La 33è session de la Conférence régionale de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour l'Europe s'ouvre ce 10 mai à Łódź, en Pologne. A cette occasion, Qu Dongyu, directeur général de la FAO, lance un appel à la transformation de nos systèmes agroalimentaires:
«Les deux dernières années ont marqué un tournant, en ce qu’elles ont transformé nos vies en profondeur dans toutes leurs dimensions. Heureusement, la science nous a aidés à mieux comprendre et à relever les difficultés engendrées par la covid-19. Au cours de cette période, nous avons également été témoins des effets de la pandémie sur la production, le commerce, la logistique et la consommation de biens, dont les aliments et d’autres produits de l’agriculture.
Les Nations Unies et leurs institutions ont travaillé d’arrache-pied à la protection de la santé et de la sécurité des personnes et de la planète, en encourageant les gouvernements à trouver des moyens de reconstruire en mieux. En particulier, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a plaidé en faveur de systèmes agroalimentaires transformés, qui soient plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables, en vue d’accomplir les quatre améliorations – de la production, de la nutrition, de l’environnement et des conditions de vie – en ne laissant personne de côté.
Cet appel à la transformation de nos systèmes agroalimentaires a trouvé écho dans le monde entier.
Le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, qui s’est tenu en septembre 2021, a constitué une étape décisive sur la voie de cette transformation, en encourageant tous les pays à innover pour assurer la résilience face à la crise climatique, aux catastrophes naturelles et aux conflits.
Toujours en 2021, les Membres de la FAO ont adopté le Cadre stratégique de la FAO pour 2022-2031, qui articule la vision de l’Organisation en faveur d’un monde durable où règne la sécurité alimentaire pour tous dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable (ODD).
Ce document stratégique est devenu plus important encore au début de l’année 2022, lorsque la sécurité alimentaire mondiale a subi les effets d’une nouvelle crise.
Chaque jour qui passe, la guerre en Ukraine affaiblit la sécurité alimentaire mondiale. L’Ukraine et la Fédération de Russie sont des piliers majeurs des marchés mondiaux. Les deux pays sont d’importants fournisseurs de produits agricoles (blé, maïs, orge et tournesol) et d’autres intrants agricoles indispensables, dont les engrais. Ensemble, ils représentent environ 30 pour cent des exportations mondiales de blé et 20 pour cent des exportations de maïs.
Les pénuries sont appelées à se prolonger l’année prochaine. Selon les estimations de la FAO, au moins 20 pour cent des cultures d’hiver – notamment le blé – risquent de ne pas être récoltées en Ukraine, et les agriculteurs du pays manqueront probablement la saison des semis de mai. Cela réduira d’autant les disponibilités alimentaires mondiales, avec de graves conséquences dans la région Europe et Asie centrale et au-delà. Près de 50 pays à faible revenu et à déficit vivrier en Afrique et au Proche-Orient sont fortement tributaires des approvisionnements céréaliers ukrainiens et russes.
Les prix des denrées alimentaires étaient déjà en hausse en raison de préoccupations relatives à l’état des cultures, à la disponibilité des produits destinés à l’exportation et à l’inflation dans les secteurs de l’énergie, des engrais et de l’alimentation pour animaux. La guerre en Ukraine ayant causé des ondes de choc sur les marchés des céréales de base et des huiles végétales, les prix des denrées alimentaires ont encore augmenté, atteignant un pic historique en mars.
Des interventions immédiates et des mesures de fond coordonnées, mais surtout conjointes, sont nécessaires pour amortir les impacts des problèmes de sécurité alimentaire actuels, et la FAO a un rôle essentiel à jouer à cet égard.
Il est capital que le flux des produits alimentaires et des engrais ne connaisse pas d’interruption. La production et le commerce agricoles doivent continuer d’approvisionner les marchés nationaux et mondiaux, et les chaînes d’approvisionnement doivent contribuer à protéger les cultures sur pied, le bétail, les infrastructures de transformation des aliments et les systèmes logistiques.
La FAO recommande vivement de renforcer le Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) dans son rôle de plateforme au service de la transparence des marchés alimentaires et de l’action publique coordonnée en période d’incertitude des marchés.
En outre, les pays d’Europe et d’Asie centrale, et du monde entier, doivent gérer les ressources naturelles de manière plus efficiente et productive, non seulement dans le but d’abaisser les coûts de production agricole, mais aussi pour donner à l’innovation les moyens de se déployer. Cet aspect revêt une importance toute particulière s’agissant des biens exportés.
L’amélioration de la gestion des ressources naturelles est une pierre angulaire du développement durable. À cette fin, la concrétisation des ODD, qui est abordée dans les stratégies de l’Organisation relatives au changement climatique et à la science et l’innovation, se situe au cœur du Cadre stratégique 2022-2031 de la FAO. À l’appui de la réalisation de ces objectifs et en réponse à l’interdépendance des défis, la FAO a lancé la Plateforme technique régionale consacrée à l’agriculture verte, qui constitue un portail numérique convivial pour l’échange d’informations sur l’intégration des enjeux prioritaires dans ce domaine. Toutes ces questions figureront à l’ordre du jour d’une conférence internationale qui se tiendra le 6 mai à Bakou (Azerbaïdjan).
Enfin, nous devons accroître la résilience des moyens de subsistance. Les franges les plus vulnérables de la population vivent de l’agriculture et des ressources naturelles, et ce sont elles qui sont généralement les plus durement éprouvées par les chocs et les catastrophes.
À travers sa collaboration avec les gouvernements, les partenaires et les communautés, que ce soit avant, pendant ou après les catastrophes, la FAO est particulièrement bien placée pour aider les Membres à construire un avenir propice à une plus grande résilience et à une sécurité alimentaire renforcée en associant la prévention, la préparation et le redressement au service du développement durable, et en aidant les agriculteurs et les économies rurales à gagner en souplesse, en efficacité et en innovation. Sans perdre de vue ses objectifs stratégiques, la FAO intervient activement dans les situations d’urgence pour amortir les effets des conflits sur les vies humaines et les moyens de subsistance.
Le monde n’a jamais été aussi interconnecté. Les conflits qui sévissent dans une région ont des répercussions aux quatre coins du globe, et leurs ramifications ont de graves conséquences pour la sécurité alimentaire et pour toutes les autres aspirations qui sont les nôtres en matière de développement.»