KANDAHAR: Le chef suprême de l'Afghanistan a fait un discours en public dimanche, pour seulement la deuxième fois en six ans, à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Fitr, assurant que la victoire des talibans en août dernier avait permis au pays de retrouver la liberté et la sécurité.
Les fidèles étaient en train de prier à la mosquée d'Eidgah, dans la ville de Kandahar (sud), considérée comme le bastion des talibans, lorsqu'un homme des premiers rangs s'est levé et a été présenté comme Hibatullah Akhundzada, chef des talibans.
Il a alors commencé à parler, sans se retourner vers la foule, selon des messages postés sur les réseaux sociaux.
Survenant deux jours après l'explosion d'une bombe dans une mosquée à Kaboul, la présence de cet homme n'apparaissant jamais en public était entourée de mesures de sécurité exceptionnelles, et l'entourage du chef taliban empêchait les journalistes d'approcher, a rapporté un correspondant.
« Je vous félicite pour la victoire, la liberté et la sécurité. Je vous félicite pour la sécurité, et pour le système islamique », a-t-il lancé.
Si le nombre d'attentats a nettement diminué depuis la prise de pouvoir des talibans en août dernier, plusieurs ont eu lieu ces derniers jours, certains revendiqués par le groupe Etat islamique (EI), visant principalement des musulmans chiites et soufis et tuant des dizaines de civils.
Le dernier en date, vendredi à Kaboul contre une mosquée, a fait au moins 10 morts.
« Je suis tellement heureux que je ne peux même pas le décrire », a raconté par la suite Bismillah, un fidèle qui était présent dans la mosquée. « Je rêvais de prier aux côtés de mon dirigeant suprême, d'entendre sa voix ou de le voir ».
Gul Ahmad, un autre habitant de Kandahar également présent à la mosquée, a souligné que les Afghans continueraient à se rendre à la mosquée malgré les attentats.
« Notre peuple aime sa religion. Même s'il y a des attentats tous les jours, nous continuerons à nous rendre dans les mosquées pour y prier », a-t-il déclaré.
Deux hélicoptères ont survolé la mosquée en permanence pendant les deux heures de la cérémonie.
Un dirigeant reclu
L'intervention de dimanche était seulement la deuxième fois qu'Akhundzada apparaissait en public depuis qu''il a pris le contrôle des talibans en 2016.
En octobre, il s'était rendu à la mosquée Darul Uloom Hakimiah, toujours à Kandahar, si l'on en croit un enregistrement audio publié par les talibans sur les réseaux sociaux.
Le profil bas de ce nouveau chef a donné lieu à des interrogations sur son rôle réel dans le nouveau gouvernement, et même à des rumeurs faisant état de sa mort.
Son profil public se limite à la publication de messages à l'occasion des fêtes musulmanes, et l'on estime qu'il passe la majeure partie de son temps à Kandahar.
Vendredi, son message à l'occasion de la fête de l'Aïd ne faisait pas mention du dernier attentat sanglant en date, et se contentait de vanter « la forte armée islamique et nationale » et « la solide organisation de renseignement » mises en place par les talibans.
De son côté, à Kaboul, le Premier ministre Mohammad Hassan Akhund a profité de son discours de l'Aïd pour accuser de nouveau Washington d'intervenir dans les affaires intérieures de l'Afghanistan.
« Est-ce qu'ils ne retiennent pas la richesse du pays qui était dans leurs banques? Est-ce que ce n'est pas une ingérence dans les affaires intérieures de ce pays? », a-t-il déclaré.
Washington a saisi des milliards de dollars d'avoirs afghans après son retrait du pays en août, aggravant encore la crise humanitaire dans le pays.
Contrairement à ce qui se passait à Kandahar, à Kaboul de nombreux fidèles ont préférer éviter de se rendre à la mosquée par peur de nouveaux attentats.
Le plus meurtrier d'entre eux pendant le ramadan, contre une mosquée de la province de Kunduz (nord) où avait lieu une cérémonie soufie, a tué 36 personnes, et en a blessé des dizaines.