«S'exprimer»: des stars russes en concert pour aider les réfugiés

En robe blanche et coiffée de deux chignons, Monetochka a enchanté les fans avec un poème incisif raillant l'attaque de la Russie, avant d'enchaîner avec des tubes électro-pop. (AFP)
En robe blanche et coiffée de deux chignons, Monetochka a enchanté les fans avec un poème incisif raillant l'attaque de la Russie, avant d'enchaîner avec des tubes électro-pop. (AFP)
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Publié le Mardi 26 avril 2022

«S'exprimer»: des stars russes en concert pour aider les réfugiés

  • Quelques mots émouvants pour dénoncer l'opération militaire russe en Ukraine puis la star du rap russe forme le signe de la paix
  • «Je ferai ce signe jusqu'à ce que mes mains soient attachées dans le dos», une référence aux exactions, attribuées par l'Ukraine et les pays occidentaux à l'armée russe, commises dans des villes ukrainiennes

VARSOVIE: Star du rap russe, Noize MC surgit des coulisses et déboule sur scène, acclamé par des centaines de fans originaires d'Ukraine, de Russie et du Belarus, venus à Varsovie pour assister à son concert contre la guerre. 

Quelques mots émouvants pour dénoncer l'opération militaire russe en Ukraine puis il forme le signe de la paix : "Je ferai ce signe jusqu'à ce que mes mains soient attachées dans le dos", lance-t-il.

Une référence aux exactions, attribuées par l'Ukraine et les pays occidentaux à l'armée russe, commises dans des villes comme Boutcha, où des dizaines de corps d'Ukrainiens ont été retrouvés, mains liées derrière le dos. 

Noize MC - de son vrai nom Ivan Alexeïev, 37 ans - est l'une des deux pop-stars russes qui se produisent en Europe pour récolter des fonds destinés aux Ukrainiens forcés de fuir l'offensive militaire du Kremlin.


Avec l'icône de la pop russe Monetochka, ils ont déjà levé plus de 200 000 euros pour une ONG polonaise d'aide aux réfugiés, grâce à leur tournée "Voices of Peace".

"Je voulais trouver un moyen de m'exprimer le plus efficacement possible", a expliqué Monetochka, avant sa prestation. 

Elle est ensuite montée sur scène, devant une projection d'images de ballerines dansant le Lac des cygnes, ballet connoté au déclin de l'ère soviétique et à l'effondrement du régime.

«Parler de guerre»
En robe blanche et coiffée de deux chignons, Monetochka a enchanté les fans avec un poème incisif raillant l'attaque de la Russie, avant d'enchaîner avec des tubes électro-pop.


"Nous avons trouvé un moyen de faire vraiment la différence et d'oublier, une seconde, le sentiment de culpabilité", a déclaré l'artiste de 23 ans, de son vrai nom Liza Girdimova, née juste avant l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, en 2000.


Dans les paroles de ses chansons, ses inquiétudes sur l'évolution de la Russie se cachaient jusqu'alors sous "des métaphores". Mais les deux derniers mois ont changé la donne.


"Je parle de guerre sans synonymes", a-t-elle déclaré à l'AFP, défiant une loi du Kremlin imposant aux Russes de qualifier l'offensive en Ukraine d'"opération militaire spéciale".


Mais dans le même temps, elle dit craindre d'ostraciser les fans favorables au narratif du Kremlin. "J'essaie de toutes mes forces de ne pas effrayer les gens qui ne se prononcent pas, mais plutôt de les amener vers nous".


Cette série de concerts en Europe est bien éloignée des tournées précédentes, même de celles qui se sont déroulées après 2014, avec le soulèvement du Maïdan et l'annexion de la Crimée par la Russie.


Les artistes russes, raconte-t-elle, avaient alors continué à se produire en Ukraine, sans différence majeure entre un concert à Saint Petersbourg et à Kharkiv, une ville ukrainienne aujourd'hui ravagée par la guerre.


"Nous pouvions y aller et chanter dans notre langue russe, nos chansons russes, et personne ne nous faisait rien", dit-elle. "Les gens là-bas connaissaient nos chansons par cœur".


Et cela n'a pas changé : les centaines de fans présents à Varsovie les reprenaient en choeur.

«Pas indifférents»
"Je suis heureuse qu'il y ait des Russes qui ne soient pas indifférents et qui nous aident", s'est réjouie Evgenia Korzhelaya, 25 ans, dont les parents vivent à Mykolaïv, une ville dans le sud de l'Ukraine qui a subi d'intenses bombardements.


Liza Daviskiba, une cheffe de projet russe de 26 ans vivant en Finlande, a elle été surprise de voir autant de monde pour des artistes russes.


"Je suis si heureuse de voir ce genre d'initiative. Cela montre que les choses ne sont pas bonnes en Russie et que nous les Russes sommes avec les Ukrainiens".


Comme des dizaines de milliers de ses compatriotes choqués par la décision de Vladimir Poutine d'envoyer l'armée en Ukraine le 24 février, Monetochka a quitté la Russie dans les jours qui ont suivi.


Et comme eux, elle ignore quand elle rentrera au pays. 


Toutefois, elle garde espoir car les dons recueillis lors des concerts proviennent pour la plupart de Russie. Et les concerts - en Pologne, Lettonie, Lituanie, République tchèque, capitales scandinaves et Allemagne - lui permettent, ainsi qu'à Ivan Alexeïev, d'"oublier brièvement de penser au sort du pays" et de "garder la tête hors de l'eau".


Même si tout ne va pas sans mal car elle reconnaît aussi s'être parfois heurtée à la "colère" des Ukrainiens et de certains Européens. "Ils ont le droit de le faire".


Cinéma: Hazanavicius et le réalisateur iranien Rasoulof ajoutés à la compétition cannoise

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager (Photo, X).
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  • Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or
  • Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement

CANNES: Le Festival de Cannes a parachevé sa sélection lundi, invitant notamment en compétition un cinéaste iranien en rupture avec le régime, Mohammad Rasoulof, et le réalisateur Michel Hazanavicius pour un film d'animation.

Michel Hazanavicius, 57 ans, sera en lice pour la Palme d'Or avec "La plus précieuse des marchandises". Il s'agit d'une première tentative dans le cinéma d'animation pour le réalisateur très éclectique de "The Artist" (oscarisé en 2012) ou des deux premiers volets de la comédie d'espionnage "OSS 117".

Adapté d'une pièce de Jean-Claude Grumberg, le film évoque le souvenir de la Shoah et le sort d'un enfant juif qui échappe miraculeusement à la déportation vers le camp d'extermination nazi d'Auschwitz.

Le festival a également ajouté le nouveau film de Mohammad Rasoulof, "The seed of the sacred fig". Ce cinéaste, lauréat du prix Un Certain Regard à Cannes en 2017 ("Un homme intègre"), puis de l'Ours d'or à Berlin en 2020 ("Le diable n'existe pas"), avait été invité l'an dernier comme membre d'un jury.

Mais M. Rasoulof, 52 ans, dans le viseur du régime et récemment libéré de prison, n'avait pas pu faire le déplacement, toujours frappé par une interdiction de voyager.

Evoquant les questions brûlantes de la corruption ou de la peine de mort, Mohammad Rasoulof fait partie des réalisateurs iraniens primés dans les plus grands festivals mais accusés en Iran de propagande contre le régime, comme Jafar Panahi ou Saeed Roustaee.

Sujets sensibles 

Un troisième réalisateur, le Roumain Emanuel Parvu, est également ajouté à la compétition, portant à 22 le nombre de films en lice pour succéder à la Palme d'Or de l'an dernier, "Anatomie d'une chute" de Justine Triet.

Parmi eux, les œuvres d'illustres réalisateurs hollywoodiens, dont "Megalopolis" de Francis Ford Coppola et "Oh Canada" de Paul Schrader, une comédie musicale de Jacques Audiard, le nouveau film de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone, après son Lion d'or pour "Pauvres créatures", ou encore une oeuvre sur Naples par l'Italien Paolo Sorrentino.

Hors compétition, le festival, qui se tiendra du 14 au 25 mai, a également annoncé lundi la première du "Comte de Monte-Cristo", avec Pierre Niney dans le rôle-titre, blockbuster français programmé hors compétition, tandis qu'Oliver Stone présentera en séance spéciale un documentaire sur le dirigeant brésilien Lula.

Trois films sont également ajoutés dans la section Un Certain Regard, dont le premier film comme réalisatrice de l'actrice Céline Sallette, un biopic sur l'artiste Niki de Saint-Phalle, avec Charlotte Le Bon.


Un chef-d'oeuvre oublié de Raphaël exposé au public dans une basilique varoise

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux (Photo, X).
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  • Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome
  • Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique

SAINT-MAXIMIN-LA-SAINTE-BAUME: L'exposition ce week-end dans la sacristie de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var) pour la première fois au public d'un tableau oublié et récemment redécouvert du peintre italien de la Renaissance Raphaël a attiré de nombreux visiteurs, a constaté un photographe de l'AFP.

Ce chef-d'oeuvre, un portrait de Marie-Madeleine de 46 centimètres sur 34 centimètres, y sera exposé pendant un mois dans cet édifice religieux, considéré comme le troisième tombeau de la chrétienté après Jérusalem et Rome, qui abrite des reliques de Marie-Madeleine.

Une cinquantaine de personnes ont ainsi fait la queue dimanche après-midi pour pouvoir admirer ce tableau peu connu du maître italien auteur des "Trois Grâces" ou encore des fresques ornant le palais du Vatican à Rome "L'Incendie de Borgo" et "L'Ecole d'Athènes".

Les visiteurs doivent cependant s'acquitter la somme de trois euros pour l'admirer, des fonds qui serviront à soutenir la restauration de la basilique.

Gardé constamment par deux gardes, ce portrait est bien mis en valeur par un éclairage doux au sein de la sacristie donnant au lieu une ambiance mystique.

Tableau oublié 

La redécouverte de ce tableau oublié pourrait, pour certains, relever du miracle: un collectionneur français avait acheté ce portrait de Marie-Madeleine, datant de la rencontre entre Raphaël et Léonard de Vinci (1505), à une galerie londonienne sur son site internet pour 30.000 livres (près de 35.000 euros) en pensant qu'il s'agissait d'une oeuvre de l'école de Vinci.

Il avait ensuite fait appel à l'expertise d'Annalisa Di Maria, membre du groupement d'experts de l'Unesco à Florence (Italie) qui a authentifié l'oeuvre en septembre.

A l'issue d'innombrables analyses, dont la visualisation grâce à la lumière infrarouge des couches de carbone cachées par les pigments de peinture, ils ont pu attribuer le tableau à Raphaël (1483-1520).

Marie-Madeleine, premier témoin de la résurrection de Jésus, dont elle était une fidèle disciple, est une figure importante des Evangiles, souvent présentée comme une pécheresse repentie. Elle aurait passé les 30 dernières années de sa vie dans une grotte du massif de la Sainte-Baume, à une vingtaine de kilomètres de la basilique, devenue un haut-lieu de pèlerinage chrétien.


Des collages XXL à l'Orient-Express, JR veut «changer les perspectives»

Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
Des gens regardent des œuvres de Claire Tabouret à la prison pour femmes de la Giudecca, qui abrite le pavillon du Saint-Siège, lors de la pré-ouverture de la 60e exposition d'art de la Biennale de Venise, le 18 avril 2024 à Venise (Photo, AFP).
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  • Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées
  • Il y est souvent questions de sujets sociaux

 

VENISE: "Changer les perspectives" au-delà des frontières: après plus de 25 ans de carrière, le goût du voyage et de l'ailleurs continue de façonner l'oeuvre de JR, street-artist de renommée mondiale dont le dernier projet prend la route du rail.

A 41 ans, le photographe français au chapeau et lunettes noires, devenu célèbre avec ses collages photographiques XXL, s'est lancé dans un "projet fou": décorer tout un wagon du Venice Simplon-Orient-Express.

"Les gens connaissent tous l'Orient-Express, mais beaucoup ne savent pas qu'ils roulent encore", dit-il à l'AFP en marge de la 60e Biennale d'art contemporain de Venise.

Pour l'occasion, le rutilant wagon-lit bleu nuit, devenu légendaire grâce au roman policier d'Agatha Christie et à ses adaptations au grand écran, a circulé à bord d'une barge cette semaine sur les eaux de la lagune de la Cité des Doges, avant son lancement sur les rails européens au printemps 2025.

En décorant l'intérieur luxueux de cette "oeuvre vivante" - incluant un salon de thé et une bibliothèque - JR, qui maitrise les codes du happening, s'est amusé à dissimuler dans ses recoins divers clins d'oeil à son oeuvre, des lettres, des jumelles, jusqu'à un appareil photo des années 1920.

"C'est une de ces voitures là qui a eu 1.000 vies. Quand on l'a récupérée en Belgique, elle était encore toute brûlée et cabossée, parce qu'elle avait été abandonnée depuis longtemps", se souvient-il en confiant sa "fascination" pour l'univers des trains.

JR voit dans ce moyen de transport une manière de "faire voyager" ses oeuvres, "comme un message dans une bouteille".

Oeuvres monumentales en trompe-l'oeil, portraits, collages... Des favelas de Rio au Louvre, de New York au Népal, le travail éphémère de l'artiste a traversé les frontières, jusqu'à faire l'objet de rétrospectives dans de prestigieux musées.

Il y est souvent questions de sujets sociaux, comme les droits des femmes ("Women are Heroes"), l'immigration ("Déplacé.e.s") ou les armes à feu ("Guns in America").

«Vers l'inconnu»

Avant les festivals et les récompenses, le travail de l'artiste a puisé son inspiration sur les rails "avec les voyages en métro ou en RER" à Paris.

"Quand j'avais 16/17 ans, les appareils ont commencé à devenir numériques. La photo n'était plus un sport de riche. Puis on a démocratisé le voyage, on pouvait voyager pour rien en train ou en avion à l'autre bout du monde. Je pense que je n'aurais pas été artiste si je n'étais pas né cette année-là", confie-t-il.

Au-delà de sa mobilité géographique, le street-artist se plait à arpenter "un chemin vers l'inconnu", "comme le monde du ballet, de l'opéra, du train, etc. Finalement, c'est là où je pense que j'apprends le plus", reconnait-il.

La rencontre faisant partie intégrante du voyage, JR revendique un "art infiltrant" impliquant activement les communautés et le public afin de gommer l'opposition entre sujets et acteurs.

En novembre, 25.000 personnes ont ainsi assisté à un spectacle de sons et lumière, avec la participation de 153 danseurs sur un immense échafaudage devant la façade du Palais Garnier à Paris, métamorphosée en grotte par l'artiste.

Cette performance hypnotisante avait fait face à de nombreux obstacles, menacée par la pluie, les alertes attentat et les incertitudes techniques qui donnaient au projet "plus de chances d'échec que de succès".

"Ce que les gens ne réalisent pas, c'est que nous-mêmes on savait pas si ça allait se passer. Mais si ça marche, d'un coup, c'est quelque chose qui n'a jamais été fait. Pour moi, c'est le signe que c'est un chemin intéressant", explique-t-il.

"C'est encore ce que je fais aujourd'hui: voyager, confronter les images aux autres, changer les perspectives, mais surtout questionner. Parce que je pense que c'est ça qui a la plus grande force de l'art."