Coronavirus: la quête d'un vaccin universel

Des personnes font la queue pour un test de dépistage du coronavirus Covid-19 dans un site de collecte d'écouvillons à Pékin, le 25 avril 2022. (AFP)
Des personnes font la queue pour un test de dépistage du coronavirus Covid-19 dans un site de collecte d'écouvillons à Pékin, le 25 avril 2022. (AFP)
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Publié le Lundi 25 avril 2022

Coronavirus: la quête d'un vaccin universel

  • Depuis que la quête d'un premier vaccin anti-Covid a dopé une nouvelle génération de sérums, quantité de travaux ont cherché à mettre au point une immunité pan-coronavirus
  • Même si aucun des projets de vaccins pan-coronavirus actuels ne devrait être déployé l'an prochain, leur arrivée pourrait changer l'approche mondiale de Covid

PARIS: Si les fabricants de vaccins s'emploient à cibler de nouveaux variants du Covid-19, des scientifiques voient plus loin et cherchent un vaccin universel contre les coronavirus, capable de s'attaquer à de futures souches voire d'éviter une autre pandémie.


Depuis que la quête d'un premier vaccin anti-Covid a dopé une nouvelle génération de sérums, quantité de travaux ont cherché à mettre au point une immunité pan-coronavirus, avec des niveaux d'ambition variables.


Drew Weissman, de l'université de Pennsylvanie, un des pionniers dans la technologie de l'ARN messager utilisée par le vaccin de Pfizer, mène l'un de ces projets.


A ses yeux, l'adaptation des vaccins existants à toutes les souches existantes - Pfizer a annoncé un plan en ce sens il y a quelques semaines - a une limite majeure: "de nouveaux variants vont apparaître tous les trois ou six mois".

Vaccins: l'ARN messager ne va pas remplacer toutes les technologies

Polio ou Covid, la vaccination nous concerne tous, à un moment ou un autre. Pour la chercheuse en immunologie Béhazine Combadière, directrice de recherche à l'Inserm, l'ARN est une avancée, qui ne va pas remplacer tous les vaccins.

QUESTION: On a beaucoup parlé d'immunité avec la pandémie, mais comment fonctionnent le système immunitaire et les vaccins?


REPONSE: Le système immunitaire se compose d'abord de l'immunité innée, constituée de cellules qui sont capables d'éliminer les pathogènes dès leur entrée, de les manger et de les tuer. Celle-ci n'est pas spécifique d'un pathogène. A cela s'ajoute l'immunité adaptative, un système qui va reconnaître spécifiquement un ou plusieurs éléments pathogènes.


L'immunité adaptative a deux bras. Le bras "humoral" pour les anticorps, et le bras "cellulaire", incluant les lymphocytes CD8 qui sont capables de tuer les cellules du corps qui ont été infectées.


Les anticorps représentent en quelque sorte la mesure "finale" du système immunitaire. Quand on vaccine, on veut monter un système immunitaire avec suffisamment d'anticorps qui puissent lutter contre le pathogène et empêcher l'infection. Il y a des vaccins comme pour la variole où l'on empêche l'infection. Et d'autres, comme pour la grippe, où la vaccination n'empêche pas l'infection, mais elle est efficace contre les formes graves de la maladie. S'ajoutent à cela de grandes différences de réponse entre les individus.

Q: Il existe plusieurs technologies de vaccination, comment choisit-on une option plutôt qu'une autre?


R: D'abord, il faut connaître le pathogène et identifier le ou les éléments du pathogène reconnu par le système immunitaire. Le virus, pour entrer dans la cellule, va utiliser une clef, c'est cela que l'on vise pour développer un vaccin.


Une fois que la séquence d'un virus est connue, on peut choisir la stratégie vaccinale: va-t-on mettre cette séquence dans un vecteur viral recombinant (avec l'exemple de l'adénovirus pour le vaccin contre le Sars-Cov2)? Va-t-on considérer que toutes les protéines du virus sont utiles et dans ce cas inactiver le virus entier? Ou produire la protéine cible du pathogène pour une formulation de vaccin à base de protéines? Les stratégies - vaccin à base de virus recombinant, ou virus inactivé - dépendent des technologies disponibles dans les laboratoires privés. Tout le contexte technologique est important, c'est pour cela que c'est compliqué.

Q: Diriez-vous que l'ARN messager, à la base des premiers vaccins contre le Covid-19 qui ont été commercialisés, a représenté une révolution?


R: C'est une révolution dans le sens où un vaccin a été produit contre une pandémie très rapidement et de manière très efficace.


Mais l'ARN messager n'est qu'un outil supplémentaire qui s'ajoute aux plateformes déjà existantes. Chaque plateforme a des avantages et des inconvénients. L'avantage de l'ARN est qu'il est rapide à produire, et que l'on peut induire des réponses immunitaires de très forte intensité.


Cela n'enlève rien aux connaissances déjà acquises sur d'autres plateformes vaccinales, à base de protéines sous-unitaires, de vecteurs viraux, qui ont aussi montré leur efficacité et leur sécurité. L'ARN ne va pas remplacer tous les autres vaccins.

Or, après plus de deux ans passés à tenter d'infecter toujours plus d'humains, le virus commence à muter spécifiquement pour contourner l'immunité acquise grâce aux vaccins - de la même manière que les constantes mutations de la grippe, qui nécessitent un sérum modifié chaque année, explique-t-il.


"Cela complique un peu les choses, parce que maintenant on se bat frontalement avec le virus", résume Drew Weissman à l'AFP.


Son équipe travaille donc sur un vaccin universel anti-coronavirus. Elle essaye de trouver "des séquences d'épitope (déterminant antigénique) très bien préservées" - des fragments entiers de virus qui ne peuvent pas muter aisément car le virus mourrait sans eux.


Mais ce ne sera pas facile. "Nous pourrions avoir un vaccin universel dans deux ou trois ans, mais nous allons continuer à travailler là dessus et à adapter pour garder une longueur d'avance sur le virus", décrit Drew Weissman.


Le Covid-19 n'est pas le premier coronavirus à passer des animaux aux humains dans ce siècle: son plus vieux parent, le SARS, a tué près de 800 personnes en 2002-2004, et le MERS-CoV (Coronavirus du Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient) a suivi en 2012.


Lorsque la biotech américaine VBI Vaccines a annoncé son projet pan-coronavirus aux premiers jour de la pandémie, en mars 2020, elle visait ces trois coronavirus.


Si l'on imaginait chaque antigène de leur vaccin comme une couleur primaire, ces chercheurs espéraient que leur vaccin apporterait des anticorps non seulement pour ces couleurs mais aussi pour "les différentes nuances d'orange, de vert et de violet trouvées entre ces couleurs", décrit Francisco Diaz-Mitoma, médecin chef de VBI.


"En d'autres termes, nous essayons d'apprendre au système immunitaire à s'étendre sur les variations du virus qu'il est capable de +voir+ depuis le début", précise-t-il à l'AFP.


«Un pas en avant»
Les tests du vaccin de VBI sont jusqu'alors prometteurs - y compris sur des chauves-souris et des pangolins-, et la biotech espère le démarrage d'études cliniques dans les prochains mois pour des résultats début 2023.


Un autre projet, utilisant des nanoparticules de ferritine, piloté par Barton Haynes, directeur de l'Institut des vaccins humains de l'université de Duke aux Etats-Unis, a reçu des financements de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses.


Ce vaccin, qui cible les virus type SARS mais pas une palette plus large de coronavirus type MERS, s'est révélé efficace contre Omicron, selon Barton Haynes. 


Pour Pamela Bjorkman, de l'institut de technologie de Californie, un véritable vaccin universel contre le coronavirus n'est probablement pas réaliste vu la multiplicité des souches - parmi lesquelles celles de simples rhumes.


Son projet utilise une stratégie de nanoparticules en mosaïque pour cibler la lignée B des bétacoronavirus, qui comprend le SARS-CoV original et le SARS-CoV-2, à l'origine du Covid-19.


Même cette "quête" de lignée spécifique est comparable aux "nombreuses années d'efforts pour fabriquer un vaccin antigrippal universel", souligne-t-elle à l'AFP.


Comme Barton Haynes, elle estime que la rapidité du démarrage des essais cliniques sur l'homme est cruciale pour avoir un vaccin largement disponible.


Même si aucun des projets de vaccins pan-coronavirus actuels ne devrait être déployé l'an prochain, leur arrivée pourrait changer l'approche mondiale du Covid.


"Si un vaccin pan-coronavirus réussit à donner une immunité plus large contre les coronavirus, cela nous permettrait, globalement, de passer d'un pas en arrière à un pas en avant sur la pandémie", selon Francisco Diaz-Mitoma.


Et, en élargissant l'horizon de la recherche sur les vaccins, le Covid pourrait avoir poussé le monde à mieux se préparer à la menace de prochaines pandémies, peut-être encore pires.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »