Enquête sur la charge de la police aux obsèques de Shireen Abou Akleh

Des artistes palestiniens peignent une fresque en l'honneur de Shireen Abu Akleh dans le sud de la bande de Gaza, le 14 mai 2022 (Photo, AFP).
Des artistes palestiniens peignent une fresque en l'honneur de Shireen Abu Akleh dans le sud de la bande de Gaza, le 14 mai 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 15 mai 2022

Enquête sur la charge de la police aux obsèques de Shireen Abou Akleh

  • La police israélienne s'était opposée à tout chant ou drapeau palestiniens lors des obsèques de Shireen Abu Akleh
  • A la sortie du cercueil de l'hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est la police a pénétré dans l'enceinte de l'établissement et chargé une foule

JERUSALEM: La police israélienne a annoncé samedi l'ouverture d'une enquête après le tollé international provoqué par l'intervention de ses membres lors des funérailles de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, dont le cercueil a failli tomber après les coups de matraque contre les porteurs.

Des milliers de Palestiniens ont participé vendredi aux obsèques de la journaliste américano-palestinienne de la TV Al Jazeera, tuée mercredi d'une balle dans la tête alors qu'elle couvrait un raid militaire israélien dans le camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Elle portait un gilet pare-balles siglé "presse" et un casque de reportage.

A la sortie du cercueil de l'hôpital Saint-Joseph à Jérusalem-Est, secteur palestinien de la ville également occupé par Israël, la police a pénétré dans l'enceinte de l'établissement et chargé une foule brandissant des drapeaux palestiniens.

Le cercueil a failli tomber des mains des porteurs frappés par des policiers armés de matraques avant d'être rattrapé in extremis, selon des images des télévisions locales.

"Le commissaire de la police israélienne (...) a ordonné une enquête sur l'incident", a indiqué la police dans un communiqué. Elle a répété que les policiers "avaient été exposés à la violence des émeutiers, ce qui les a poussés à recourir à la force".

La police a accusé la foule de Palestiniens d'avoir empêché le transport du cercueil dans un corbillard, "tel qu'il a été convenu avec la famille".

Le frère de Shireen Abu Akleh, Antoun, a toutefois affirmé à l'AFP "qu'aucun accord n'avait été passé avec la police".

Pas d'accord

Il a dit que la police lui avait demandé le nombre de participants attendus aux funérailles et qu'elle s'était opposée à tout chant ou drapeau palestiniens. 

"Nous avons dit à la police que ce serait des funérailles nationales qui ne se limiteraient pas à la famille", a-t-il ajouté.

Les images de la charge de la police circulant en boucle sur les réseaux sociaux ont provoqué un tollé international.  

"Nous avons été profondément troublés par les images de l'intrusion de la police israélienne au sein du cortège funéraire", a dit le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, alors que la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Michelle Bachelet a parlé d'images "choquantes".

L'Union européenne a condamné "le comportement irrespectueux de la police israélienne". 

La représentation française à Jérusalem a jugé "profondément choquantes" les "violences policières", et l'Espagne a dénoncé comme "inacceptables" le "recours à la force disproportionné". 

"Les forces d'occupation ne se sont pas contentées de tuer Shireen (...) mais elles ont terrorisé ceux qui l'ont accompagnée vers sa dernière demeure", a dénoncé le Qatar.

Le Croissant-Rouge palestinien a fait état de 33 blessés et la police israélienne de six arrestations.

La foule de Palestiniens a pu ensuite accompagner le cercueil vers une église de la Vieille Ville où une messe a été célébrée, puis au cimetière.

"Le meurtre" de la journaliste de 51 ans a été condamnée à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a réclamé "une enquête transparente et impartiale".

Origine du tir

L'Autorité palestinienne, la télévision du Qatar Al Jazeera et le gouvernement du Qatar ont accusé l'armée israélienne d'avoir tué la journaliste.

Israël, après avoir affirmé qu'elle avait "probablement" succombé à un tir palestinien, a ensuite dit ne pas écarter que la balle ait été tirée par ses soldats.

Selon "les premiers résultats" de l'enquête du procureur palestinien à Ramallah, "la seule origine du tir, c'est les forces d'occupation".

Avant lui, l'armée israélienne a indiqué qu'il n'était pas possible de déterminer dans l'immédiat l'origine du tir.

Israël a réclamé que lui soit remise la balle en vue d'un examen balistique, et proposé que des experts palestiniens et américains soient présents lors de cet examen.

Mais le président palestinien Mahmoud Abbas a refusé une enquête conjointe avec Israël. "Nous ne leur faisons pas confiance", a-t-il dit.

M. Abbas a en outre tenu samedi une cérémonie lors de laquelle il a remis une médaille à titre posthume à Shireen Abou Akleh.

Ces derniers mois, l'armée israélienne a lancé plusieurs opérations à la recherche de suspects palestiniens dans le camp de réfugiés de Jénine, un bastion des factions armées palestiniennes d'où étaient originaires des auteurs d'attaques meurtrières en Israël.


Le ministre irakien des Affaires étrangères en visite officielle aux États-Unis

 Le ministre irakien des affaires étrangères, Fuad Hussein. (File/AFP)
Le ministre irakien des affaires étrangères, Fuad Hussein. (File/AFP)
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  • La visite s'inscrit dans le cadre de l'engagement diplomatique continu entre les deux pays dans un contexte d'évolution de la dynamique régionale
  • "Nous discuterons des moyens de renforcer la sécurité commune et la coopération dans divers domaines", a déclaré le ministre des affaires étrangères.

DUBAI : Le ministre irakien des Affaires étrangères, Fuad Hussein, s'est envolé jeudi pour les Etats-Unis afin de participer à une série de réunions bilatérales visant à renforcer les liens entre Bagdad et Washington.

Dans une déclaration partagée sur la plateforme X et rapportée par l'Agence de presse irakienne, M. Hussein a déclaré que la visite se concentrera sur le renforcement des relations irako-américaines et la coordination des efforts sur les questions régionales et internationales clés.

"Nous discuterons des moyens de renforcer la sécurité commune et la coopération dans divers domaines", a déclaré le ministre des affaires étrangères.

Cette visite s'inscrit dans le cadre d'un engagement diplomatique continu entre les deux pays, dans un contexte d'évolution de la dynamique régionale.


Gaza: 22 morts dans des bombardements israéliens, selon secouristes et hôpitaux

L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien. (AFP)
L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien. (AFP)
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  • L'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir effectué une frappe dans la région de Jabalia, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique"
  • Une autre frappe aérienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien, a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile à Gaza

GAZA: Au moins 22 personnes, dont six membres d'une même famille, ont été tuées dans de nouveaux bombardements israéliens sur la bande de Gaza jeudi matin, ont annoncé la Défense civile palestinienne et des sources hospitalières.

L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien.

L'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir effectué une frappe dans la région de Jabalia, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique".

Une autre frappe aérienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien, a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile à Gaza.

Cette organisation de secouristes a aussi fait état de deux morts dans une frappe sur une tente de personnes déplacées à Khan Younès, dans le sud.

Toujours à Khan Younès, l'hôpital Nasser annonce avoir reçu les dépouilles de deux victimes après une frappe sur une maison familiale. L'hôpital des martyrs d'al-Aqsa dit, lui, avoir reçu trois corps après une frappe sur une tente de personnes déplacées dans le camp de Nuseirat (centre).

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre dans la bande de Gaza, où au moins 1.928 Palestiniens ont été tués depuis selon le ministère de la Santé du Hamas.

Ce bilan porte à 51.305 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de l'offensive israélienne lancée en représailles à l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

L'attaque sans précédent du Hamas a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées le 7-Octobre, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

 


1982 – Le massacre de Sabra et Chatila

Les corps des victimes du massacre de Sabra et Shatila sont transportés par le personnel de la Croix-Rouge pour être enterrés à Beyrouth. (Getty Images)
Les corps des victimes du massacre de Sabra et Shatila sont transportés par le personnel de la Croix-Rouge pour être enterrés à Beyrouth. (Getty Images)
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  • Le massacre, qui s'est déroulé au plus fort de la guerre civile libanaise, et les raisons qui l'ont motivé mettent en lumière les dimensions régionales complexes qui ont entouré le conflit
  • Arab News a publié des images saisissantes du massacre, qualifié de crime commis «avec la connivence des envahisseurs israéliens»

LONDRES: Le massacre de Sabra et Chatila, survenu en 1982, reste l’un des épisodes les plus tragiques et emblématiques de l’histoire politique mouvementée du Liban.

Des membres d’une milice chrétienne libanaise de droite ont pénétré dans le quartier de Sabra, au sud de Beyrouth, ainsi que dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, tout proche. Ils y ont massacré des centaines de personnes. Certaines estimations font état de plus de 3 000 victimes, majoritairement des civils palestiniens et des Libanais musulmans.

Au moment où les atrocités ont eu lieu, le quartier, où résidaient de nombreux dirigeants palestiniens, ainsi que le camp, étaient sous le contrôle des forces d'occupation israéliennes à la suite de leur invasion du Liban-Sud trois mois plus tôt.

Selon certaines sources, les meurtres de masse ont été commis au vu et au su des forces israéliennes, de 18 heures environ le 16 septembre à 8 heures du matin le 18 septembre. Certains ont même affirmé que les milices chrétiennes avaient reçu l'ordre des Israéliens de «chasser» les combattants de l'Organisation de libération de la Palestine de Sabra et Chatila, dans le cadre de l'avancée israélienne dans la partie ouest de Beyrouth, majoritairement musulmane. Des rapports ultérieurs ont suggéré que les Israéliens avaient reçu des rapports sur les atrocités, mais qu'ils n'avaient pris aucune mesure pour les prévenir ou les arrêter.

Le massacre, qui s'est déroulé au plus fort de la guerre civile libanaise, et les raisons qui l'ont motivé mettent en lumière les dimensions régionales complexes qui ont entouré le conflit.

Comment nous l'avons écrit

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Arab News a publié des images saisissantes du massacre, qualifié de crime commis «avec la connivence des envahisseurs israéliens», provoquant une onde de choc et des réactions d’horreur à travers le monde.

Au Liban, le sectarisme a presque toujours été un facteur central des conflits qui ont façonné les équilibres politiques et redessiné les cartes du pouvoir. Bien avant la chute de l’Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, dont le territoire libanais faisait alors partie, la région du Mont-Liban avait déjà été le théâtre de violences confessionnelles. Ces tensions ont débuté en 1840 et ont atteint leur paroxysme en 1860, avec des massacres d'une telle ampleur qu'ils ont entraîné une intervention militaire française. L’Empire ottoman avait alors réagi avec fermeté, cherchant à contenir l’avancée française, dans un contexte de pressions diplomatiques exercées par les grandes puissances européennes.

Le bouleversement politique majeur consécutif aux massacres de 1860 fut la création, en 1861, du district autonome du Mont-Liban, gouverné par un fonctionnaire ottoman chrétien dont la nomination devait être validée par les puissances européennes.

Mais après la défaite de l’Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale, la Conférence de paix de Paris en 1920 annexa plusieurs régions au Mont-Liban – notamment Beyrouth – et plaça le nouvel État élargi du Liban sous mandat français.

Dans ce Grand Liban, la population chrétienne, auparavant majoritaire dans la région montagneuse du Mont-Liban, vit son poids démographique réduit par l’intégration de grandes villes et districts à majorité sunnite et chiite. Néanmoins, les chrétiens comptaient sur le soutien du mandat français pour préserver leur domination politique. Une illusion qui s’estompa rapidement, surtout après l’indépendance du Liban en 1943.

À cette date, selon de nombreuses estimations, les musulmans – sunnites, chiites et druzes – formaient déjà une majorité démographique. Parallèlement, l’émergence du nationalisme arabe, alimenté par la Nakba palestinienne de 1948, radicalisa la scène politique régionale. L’afflux de réfugiés palestiniens au Liban, comme en Jordanie, accentua les tensions et contribua à fragiliser davantage l’équilibre confessionnel libanais.

Le processus de radicalisation a été encore accéléré par la défaite arabe lors de la guerre israélo-arabe de juin 1967, qui a donné naissance, ainsi qu'une énorme crédibilité, au mouvement de résistance palestinien (les «fedayins»).

À l'automne 1970, à la suite de batailles entre les fedayins et l'armée jordanienne, les mouvements de résistance palestiniens ont transféré leur quartier général d'Amman à Beyrouth.

Les musulmans libanais, les nationalistes arabes et les dirigeants de gauche se rangent aux côtés des Palestiniens et font cause commune avec eux. De l'autre côté, l'élite politique chrétienne et les masses chrétiennes au Liban craignaient que cette alliance naissante ne constitue une menace mortelle pour leur position dominante dans le pays et, par conséquent, pour son régime, son identité et sa souveraineté.

J'ai vécu cette époque et je m'en souviens très bien. En 1973, l'armée libanaise, dirigée par les chrétiens, a tenté de contenir le pouvoir des fedayins dans les camps de réfugiés, mais le tollé soulevé par la gauche musulmane contre les actions de l'armée a ouvert la voie à une guerre civile imminente. Très vite, les milices chrétiennes ont été ouvertement armées et entraînées par des officiers de l'armée, tandis que les milices gauchistes et arabisantes ont également obtenu des armes et un entraînement par l'intermédiaire des Palestiniens et de certains régimes arabes.

La guerre a éclaté en 1975 et s'est poursuivie, en plusieurs phases, jusqu'en 1990. L'invasion israélienne de juin 1982 avait pour but d'achever l'infrastructure militaire et politique palestinienne et d'établir un régime «ami» à Beyrouth. Israël a tenté d'y parvenir en utilisant sa puissance militaire pour forcer les mouvements de résistance palestiniens à quitter le Liban, puis en confiant la présidence libanaise à Bachir Gemayel, chef des Forces libanaises, la milice chrétienne la plus puissante, en août 1982.

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Des familles pleurent les victimes du massacre dans le quartier de Sabra à Beyrouth et dans le camp de réfugiés adjacent de Chatila, où vivent des milliers de réfugiés palestiniens. (Images Getty) 

Cependant, Gemayel a été assassiné le 14 septembre 1982, avant même d'avoir pu prêter serment. Son assassinat, dans une explosion massive à Beyrouth, a choqué les chrétiens et rendu furieuses leurs milices, qui ont riposté en attaquant Sabra et Chatila deux jours plus tard.

À cette époque, le monde arabe est affaibli et profondément divisé à la suite de la reconnaissance d'Israël par l'Égypte dans les accords de Camp David de 1979, qui a entraîné la suspension de l'adhésion du pays à la Ligue arabe.

Les Israéliens ont donc pu participer au massacre de Sabra et Chatila sans craindre d'importantes représailles de la part des Arabes. En fait, c'est le tollé général suscité par ce massacre qui a conduit à la création d'une commission d'enquête présidée par Sean MacBride, assistant du secrétaire général des Nations unies et président de l'Assemblée générale des Nations unies à l'époque.

Le rapport de la commission, publié en 1983, concluait qu'Israël, en tant que puissance occupante, portait la responsabilité des violences et que le massacre constituait une forme de génocide.

La réaction de choc au massacre a été forte même en Israël, où les autorités ont créé leur propre commission Kahan pour enquêter sur l'incident. Son rapport, également publié en 1983, conclut que, bien que consciente de l'existence d'un massacre, l'armée israélienne n'a pris aucune mesure sérieuse pour y mettre un terme.

La commission a déclaré qu'Israël était indirectement responsable «d'avoir ignoré le danger d'effusion de sang et de vengeance» et que le ministre de la Défense, Ariel Sharon, en portait personnellement la responsabilité, ce qui l'a contraint à démissionner.

Eyad Abu Shakra est le rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com