COLOMBO: Le Sri Lanka, pays d'Asie du Sud de 22 millions d'habitants, confronté à sa pire crise économique depuis l'indépendance en 1948, subit depuis des mois des pénuries de biens essentiels, de longues coupures d'électricité quotidiennes et une inflation record.
Le gouverneur de la Banque centrale a prévenu mercredi que l'économie risquait de « s'effondrer de manière irrémédiable » sans un gouvernement d'ici deux jours pour rétablir la stabilité politique nécessaire aux affaires.
Un nouveau Premier ministre a être nommé jeudi en vue de former un gouvernement d'union face à la crise.
L'AFP revient sur les raisons de cette débâcle historique.
Chantiers faramineux
Dans la région de Hambantota (sud), fief du clan des Rajapaska au pouvoir depuis deux décennies, un flot d'investissements a été gaspillé dans de grands chantiers d'infrastructures, entachés de soupçons de corruption, dont un aéroport international flambant neuf sans trafic, un centre de conférence inactif, etc.
En 2017, Colombo s'est retrouvé dans l'incapacité d'assurer le service de sa dette de 1,4 milliard de dollars contractée auprès de Pékin pour la construction d'un port en eaux profondes. Ayant perdu 300 millions de dollars en six ans d'exploitation, le Sri Lanka a été contraint de le céder pour 99 ans à une entreprise chinoise.
Au cours de sa présidence (2005-2015), l'ex-Premier ministre Mahinda Rajapaksa a considérablement endetté le pays, auprès de la Chine surtout, sa grande alliée, pour financer ces infrastructures.
Réductions d'impôts inopportunes
En 2019, Gotabaya Rajapaksa a nommé son frère Mahinda Premier ministre et dévoilé les plus importantes réductions d'impôts de l'histoire de l'île, aggravant les déficits budgétaires chroniques.
Les agences de notation n'ont pas tardé à rétrograder le Sri Lanka, craignant que la dette publique ne devienne ingérable et l'accès à de nouveaux prêts plus difficile.
Attentats et pandémie
Les réductions d'impôts se sont confirmées d'autant plus inopportunes que la pandémie de Covid-19 allait se propager en 2020 dans le monde entier, et anéantir son secteur du tourisme, déjà en fort recul depuis les attentats islamistes de Pâques 2019. Les réserves de devises étrangères pourvues par les revenus du tourisme et les transferts de fonds de la diaspora n'ont cessé depuis de s'assécher, menaçant le service de la dette.
Interdiction des engrais
Afin d'économiser les devises étrangères dont l'île manquait déjà dangereusement, tout en espérant en faire le premier producteur mondial d'aliments 100% biologiques, le gouvernement a décidé début 2021 d'ajouter les engrais chimiques à la liste des importations bannies.
Seulement, cette décision louable de promouvoir une agriculture verte n'était portée par aucun programme de transition écologique et a eu un effet dévastateur sur la production agricole du pays.
Fin 2021, les engrais ont été à nouveau autorisés mais le pays s'enfonçant plus profondément dans la crise, ils sont devenus difficiles à importer, faute de dollars.
Pénuries et coupures de courant
Fin 2021, les réserves de devises du Sri Lanka s'élevaient à juste 2,7 milliards de dollars, contre 7,5 milliards à l'arrivée au pouvoir des frères Rajapaksa deux ans plus tôt.
Les denrées alimentaires d'importation ont commencé à disparaître des rayons, obligeant les commerces à les rationner. Puis le pétrole, l'essence et le kérosène se sont à leur tour raréfiés.
De longues files d'attente sont désormais routinières dans tout le pays, pour s'approvisionner en produits de première nécessité (alimentation, médicaments, carburants). Les coupures d'électricité maintiennent une grande partie de la capitale Colombo dans l'obscurité chaque nuit.
Dette et défaut de paiement
Le nouveau gouverneur de la Banque centrale, à peine nommé, annonce le 12 avril le défaut de paiement de la dette extérieure du Sri Lanka estimée à plus de 51 milliards de dollars.
Cette mesure n'a pas permis de consolider les finances qui se détériorent, le pays ne disposant plus que de 50 millions de dollars au début du mois de mai.
Le Sri Lanka est actuellement en négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un renflouement éventuel.