TOURS: Comment expliquer la guerre aux enfants? Cette question taraude plus d'un parent depuis l'invasion russe en Ukraine, dont l'abondante couverture médiatique interroge et angoisse les plus jeunes. En France, la presse destinée aux plus jeunes présente des pistes.
Aux assises internationales du Journalisme à Tours (ouest), des professionnels des médias jeunesse et une psychothérapeute ont apporté des éléments de réponse tirés de leurs propres expériences.
"Dès le lendemain de l'annonce du conflit, on avait déjà plus de cinquante questions et ça affluait, ça affluait", se souvient Camille Laurans, rédactrice en chef d'1jour1actu, une émission sur Internet destinée aux CM1, CM2 et 6e, les enfants entre la fin de l'école primaire et la première année au collège (éditions Milan Presse).
"Chez les plus petits, la question n'était même pas +est-ce que la guerre va être chez moi?+ Car l'Ukraine, ils ne savent même pas où c'est", poursuit-elle. Ils pensaient que "la guerre était à leur porte", comme ils l'avaient entendu, et se demandaient où ils allaient fuir et si leur père partirait demain à la guerre.
1jour1actu a pris le parti d'"éviter l'immersion dans l'émotion --les enfants baignaient déjà dedans-- et de leur proposer au contraire un bain de compréhension petit à petit".
Chez Bayard Presse, éditeur français de magazines jeunesse pour toutes les tranches d'âge, avec des magazines comme Astrapi, Images Doc, Okapi ou Phosphore, "on a essayé d'avoir une vraie vigilance sur les photos", explique Jean-Yves Dana, rédacteur en chef d'Okapi.
"Les images choisies pour accompagner nos reportages ou notre travail d'explication avaient une certaine distance avec la violence des faits: on montrait par exemple les ravages dans le pays mais pas les blessés ou les morts", poursuit-il.
«Fondamentaux de l'information»
La façon dont on s'adresse aux plus petits diffère aussi sensiblement des plus âgés. "Avant 5 ans, ils vont surtout ressentir les inquiétudes autour d'eux et il faut avant tout les rassurer en leur expliquant qu'ils ne sont pas responsables, car ils ont tendance à tout ramener à eux", explique Marie-Noëlle Clément, médecin directeur de l'Hôpital de Jour pour Enfants André Boulloche, à Paris.
Quand ils fréquentent l'école primaire, ils vont rapporter de la cour de récréation des histoires spectaculaires, et il est important d'avoir une parole structurante de la part des parents et enseignants, ajoute-t-elle.
Et avec les adolescents, surinformés par les réseaux sociaux et en permanence sur leur smartphone, il est important de leur apprendre à avoir un rapport critique aux sources pour gérer cet afflux d'émotion.
"Cette guerre nous donne une occasion de travailler encore plus fortement sur les fondamentaux de l'information", note Serge Barbet, directeur délégué au Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (Clemi), qui intervient dans les écoles, collèges et lycées.
Il est alors important d'expliquer: qu'est ce qu'une source? Comment l'information se fabrique? Comment est-elle diffusée?
"La culture médiatique n'est pas innée et compte tenu de l'impact des réseaux sociaux et des plateformes, ce travail est plus que jamais fondamental", souligne M. Barbet.
Sur la guerre de l'information à laquelle se livre la Russie, 1jour1actu a pris ainsi le parti de décoder une image, raconte Camille Laurans: celle de l'employée d'une chaîne de télévision russe qui avait fait irruption pendant un journal télévisé pro-Kremlin avec une pancarte dénonçant l'offensive en Ukraine.
Chez Fritz le Mag, un journal local pour les enfants dès 8 ans qui utilise l'actualité locale à Tours pour parler du monde, "on s'est tourné dès qu'on a pu vers des acteurs à proximité", raconte Matthieu Pays, l'un de ses co-fondateurs.
Le magazine s'est ainsi penché sur l'histoire d'un volleyeur ukrainien du club de Tours ou sur celle de petits Ukrainiens accueillis dans des classes.
La psychothérapeute Marie-Noëlle Clément recommande également d'inciter les enfants et les adolescents à s'engager dans des actions concrètes (comme participer à des collectes par exemple) afin qu'ils ne restent pas seulement des spectateurs impuissants de l'information.