KARACHI: Trois Chinois, membres du personnel de l'institut Confucius, et leur chauffeur pakistanais ont été tués mardi dans une attaque suicide menée par une femme kamikaze appartenant à un mouvement séparatiste baloutche, à Karachi, dans le sud du Pakistan.
L'Armée de libération du Baloutchistan (BLA) a indiqué sur Telegram « accepter la responsabilité de l'attaque suicide » qui a ciblé un minibus à proximité de cet institut culturel affilié à l'université de Karachi, où sont enseignées la langue et la littérature chinoises.
La BLA, qui a déjà par le passé mené plusieurs attentats d'ampleur contre les intérêts chinois au Pakistan, a précisé qu'il s'agissait de la première mission suicide conduite par une femme.
Les projets financés par la Chine ont souvent créé un fort ressentiment au Pakistan, en particulier auprès des groupes séparatistes baloutches, qui estiment que la population locale n'en tire aucun bénéfice, la plupart des emplois revenant à de la main d’œuvre chinoise.
« Les examens préliminaires suggèrent qu'il s'agissait d'une attaque suicide, mais notre équipe de déminage est arrivée sur place et récolte les indices de l'explosion », a déclaré le chef de la police de Karachi, Ghulam Nabi Memon.
La police a confirmé la mort de quatre personnes, dont trois membres chinois de l'institut, et un chauffeur pakistanais.
Des images CCTV diffusées sur les chaînes locales montrent une femme debout près de l'entrée de l'institut, sur le campus de l'université, au moment où le minibus s'arrête.
Quand le véhicule est à moins d'un mètre d'elle, elle tourne le dos et fait détoner son gilet explosif.
Le nouveau Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, a immédiatement dénoncé « un lâche acte de terrorisme ».
« Je suis profondément endeuillé par les pertes de précieuses vies humaines, dont celles de nos amis chinois », a-t-il twitté, en promettant de traduire les coupables en justice.
La sécurité des employés chinois travaillant sur les différents projets d'infrastructure au Pakistan est depuis longtemps une préoccupation pour Pékin, qui a investi des milliards de dollars ces dernières années dans ce pays.
Province marginalisée
La BLA a déjà revendiqué plusieurs attaques contre des cibles chinoises, en invoquant la mainmise sur les ressources locales par Islamabad et Pékin.
En mai 2019, elle avait attaqué l'hôtel de luxe surplombant le port en eaux profondes de Gwadar, projet phare du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), pour lequel Pékin devait dépenser plus de 50 milliards de dollars (42 milliards d'euros), causant la mort d'au moins huit personnes.
Six mois auparavant, elle avait mené un assaut contre le consulat de Chine de Karachi, la plus grande ville du Pakistan et sa capitale économique et financière, tuant au moins quatre personnes. Et en juin 2020, elle s'en était prise à la Bourse de Karachi, en partie propriété d'entreprises chinoises (au moins 4 morts).
Les intérêts chinois ont aussi été visés par le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), les talibans pakistanais. En avril 2021, ce groupe avait revendiqué un attentat suicide contre un hôtel de luxe de Quetta (ouest), capitale du Baloutchistan, dans lequel séjournait l'ambassadeur de Chine, qui n'avait pas été blessé.
Le gouvernement pakistanais a aussi accusé le TTP d'être - avec l'aide de l'Inde et de l'Afghanistan - derrière l'attaque en juillet 2021 contre un bus transportant des ouvriers chinois qui travaillaient à la construction du barrage hydroélectrique de Dasu, dans la province du Khyber Pakhtunkhwa (nord-ouest).
Au moins 12 personnes, dont neuf Chinois, avaient été tuées. Islamabad avait tardé à reconnaître qu'il s'agissait d'un attentat, ce qui avait provoqué des tensions avec Pékin.
Le Baloutchistan, province la plus grande, la moins peuplée et la plus pauvre du Pakistan, qui borde l'Iran et l'Afghanistan, est depuis longtemps théâtre de violences ethniques, sectaires et séparatistes.
La province est riche en hydrocarbures et en minerais, mais sa population - environ 12 millions d'habitants - se plaint d'être marginalisée et spoliée de ses ressources naturelles.
La BLA avait revendiqué en février une double attaque contre deux camps militaires dans cette province. L'armée pakistanaise avait mis quatre jours pour éliminer tous les assaillants, donnant un bilan final de 20 militants et neuf soldats tués.