PARIS: L'Insee dévoilera vendredi sa première estimation de la croissance française au premier trimestre, qui devrait se tasser davantage que prévu du fait des premières répercussions de la guerre en Ukraine, en particulier l'inflation.
L'Institut national de la statistique table depuis février sur une progression du produit intérieur brut (PIB) de 0,3%, après les 0,7% enregistrés au dernier trimestre 2021, un ralentissement qui s'explique par la vague Omicron du début de l'année et les conséquences de la guerre en Ukraine à partir de la fin février.
De son côté, la Banque de France est un tout petit peu moins optimiste, prévoyant une croissance de 0,25%.
Les perspectives, plutôt bonnes en début d'année sur la lancée de la forte reprise de 2021 (7%), se sont assombries avec l'invasion russe en Ukraine.
Accélération d'une inflation déjà en hausse depuis plusieurs mois, perturbation des chaînes d'approvisionnement pour certains secteurs, inquiétude sur la tournure que prendront les évènements: entreprises et ménages voient leur confiance altérée.
Le moral des ménages a ainsi reculé, renouant en mars avec un creux inobservé depuis novembre 2020, en pleine deuxième vague de l'épidémie de Covid.
Les Français mettent l'inflation en tête de leurs préoccupations, celle-ci ayant atteint en mars 4,5% sur un an, un niveau inédit depuis le milieu des années 80.
Malgré les plus de 20 milliards mis sur la table par le gouvernement depuis la fin 2021 pour limiter cette hausse des prix, en particulier de l'énergie - avec un certain succès par rapport à nos voisins européens - cette appréhension pousse les ménages à se serrer la ceinture.
Leur consommation a chuté de 2% en janvier avant de se redresser légèrement en février (+0,8%). Le chiffre de mars sera connu vendredi et l'évolution sur le trimestre sera le point particulièrement scruté de la publication de l'Insee.
"On est dans un contexte de contrainte sur le pouvoir d'achat, et on se demande ce que ça peut impliquer sur la consommation des ménages, à quel point elle peut être affectée", souligne ainsi Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas.
Lui-même table sur une consommation stable au premier trimestre, alors qu'elle est traditionnellement le moteur de la croissance française.
"On n'est plus du tout dans la dynamique de reprise post-Covid, de libération de la dépense parce que les restrictions ont été levées", abonde Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.
Mais le pire est sans doute à venir au deuxième trimestre, avec une inflation qui va s'accélérer sur les produits alimentaires, les biens manufacturés et les services, quand les prix de l'énergie pourraient avoir atteint un pic.
Impact progressif sur les entreprises
Côté entreprises, le début d'année est plus contrasté. Après un mois de janvier marqué par les restrictions sanitaires liées à la propagation du variant Omicron, leur confiance s'était redressée en février, alors que la page de la crise sanitaire semblait se tourner.
La guerre en Ukraine a quelque peu douché l'optimisme ambiant, en particulier dans l'industrie, déjà fragilisée par des tensions sur les approvisionnements et les hausses de coûts des matières premières.
Mais au premier trimestre, "on devrait toujours avoir une augmentation de l'investissement et une contribution positive du commerce extérieur, même (...) s'il s'agit plus d'une baisse des importations en volume que d'une forte dynamique des exportations", nuance M. Colliac.
"Actuellement les entreprises voient que leurs carnets de commandes sont encore remplis, qu'elles sont capables de répercuter les hausses de coûts sur leurs prix", malgré le contexte "moins favorable", note Charlotte de Montpellier.
Finalement, du côté des entreprises on pourrait avoir "un choc dont les impacts se font sentir plus progressivement", ajoute-t-elle.
Autre ombre au tableau: le regain épidémique en Chine fait peser le risque d'une baisse de la demande et de nouvelles perturbations dans les chaines logistiques.
Autant d'incertitudes qui, couplées à l'inflation, ont poussé la Banque de France à abaisser entre 2,8% et 3,4% sa prévision de croissance française pour 2022 et le FMI à 2,9% contre 4% espéré par le gouvernement avant la guerre en Ukraine.