PARIS: À peine réélu, le président français Emmanuel Macron est très attendu par ses partenaires européens pour continuer à renforcer l'Europe et la faire peser de tout son poids dans la crise en Ukraine.
Dès l'annonce de sa victoire dimanche soir, les capitales européennes ont salué "un signal fort", une "magnifique nouvelle" pour l'UE, soulignant "le besoin d'une Europe forte et solidaire" face aux défis qui s'accumulent, des bouleversements géopolitiques au changement climatique.
Des réactions enthousiastes qui cachaient mal également le soulagement de voir sa rivale d'extrême droite Marine Le Pen et son projet souverainiste, sinon anti-européen, recalés, avec 41,5% des suffrages contre 58,5% au président sortant.
Le Premier ministre irlandais Michael Martin s'est pour sa part félicité du "leadership dynamique et méthodique" du président réélu, au service de l'UE.
"Emmanuel Macron est d'autant plus attendu qu'il s'était fait plus discret durant la campagne sur ce leadership diplomatique européen et que d’autres n'ont pas pris le relais", résume Tara Varma, directrice du bureau de Paris du Conseil européen des relations internationales (ECFR).
Le chancelier allemand Olaf Scholz, critiqué de toutes parts pour son refus de livrer des armes offensives à l'Ukraine et sa réticence à se rallier à un embargo sur les importations de pétrole et gaz russes, n'a pas su ou voulu saisir la balle au bond.
"Il n'imagine absolument pas pouvoir incarner ce leadership, ce n’est pas sa manière de fonctionner du tout", considère Tara Varma.
«Légitimité renouvelée»
Pour Éric Maurice de la Fondation Robert Schuman à Bruxelles, le chancelier fait de "la prudence un principe cardinal de son action", tout comme, avant lui, Angela Merkel.
"Emmanuel Macron devient de fait le partenaire dominant dans le couple franco-allemand. Il n'y a guère non plus d'autres leaders européens en mesure de donner une impulsion. Il ne reste donc que lui, avec une légitimité renouvelée au niveau national qu'il va pouvoir utiliser au niveau européen", estime-t-il.
Outre-Manche, le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est aussi dit "heureux de continuer à travailler" avec M. Macron même si les relations ne sont pas toujours au beau fixe entre les deux dirigeants.
"Au milieu de la pire crise sécuritaire en Europe depuis la Guerre froide, la victoire de Macron le place en position de dirigeant le plus expérimenté du continent, capable de voir à long terme", relève Peter Bracketts, ancien ambassadeur britannique à Paris et vice-président du Royal United Services Institute (RUSI), un centre de réflexion londonien.
"Il visera à façonner l’approche de l'UE dans la crise en Ukraine et agira comme le lien clé avec (Joe) Biden", ajoute-t-il sur Twitter.
Le président américain s'est d'ailleurs dit impatient de "continuer à travailler de façon étroite" avec lui, à l'issue d'un entretien téléphonique lundi.
«Reprendre la main»
Beaucoup s'attendent désormais à une prochaine visite d'Emmanuel Macron à Kiev, voire à un déplacement conjoint avec le chancelier Scholz.
"Il est essentiel qu’il reprenne la main mais il faut qu'il la reprenne avec Scholz, l'Europe du sud, les Baltes, qu’il soit capable de créer cet esprit de cohésion national mais aussi européen", estime Tara Varma.
La France assure en outre la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne jusqu'en juin, ce qui lui offre une tribune supplémentaire sur les grands enjeux du continent.
Emmanuel Macron sera aussi attendu sur la politique d'élargissement à l'Est, y compris à l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, à l'occasion de la conférence sur les Balkans prévue d'ici à la fin de la présidence française, ainsi que sur le soutien à l'Otan.
"Nous espérons qu'il sera encore plus actif dans la fourniture d'armes sophistiquées à l'Ukraine, dans le soutien à des sanctions plus sévères contre la Russie, y compris sur l'énergie, ainsi que sur l'intégration européenne. Notre pays a besoin du statut de candidat à l'UE en juin", a souligné Igor Zhovkva, chef adjoint de cabinet du président ukrainien Volodymyr Zelensky, sur lundi la chaîne France 24.
Le président français pourrait aussi présenter des initiatives pour faire face aux conséquences économiques de la crise en Ukraine.
"Du point de vue français, il y a besoin d’une nouvelle étape après le plan de relance post-Covid", favorisant notamment les investissements liés à la transition énergétique, note Eric Maurice.