments. »

« Beaucoup des défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent être relevés sans les entreprises. Donc, avec les 1 400 PDG et présidents présents à Davos, je suis à peu près sûr que nous allons progresser », a déclaré Borge, ajoutant que « 25 % des participants sont des femmes - cela aurait dû être 50, mais nous progressons. »

Brende a contesté l’affirmation du Financial Times cette semaine selon laquelle le sommet du WEF à Davos a un problème de perception, et l'organisation ne projette pas la bonne image.

« Je pense que nous sommes résolument capables de réunir des leaders de tous horizons. Il est facile d'être critique, mais je pense que le passé a également montré que le Forum économique mondial a un impact positif », a-t-il déclaré.

« C'est à Davos, par exemple, que l'Alliance mondiale pour les vaccins et les vaccinations (GAVI) a été lancée au niveau mondial (en 2001). C'est ici que (l'icône anti-apartheid) Nelson Mandela est venu en Europe pour la première fois et a lancé le plan économique pour l'Afrique du Sud. »

« Cette fois-ci, il s'agit vraiment de faire en sorte que la faible reprise ne se termine pas par une nouvelle récession. Il s'agit de s'assurer que nous tenons les promesses faites lors de la COP26 à Glasgow. Les chefs d'entreprise, 120 d'entre eux, s'engageront à atteindre un niveau net zéro d'ici 2050. C'est donc vraiment l'endroit où les dirigeants d'entreprises et de gouvernements se réunissent pour changer les choses. »

Alors que 2500 membres de l'élite mondiale se rendent à Davos, Brende a déclaré que la réunion de cette année ne pouvait pas mieux tomber car « les défis mondiaux nécessitent des solutions mondiales. »

« Malheureusement, en raison de la polarisation du monde, nous ne collaborons pas pour véritablement résoudre les guerres, le changement climatique et les problèmes de la reprise », a-t-il déclaré. « Mais nous allons essayer à Davos de réunir les dirigeants, et au moins de mobiliser le secteur privé pour qu'il apporte son soutien dans ces domaines très critiques. »

Brende a également indiqué que la pandémie de Covid-19 continue, affirmant qu'il est « très important de se préparer à la prochaine, car nous aurons malheureusement de nouvelles maladies et pandémies dans les décennies à venir aussi ».

« Nous nous sommes beaucoup rapprochés de la nature. Rien qu'au cours des dix dernières années, nous avons perdu des zones sauvages à travers le monde de la taille d’un pays comme le Mexique, donc les animaux et les êtres humains sont beaucoup plus proches. Ce qui donnera lieu à plus de maladies comme celle-ci. »

« Nous ne devons pas oublier que nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. La Chine, la deuxième plus grande économie du monde, est en partie bloquée maintenant dans certaines des plus grandes villes du pays, et cela aura également un impact sur l'économie mondiale parce que la Chine croît plus lentement et sa demande va bien sûr diminuer. »

Se tournant vers l'avenir, il a déclaré : « Nous devons tirer les leçons de cette pandémie, nous devons avoir des médicaments, des équipements médicaux beaucoup plus disponibles qu'avant. Nous ne pouvons pas attendre des semaines pour qu'ils arrivent. Nous devons être en mesure d'intensifier rapidement la vaccination. Nous savons que nous avons payé un prix énorme : 15 millions de personnes ont perdu la vie à ce jour dans cette pandémie. »

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Espagne: la maison mère de Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier se lance en Bourse

 Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe. (AFP).
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  • Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur
  • C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig

MADRID: Les marques Nina Ricci, Paco Rabanne et Jean Paul Gaultier font vendredi leur entrée sur les marchés financiers avec l'introduction en Bourse à Madrid de leur maison mère, le groupe espagnol Puig, en pleine expansion dans le secteur du luxe.

Cent dix ans après sa création, la maison de beauté catalane va connaître une petite révolution avec cette opération, censée lui donner les moyens de concurrencer les grands noms du secteur comme Estée Lauder, Hermès, Kering et LVMH.

C'est "une étape décisive" qui "nous permettra d'être plus compétitifs sur le marché international de la beauté", soulignait dans un récent communiqué le PDG de l'entreprise, Marc Puig, en assurant viser une "approche de long terme".

Fondé en 1914 à Barcelone par l'entrepreneur Antonio Puig Castellò, le groupe de parfums et cosmétiques espagnol s'est fait une place ces dernières années parmi les géants du luxe et de la mode, en multipliant les acquisitions de marques de prestige.

La maison catalane contrôle ainsi les griffes Paco Rabanne, Nina Ricci, Charlotte Tilbury, Carolina Herrera, Dries Van Noten et Jean Paul Gaultier. Il a également noué des contrats de licence avec Prada, Christian Louboutin et Comme des Garçons.

Contrôle familial

L'introduction en Bourse de Puig se fera vendredi au prix de 24,50 euros par action. Elle est présentée par les analystes comme le plus gros lancement boursier de l'année en Espagne et comme l'un des principaux en Europe.

Le montant fixé pour l'action Puig valorise le groupe barcelonais à près de 14 milliards d'euros. Cela lui permettra d'intégrer directement l'Ibex 35, indice vedette regroupant les 35 plus grosses entreprises espagnoles.

Cette opération d'envergure se déclinera en deux phases: une émission de nouvelles actions, devant rapporter 1,25 milliard d'euros, et la vente de parts détenues par Exea, la holding de la famille Puig, pour près de 1,36 milliard d'euros.

Cette double opération pourrait être complétée par une vente de titres réservée à certains investisseurs pour un total de 390 millions d'euros, selon le groupe. De quoi lever au total quelque 3 milliards d'euros.

Malgré cette opération, la famille Puig assure qu'elle restera l'actionnaire majoritaire de l'entreprise avec 71,7% des parts. Elle conservera, en outre, une très large majorité des droits de vote (92,5%) au sein de son conseil d'administration.

« Muscle financier »

L'introduction en Bourse du groupe catalan avait été officialisée le 8 avril, après avoir été évoquée pour la première fois le 20 octobre par Marc Puig en personne dans un entretien au quotidien économique Financial Times.

Le PDG de 62 ans avait alors estimé qu'elle permettrait d'imposer une "discipline" de marché à l'entreprise et d'éviter les possibles "difficultés" auxquelles les sociétés familiales sont confrontées lors du passage de témoin entre générations.

Il arrive, en effet, "que les entreprises familiales perdent leur position sur le marché. Elles peuvent commencer à mourir lentement et personne au sein de l'entreprise n'en est conscient", avait insisté le petit-fils d'Antonio Puig, à la tête du groupe depuis 2004.

Selon Javier Cabrera, analyste chez XTB, ce lancement boursier devrait permettre à la maison de beauté catalane d'acquérir du "muscle financier", en profitant de la "bonne dynamique boursière du secteur".

De fait, le contexte est actuellement porteur pour le luxe, dont les poids lourds ont enregistré des niveaux de ventes record en 2023, malgré un léger ralentissement après deux années de croissance à deux chiffres.

Puig a, pour sa part, réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros et dégagé un bénéfice net de 465 millions d'euros, en hausse de 16% sur un an. Et cette dynamique pourrait s'accélérer.

Les acquisitions réalisées ces dernières années permettent "une forte croissance" et une "diversification des revenus" du groupe, observe Javier Cabrera, qui insiste sur ses bons résultats en Chine, marché devenu incontournable pour le secteur du luxe.


Liban: l'Union européenne annonce une aide d'un milliard d'euros pour soutenir l'économie

Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
Le Premier ministre libanais Najib Mikati (au centre) pose pour une photo avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président chypriote Nikos Christodoulides lors de leur rencontre au siège du gouvernement du Grand Sérail à Beyrouth (Photo, AFP).
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  • Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés
  • Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens

BEYROUTH: La cheffe de la Commission européenne a annoncé jeudi à Beyrouth une aide d'un milliard d'euros pour soutenir la "stabilité socio-économique" du Liban et appelé ce pays à bien coopérer dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Les fonds seront "disponibles à partir de cette année jusqu’en 2027. Nous voulons contribuer à la stabilité socio-économique du Liban", a déclaré Ursula von der Leyen, ajoutant "compter sur une bonne coopération" des autorités libanaises dans la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe.

Le Liban, frappé par une crise économique depuis 2019 dit accueillir près de deux millions de réfugiés syriens, soit le plus grand ratio par habitant au monde.

Le petit pays méditerranéen, frontalier de la Syrie, n'a de cesse d'exhorter la communauté internationale de les rapatrier, les armes s'étant tues dans plusieurs régions syriennes.

Les migrants, demandeurs d'asile et réfugiés qui quittent le Liban par bateau à la recherche d'une vie meilleure en Europe se dirigent souvent vers Chypre qui affirme être en première ligne face aux flux migratoires au sein de l'UE.

"La réalité actuelle de cette question est devenue plus grande que la capacité du Liban à la traiter", a déclaré le Premier ministre libanais Najib Mikati, lors d'une conférence de presse en présence de Mme. von der Leyen et du président chypriote Nikos Christodoulides.

Augmentation des ressortissants syriens à Chypre 

"Nous renouvelons notre demande à l'UE, (...) d’aider les personnes déplacées dans leur pays (d'origine et non au Liban), pour les encourager à rentrer volontairement", a-t-il poursuivi.

De son côté, Chypre, qui fait état d'une augmentation des arrivées de ressortissants syriens, estime que la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a déclenché des violences à la frontière israélo-libanaise, a affaibli les efforts de Beyrouth pour empêcher les départs.

De janvier à avril 2024, plus de 40 bateaux transportant environ 2.500 personnes ont accosté à Chypre, a indiqué à l'AFP l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Chypre avait conclu il y a des années avec le Liban un accord pour le retour de migrants en situation irrégulière.

Le président chypriote s'était déjà rendu au Liban le 8 avril pour discuter avec M. Mikati de la question des réfugiés et de la manière de contrôler le flux migratoire vers son pays.


TotalEnergies: le gouvernement remonté contre un possible transfert de sa cotation à New York

Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire (Photo, AFP).
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  • Aujourd'hui, TotalEnergies a déjà des titres inscrits à Londres et à New York, mais de manière secondaire
  • M. Pouyanné avait notamment évoqué la frilosité de l'Europe vis-à-vis de sa stratégie qui consiste à continuer d'investir dans les énergies fossiles

PARIS: Confronté à la réflexion de TotalEnergies quant au transfert de la cotation principale du groupe à New York, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a affirmé jeudi qu'il comptait se battre pour que ce déménagement de la Bourse de Paris "n'ait pas lieu".

 

"Je suis là pour faire en sorte que ça n'ait pas lieu, parce que je pense que c'est une décision qui est grave", a déclaré M. Le Maire sur BFMTV/RMC.

"Est-ce que l'intérêt suprême de la nation est de garder le siège social de Total en France et la cotation principale de Total en France? Oui, et donc je me battrai pour ça", a-t-il ajouté.

"Nous avons besoin de Total", a-t-il souligné, mentionnant le plafonnement à moins de 2 euros du litre du carburant dans ses stations françaises.

L'affaire est partie des déclarations surprises de Patrick Pouyanné à l'agence Bloomberg. Dans un entretien publié le 26 avril, Patrick Pouyanné avait dit réfléchir à une cotation principale à la Bourse de New York. Près de la moitié de l'actionnariat de TotalEnergies est désormais constituée d'actionnaires institutionnels (fonds de pension, gestionnaires d'actifs, assureurs...) nord-américains.

"Ce n'est pas une question d'émotion. C'est une question d'affaires", avait ajouté le dirigeant de l'entreprise, tout en assurant que le siège social de ce fleuron du CAC 40 resterait bien à Paris.

Son argument principal: "une base d'actionnaires américains qui grossit", ce qui amène l'entreprise à s'interroger sur la façon de "donner accès plus facilement aux actions pour les investisseurs américains", a-t-il expliqué aux analystes, le 26 avril.

Appétit américain pour les fossiles 

Las du manque d'appétit des investisseurs européens pour le secteur pétrogazier, alors que le groupe estime investir beaucoup dans les énergies vertes, le PDG chercherait à se rapprocher des investisseurs américains moins contraints par des règles d'investissement durable.

"Les politiques au sens large ESG (environnement, social et de gouvernance, NDLR) en Europe ont plus de poids", a ainsi justifié M. Pouyanné lundi devant des sénateurs français.

Le PDG observe que "la base d'actionnaires européens de TotalEnergies diminue, notamment la base française" qui a reculé de "7% au cours des quatre dernières années, largement à cause des réglementations, de la pression qui est faite sur eux".

En filigrane, le patron pointe du doigt le changement en France du label Investissement socialement responsable (ISR), qui exclut désormais les entreprises exploitant du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, une mesure décidée par Bercy lui-même fin 2023. Ahmed Ben Salem, analyste du groupe financier Oddo BHF, nuance ce point en indiquant que les fonds labellisés ISR représentaient 1,7% de l'actionnariat de TotalEnergies.

Pendant que l'UE muscle sa réglementation pour flécher les investissements vers la transition écologique, aux Etats-Unis la pression de certains Etats, comme le Texas, pour ne pas délaisser les entreprises d'énergies fossiles a poussé de grands gérants d'actifs à abaisser leurs ambitions climatiques.

"Nous observons clairement plus d'appétit pour les actions d'entreprises des secteurs énergétique, pétrole et gaz du côté de l'Amérique du Nord qu'en Europe", a dit M. Pouyanné aux analystes.

Conséquence de ce manque d'appétit: une valorisation moins importante. TotalEnergies avance "exactement les mêmes résultats trimestriels qu'une entreprise comme Chevron". Le groupe énergétique américain est valorisé 300 milliards de dollars en Bourse, contre 175 milliards pour TotalEnergies.

Le mirage d'un marché européen 

La faute au cloisonnement des marchés financiers en Europe, selon M. Le Maire, qui avait dans un premier temps estimé dimanche sur LCI qu'il fallait offrir à TotalEnergies "les moyens de se développer" en accélérant sur l'union des marchés de capitaux (UMC) dans l'UE.

L'UMC permettrait d'augmenter la taille du marché boursier européen pour que les entreprises s'y financent davantage. Ahmed Ben Salem n'est cependant pas convaincu des changements éventuels pour TotalEnergies: "Il faut des acheteurs sur le secteur, pas seulement des liquidités."

La moindre valorisation de TotalEnergies "est aussi subie par les autres majors européennes", explique-t-il à l'AFP, citant l'exemple du britannique Shell qui "est dans la même réflexion" concernant une cotation principale à New York.

Au Sénat, le patron n'a pas exclu de reconsidérer la question si "plus d'actionnaires européens (...) rachètent du TotalEnergies".