KIEV: Moscou a annoncé mardi la reddition de 265 soldats ukrainiens retranchés dans l'aciérie Azovstal, l’ultime poche de résistance face à l'armée russe dans le port ukrainien de Marioupol, des combattants que Kiev espère faire libérer en échange de prisonniers russes.
A Marioupol, « 265 combattants ont rendu les armes et se sont constitués prisonniers, dont 51 gravement blessés » ces dernières 24 heures, a affirmé mardi matin le ministère russe de la Défense dans un communiqué sur l'état de l'offensive russe en Ukraine.
« Ces héros ukrainiens » qui ont « rempli leur mission » seront échangés contre des prisonniers russes pour leur permettre de rentrer au pays « le plus rapidement possible », a de son côté indiqué sur Telegram le Département du renseignement militaire du ministère ukrainien de la Défense, confirmant indirectement que ces hommes sont bien aux mains des Russes.
La prise totale de Marioupol, ville stratégique sur la mer d'Azov assiégée depuis début mars par les Russes, défendue chèrement par les Ukrainiens et largement détruite par les combats, serait une avancée importante pour Moscou dans ce conflit.
Elle lui permettrait de contrôler une bande de territoire allant de la péninsule de Crimée, que les Russes ont annexée en 2014, aux territoires du Donbass (est) déjà aux mains de séparatistes prorusses.
L'Ukraine avait affirmé la semaine dernière que plus de 1 000 soldats ukrainiens - dont 600 blessés - se trouvaient dans ce complexe industriel, véritable « ville dans la ville » avec ses kilomètres de galeries souterraines.
Kiev n'a pas reprécisé le nombre des combattants ukrainiens qui se trouvent toujours dans Azovstal. Mais ordre a été donné à leurs commandants de « sauver (leur) vie », a indiqué l'état-major de l'armée ukrainienne. L'essentiel est de « sauver la vie de nos gars », avait également souligné le président ukrainien Volodymyr Zelensky lundi dans une vidéo.
Les derniers résistants pourraient n'avoir d'autre choix que la reddition, car si « l’Etat ukrainien fait tout le nécessaire » pour les sauver, il ne « peut pas aujourd’hui débloquer Azovstal par la voie militaire », a admis le ministère ukrainien de la Défense sur Telegram.
Frappe meurtrière près de Kiev
A la Haye, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a annoncé le déploiement en Ukraine d'une équipe de 42 enquêteurs et experts, soit la plus importante mission en termes d'effectifs jamais envoyée sur le terrain, afin d'enquêter sur les crimes commis pendant l'invasion russe.
M. Khan avait ouvert le 3 mars une enquête sur des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité en Ukraine, après avoir reçu le feu vert de près de 40 Etats parties.
Sur le terrain de la guerre, huit personnes sont mortes et 12 ont été blessées dans un bombardement russe sur Desna, un village situé à une soixantaine de kilomètres au nord de Kiev connu pour abriter un grand camp d'entraînement militaire, ont annoncé les secours locaux.
Une autre attaque russe a touché mardi matin une base militaire ukrainienne dans la région de Lviv (ouest) située à seulement 15 kilomètres de la frontière avec la Pologne, selon Maxim Kozitsky, le gouverneur régional de Lviv.
Sur le front est, objectif prioritaire de Moscou depuis son retrait de la région de Kiev fin mars, l'armée russe « ne cesse de mener des opérations offensives », a indiqué le ministère ukrainien de la Défense mardi matin.
Elle se concentre notamment sur la ville de Severodonetsk, qu'elle encercle quasiment.
La ville, capitale régionale pour les Ukrainiens depuis que des forces séparatistes soutenues par Moscou se sont emparées d'une partie du Donbass en 2014, « a subi des frappes très puissantes », tout comme sa ville jumelle de Lyssytchank, avait indiqué lundi le gouverneur de la région, Serguiï Gaïdaï, accompagnant son message d'images des destructions.
Mais les forces ukrainiennes résistent, selon le ministère ukrainien de la Défense, obligeant notamment les Russes près de Sirotyne dans les environs de Severodonetsk à « se replier », après avoir subi « des pertes ».
Un peu plus au sud du Donbass, la ville de New York, baptisée ainsi par ses fondateurs allemands au début du XIXe siècle, vit depuis un mois sous un feu nourri d'artillerie qui s'intensifie chaque jour, ont indiqué ses habitants à une équipe venue sur place.
Comme Valeria Kolakevytch, 28 ans, qui en près de trois mois de guerre, a entendu tant de tirs d'artillerie qu'elle sait reconnaître ceux qui atterriront tout près et ceux qui frapperont un peu plus loin. La nuit dernière, des tirs ont ciblé son quartier, dont quatre maisons voisines de la sienne. « C'était terrible », raconte-t-elle. « Et le plus terrible, c'est qu'il n'y a rien ici, juste des civils », ajoute-t-elle, alors qu'un nouveau tir s'abat sur leur rue en pente.
Dans le nord-est en revanche, les forces ukrainiennes ont annoncé avoir repris le contrôle d'une partie de la zone frontalière avec la Russie près de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine. Kiev s'attend désormais à ce que les unités russes désengagées de la région de Kharkiv soient envoyées dans le Donbass.
Soutien américain
Autre front pour Moscou: l'élargissement probable de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) à la Finlande et la Suède, après des décennies de non-alignement militaire.
La Suède et la Finlande soumettront ensemble mercredi leurs candidatures à l'Otan au siège de l'alliance à Bruxelles, a annoncé la Première ministre suédoise Magdalena Andersson.
« Je suis heureuse que nous ayons pris le même chemin et que nous puissions le faire ensemble », a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse commune avec le président finlandais Sauli Niinistö.
Le Parlement finlandais avait dans la journée ouvert la voie à cette candidature en votant massivement en faveur de l'adhésion à l'Otan.
La Suède avait elle annoncé officiellement lundi sa candidature.
Washington a annoncé que le président américain Joe Biden recevrait jeudi Mme Andersson et M. Niinistö à la Maison Blanche, une marque forte de soutien à leur adhésion à l'Otan.
Avec l'entrée probable de la Finlande dans l'Otan, la Russie partagera 1 300 km de frontières terrestres supplémentaires avec l'Alliance atlantique.
Le président russe Vladimir Poutine a estimé lundi que ces adhésions ne constituaient pas « une menace immédiate », tout en ajoutant que « le déploiement d'infrastructures militaires sur les territoires de ces pays entraînera bien sûr une réponse ».
Mardi, Moscou a annoncé expulser deux diplomates finlandais de Russie en représailles à une mesure similaire prise par Helsinki, et sortir d'un forum des pays de la Baltique.
Les pays de l'UE tentent de leur côté de s'entendre sur un arrêt des achats de pétrole russe, refusé par la Hongrie, très dépendante de Moscou dans ce secteur et qui réclame des compensations financières en échange.
Au terme d'une réunion infructueuse sur le sujet lundi à Bruxelles, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a concédé que finaliser le 6e paquet de sanctions contre la Russie prendrait « du temps ». Un sommet européen extraordinaire est prévu les 30 et 31 mai.
M. Poutine a par ailleurs indiqué mardi que la Russie allait devoir réorganiser son secteur de l'énergie face aux sanctions européennes, tout en estimant que l'UE allait être la première à souffrir de son « autodafé économique » en renonçant aux hydrocarbures russes.