PARIS: Le Premier ministre français Jean Castex a remis lundi sa démission, après 22 mois à la tête du gouvernement, et devrait être remplacé par la ministre du Travail Elisabeth Borne, qui sera en première ligne pour les élections législatives de juin.
Après un week-end dominé par les noms de plusieurs anciennes ministres, c'est celui de la ministre du Travail qui bruissait parmi plusieurs conseillers de l'exécutif lundi après-midi.
"Je viens de remettre ma lettre de démission", a déclaré M. Castex après une heure d'entrevue avec le chef de l'Etat au palais présidentiel de l'Elysée. La présidence a indiqué que M. Macron avait accepté cette démission.
Merci à @JeanCastex, à son gouvernement et à toute son équipe. Durant près de deux ans, il a agi avec passion et engagement au service de la France. Soyons fiers du travail accompli et des résultats obtenus ensemble. pic.twitter.com/AmJ2WkCety
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 16, 2022
Selon des sources concordantes au sein de l'exécutif, une passation de pouvoirs avec le ou la successeur(e) de M. Castex au poste de Premier ministre aura lieu autour de 19H00 (17H00 GMT) lundi.
Castex veut continuer à servir le pays mais quitte la vie politique nationale
Le désormais ancien Premier ministre Jean Castex a annoncé lundi vouloir "continuer à servir notre pays" mais fera "un pas de côté en sortant de la vie politique nationale", a-t-il déclaré lors de la passation de pouvoirs à Matignon avec la nouvelle cheffe du gouvernement Elisabeth Borne.
"Je ferai en ce qui me concerne un pas de côté, en sortant de la vie politique nationale dans laquelle je ne suis finalement entré qu'un peu par effraction en juillet 2020, je continuerai, bien sûr, à servir notre pays, il y a tellement de façons de servir son pays quand on l'aime, en dehors de la politique", a affirmé M. Castex visiblement ému et chaleureusement applaudi par le personnel de Matignon à la fin de son discours.
M. Castex a rendu un hommage appuyé aux "agents et fonctionnaires de l'État et du service public" et plus particulièrement aux personnels "de santé publique" auxquels il a associé les salariés de santé du privé qui ont fait face à la pandémie de Covid-19.
Ils "ont fait face avec un courage et une abnégation absolument exceptionnelle à toutes les vagues de la pandémie", a-t-il relevé.
Il a également salué "les membres du Parlement et notamment la majorité parlementaire" "fidèle et d'une grande loyauté". Il a également eu une "pensée particulière" pour les victimes d'attentats terroristes comme celui qui a couté la vie au professeur Samuel Paty, le 16 octobre 2020.
A sa successeure, M. Castex a rappelé qu'elle devait veiller "à ne jamais oublier" les "millions" de concitoyens de la France silencieuse qui est "la colonne vertébrale de la France" et qui ne s'expriment "pas forcément sur les réseaux sociaux" ou "les chaînes d'information continue".
Réélu le 24 avril, M. Macron avait assuré il y a une semaine à Berlin qu'il connaissait déjà le nom de son prochain Premier ministre... sans dévoiler son identité, à près d'un mois des législatives des 12 et 19 juin.
Seuls indices donnés par le chef de l'Etat, son nouveau Premier ministre sera doté d'un profil "social", "écologique" et "productif".
Mme Borne, technicienne tenace, jugée loyale, est perçue par le pouvoir comme ayant fait ses preuves au gouvernement pendant tout le dernier quinquennat, des Transports au Travail en passant par l'Ecologie.
Outre l'avantage d'être une femme, une option soutenue par 74% des Français selon un sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche, cette ancienne directrice de cabinet de la socialiste Ségolène Royal a également le mérite d'appartenir à l'aile gauche de la Macronie.
Un atout à l'heure où s'annoncent de nouvelles réformes sociales, à commencer par "la mère des batailles" sur les retraites.
«Impatience des Français»
Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron avait surpris les observateurs, en nommant Edouard Philippe puis Jean Castex, deux élus sans aucune expérience gouvernementale.
Jean Castex, qui s'était autoproclamé "Premier ministre de l'intendance", a multiplié les déplacements à travers la France - 350 en 22 mois - imprimant l'image d'un chef de gouvernement "des territoires", soucieux de la promotion de l'exécution des réformes, quitte à passer complètement sous les radars au plan national.
Si une femme devait bien être désignée, Edith Cresson, la seule à avoir occupé le poste (1991-1992), sous la présidence du socialiste François Mitterrand, lui souhaite "beaucoup de courage" au sein d'une classe politique "machiste".
Le choix est d'autant plus attendu qu'il viendra confirmer ou non l'orientation qu'entend se donner le chef de l'Etat.
Emmanuel Macron a promis de tenir compte de la colère exprimée par de nombreux Français pendant la crise des "gilets jaunes", révoltés contre sa politique fiscale et sociale, et lors de l'élection présidentielle, et de changer de méthode.
"La composition du nouveau gouvernement, l'identité des grands ministres, l'identité du ou de la Première ministre peut avoir une importance très forte sur les élections législatives", a souligné dimanche soir sur la chaîne LCI le sondeur Frédéric Dabi, de l'institut de sondages Ifop.
Mais, relève-t-il, "l'impatience des Français" se focalise surtout "sur des questions d'inflation, de pouvoir d'achat, d'environnement et de sécurité" auxquelles il va falloir répondre dans un contexte anxiogène de crise du Covid-19 et de guerre en Ukraine qui favorisent l'envolée les prix de l'énergie et de l'alimentation.
Pour l'heure, le bloc présidentiel est crédité de quelque 26% d'intentions de vote aux législatives et conserverait une majorité à l'Assemblée.
Il est toutefois défié par l'union de la gauche socialiste, écologiste, communiste et radicale, autour de Jean-Luc Mélenchon (arrivé troisième au premier tour de la présidentielle), qui obtiendrait 28% et l'extrême droite de Marine Le Pen, finaliste malheureuse du second tour face à Emmanuel Macron (24%).