Liberté d'expression, violences, haine raciale: des émeutes révèlent la ségrégation en Suède

Les scènes d'émeutes s'étaient ensuite propagées durant le week-end à plusieurs autres villes (Photo, AFP).
Les scènes d'émeutes s'étaient ensuite propagées durant le week-end à plusieurs autres villes (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 20 avril 2022

Liberté d'expression, violences, haine raciale: des émeutes révèlent la ségrégation en Suède

  • Du Danemark à la Belgique en passant par la France, Rasmus Paludan multiplie ces dernières années les projets de brûler des exemplaires du Coran
  • Au moins 40 personnes ont été blessées, dont 26 policiers, après des violences qui ont émaillé le week-end de Pâques

STOCKHOLM: Une série d'émeutes violentes à travers la Suède, provoquées par une "tournée" d'extrême droite voulant brûler le Coran, a remis en question l'interprétation généreuse de la liberté d'expression dans le pays tout en révélant la ségrégation dont fait l'objet cette société.

Aux cris d'"Allahu Akbar" (Dieu est grand), de premières contre-manifestations contre la venue en Suède du chef du parti danois anti-islam Ligne dure, Rasmus Paludan, avaient dégénéré jeudi en violences contre la police, dans des quartiers à forte communauté musulmane des villes suédoises de Norrköping et Linköping.

Du Danemark à la Belgique en passant par la France, Rasmus Paludan multiplie ces dernières années les projets de brûler des exemplaires du Coran, généralement dans des quartiers à forte population immigrée et musulmane.

La gestion de cette tournée anti-islam a également suscité la condamnation de plusieurs pays musulmans. Après l'Irak et l'Arabie saoudite, la diplomatie turque a déploré lundi "l'hésitation à empêcher des actes provocateurs et islamophobes (...) sous couvert de liberté d'expression", tandis qu'une manifestation a eu lieu devant l'ambassade de Suède en Iran.

Les scènes d'émeutes s'étaient ensuite propagées durant le week-end à plusieurs autres villes, où M. Paludan, qui a la double nationalité danoise et suédoise, a mis le feu à des exemplaires du livre saint de l'islam, ou projeté de le faire.

La police suédoise a maintenu que malgré les autodafés, ces "tournées" relevaient de la liberté d'expression, droit constitutionnel, l'obligeant à accorder les autorisations de manifester.

"Nous vivons dans une démocratie où les libertés d'expression et de la presse sont très étendues et nous devons en être très fiers", a souligné le ministre de la Justice Morgan Johansson en conférence de presse.

Et il n'y a "aucun plan pour restreindre cela", même si ces libertés sont utilisées par un "extrémiste danois" pour encourager "la haine, la division et la violence", ce que le ministre a jugé "déplorable". 

40 blessés, dont 26 policiers

Au moins 40 personnes ont été blessées, dont 26 policiers, après des violences qui ont émaillé le week-end de Pâques dans les villes de Norrköping, Linköping, Landskrona, Örebro, Malmö et Stockholm, la capitale.

20 véhicules de police ont aussi été endommagés ou complètement détruits, et plusieurs zones touchées ont été vandalisées: vitres de magasins brisées, école incendiée.

Anders Thornberg, chef de la police nationale, a même assuré que les émeutiers avaient "essayé de tuer des policiers".

Face à Rasmus Paludan, qui planifie d'autres manifestations de ce type, certains dirigeants locaux se montrent plus réticents à défendre la liberté d'expression.

"Dans ces circonstances, la police ne devrait pas accorder d'autorisation pour d'autres rassemblements publics", a déclaré Anna Thorn, à la tête de la municipalité de Norrköping, lors d'une conférence de presse mardi.

La liberté d'expression bénéficie historiquement d'une forte protection en Suède. La police peut refuser la tenue de certains rassemblements, par exemple s'ils constituent une "incitation (à la haine, ndlr) contre un groupe ethnique", mais cette exception est à interpréter de manière très restrictive. 

Autre source de provocation, les endroits choisis pour organiser ces autodafés du Coran: généralement des banlieues avec une population majoritairement musulmane, classées par la police comme "zones vulnérables".

Ce terme, introduit en 2015, désigne des endroits pauvres, "défavorisés" avec une forte concentration "de personnes d'origine étrangère" et où existent des "réseaux criminels exerçant une pression sur ceux qui vivent dans ces quartiers ou les visitent", a expliqué à l'AFP Manne Gerell, professeur de criminologie à l'université de Malmö.

«Zones vulnérables»

Ce riche pays scandinave de 10,3 millions d'habitants a accueilli plus de 400 000 immigrés entre 2010 et 2019, selon les statistiques de l'Office des migrations. 

Mais de nombreux experts notent que la Suède a eu du mal à intégrer un grand nombre de ces nouveaux arrivants, des milliers d'entre eux ne parvenant pas à apprendre la langue et à trouver un emploi sur un marché du travail hautement qualifié. 

L'extrême droite a depuis gagné du terrain, devenant le troisième parti politique du pays. 

Certaines villes ont par ailleurs déjà connu leur lot d'émeutes visant "les autorités en général, et la police en particulier", a ajouté M. Gerell, à l'heure où les tensions liées à l'immigration croissent dans une Suède traditionnellement homogène. 

La relation entre les habitants de ces "zones vulnérables" avec la police est tendue à cause de la criminalité, qui entraîne une forte présence policière sur ces lieux, qui a son tour engendre de la frustration notamment chez les jeunes qui se font régulièrement fouiller.

Kivanc Atak, chercheur en criminologie à l'université de Stockholm, remarque que la "relation tendue" entre la police et les jeunes de minorités ethniques n'est pas inhabituelle, que ce soit en Suède ou ailleurs. 


Israël devant la CIJ pour se défendre d'accusations de « génocide »

Dans un arrêt en janvier, la CIJ a ordonné à Israël de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir tout acte de génocide et permettre l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. (AFP)
Dans un arrêt en janvier, la CIJ a ordonné à Israël de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir tout acte de génocide et permettre l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. (AFP)
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  • Pretoria a demandé à la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, d'enjoindre à Israël de cesser son incursion à Rafah
  • Israël a précédemment souligné son engagement "inébranlable" envers le droit international et qualifié l'affaire de l'Afrique du Sud de "totalement infondée" et "moralement répugnante"

LA HAYE: Israël va répondre vendredi devant la plus haute juridiction de l'ONU aux allégations de l'Afrique du Sud selon lesquelles il aurait intensifié une campagne "génocidaire" avec son opération militaire à Rafah.

Pretoria a demandé à la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, d'enjoindre à Israël de cesser son incursion à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, essentielle selon Israël pour éliminer les militants du mouvement islamiste palestinien Hamas.

Israël a précédemment souligné son engagement "inébranlable" envers le droit international et qualifié l'affaire de l'Afrique du Sud de "totalement infondée" et "moralement répugnante".

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a juré d'anéantir le Hamas, est déterminé à lancer une offensive terrestre d'envergure à Rafah, où sont retranchés selon lui les derniers bataillons du mouvement islamiste palestinien.

Israël a annoncé jeudi que son armée allait "intensifier" ses opérations au sol à Rafah, malgré les mises en garde internationales contre une offensive d'envergure dans cette ville surpeuplée du territoire palestinien.

Les avocats de Pretoria ont déclaré jeudi devant la CIJ que "le génocide" commis par Israël "a atteint un niveau horrible", évoquant notamment des fosses communes, des actes de torture et un blocage de l'aide humanitaire.

"L’Afrique du Sud avait espéré, lors de notre dernière comparution devant cette cour, mettre un terme à ce processus génocidaire afin de préserver la Palestine et son peuple", a déclaré Vusimuzi Madonsela, le représentant de Pretoria.

"Au lieu de cela, le génocide d'Israël s’est poursuivi à un rythme soutenu et vient d’atteindre un nouveau et horrible niveau", a-t-il ajouté.

Nouvelles mesures 

Dans un arrêt en janvier, la CIJ a ordonné à Israël de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir tout acte de génocide et permettre l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Mais la cour n'est pas allée jusqu'à ordonner un cessez-le-feu. Or pour Pretoria, l'évolution de la situation sur le terrain – notamment l'opération à Rafah – nécessite une nouvelle ordonnance de la CIJ.

L'opération israélienne à Rafah "est la dernière étape de la destruction de Gaza et de son peuple palestinien", a déclaré Vaughan Lowe, un avocat de l'Afrique du Sud.

"C'est Rafah qui a amené l'Afrique du Sud devant la cour. Mais ce sont tous les Palestiniens en tant que groupe national, ethnique et racial qui ont besoin de la protection contre le génocide que la cour peut ordonner", a-t-il ajouté.

Les ordonnances de la CIJ, qui tranche les différends entre Etats, sont juridiquement contraignantes mais elle n'a aucun moyen de les faire respecter.

Pretoria demande à la CIJ trois nouvelles mesures d'urgence en attendant qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire, l'accusation selon laquelle Israël viole la Convention des Nations unies sur le génocide de 1948.

L'Afrique du Sud souhaite que la cour ordonne à Israël de cesser "immédiatement" toutes les opérations militaires à Gaza, y compris à Rafah, de permettre l'accès humanitaire et de rendre compte des mesures prises dans l'exécution de ces ordonnances.


Plus d'un tiers des zones humides de Méditerranée menacées par la montée des eaux

Plus d'un tiers des zones humides du bassin méditerranéen sont menacées par les risques de submersion marine causés par le réchauffement climatique, qui risque de détruire un habitat précieux pour les oiseaux côtiers, alerte vendredi une étude scientifique. (AFP).
Plus d'un tiers des zones humides du bassin méditerranéen sont menacées par les risques de submersion marine causés par le réchauffement climatique, qui risque de détruire un habitat précieux pour les oiseaux côtiers, alerte vendredi une étude scientifique. (AFP).
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  • Les zones humides côtières figurent parmi les zones les plus menacées par le réchauffement climatique: en raison de la montée des eaux,
  • Le parc naturel régional de Camargue, plus grande zone humide française, "pourrait par exemple subir la submersion d'une surface de terre équivalente à quatre fois la superficie de Paris"

PARIS: Plus d'un tiers des zones humides du bassin méditerranéen sont menacées par les risques de submersion marine causés par le réchauffement climatique, qui risque de détruire un habitat précieux pour les oiseaux côtiers, alerte vendredi une étude scientifique.

Les zones humides côtières figurent parmi les zones les plus menacées par le réchauffement climatique: en raison de la montée des eaux, plus de la moitié d'entre elles dans le monde pourraient disparaître sous les eaux d'ici 2100, ont déjà montré de précédentes études.

Cette nouvelle étude, parue dans la revue Conservation Biology, a modélisé les futurs risques de submersion en fonction des différents scénarios du Giec (le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU) sur 938 sites côtiers du pourtour méditerranéen.

Elle révèle que 34,4% de ces sites, soit 320 zones humides côtières, sont menacées de disparition d'ici à 2100 par la hausse du niveau de la mer, même dans les scénarios climatiques les plus optimistes (avec un réchauffement de +1,8 degré).

Dans les scénarios pessimistes (jusqu'à +4,4 degrés), ce chiffre pourrait monter à 495, soit plus de la moitié.

Le parc naturel régional de Camargue, plus grande zone humide française, "pourrait par exemple subir la submersion d'une surface de terre équivalente à quatre fois la superficie de Paris", indique un communiqué du Museum national d'histoire naturelle, qui a participé à l'étude avec l'Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes de la Tour du Valat.

Parmi ces zones menacées, figurent entre 54,1% et 60,7% de sites d'importance internationale pour les oiseaux d'eau, comme les flamants roses, les avocettes élégantes ou le canard chipeau, notamment lors de la période d'hivernage ou de nidification. Ces oiseaux ne disposant pas d'habitat alternatif, ces menaces pourraient "affecter négativement" leur nombre et les écosystèmes qui y sont associés.

"Ces chiffres sont sans doute sous-estimés", notent les auteurs de l'étude, soulignant que de nombreuses zones côtières, notamment en Espagne, n'ont pas été incluses et que d'autres menaces (érosion côtière, salinisation, surtourisme...) n'ont pas été prises en compte.

Pour toutes ces raisons, ils recommandent "la mise en place urgente de mesures d'adaptation" dans ces sites, comme la construction de digues mais surtout, plus efficaces à long terme, la mise en place de solutions fondées sur la nature (fixation de dunes avec de la végétation) ou encore une extension des aires protégées pour lutter notamment contre une urbanisation non maitrisée.


Inde: l'opposition fustige Modi et ses propos anti-musulmans

Le Premier ministre indien et chef du parti au pouvoir Bharatiya Janata (BJP), Narendra Modi (Photo, AFP).
Le Premier ministre indien et chef du parti au pouvoir Bharatiya Janata (BJP), Narendra Modi (Photo, AFP).
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  • M. Modi a offert au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019
  • Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même les élections générales qui ont débuté le 19 avril

NEW DELHI: L'opposition indienne a accusé jeudi le Premier ministre Narendra Modi de tenir des propos stigmatisant les musulmans et alimentant, en plein processus électoral, les tensions sectaires dans la plus grande démocratie du monde, constitutionnellement laïque.

M. Modi déploie "son jeu habituel consistant à diviser les hindous et les musulmans", a déclaré jeudi P. Chidambaram, ancien ministre des Finances et membre influent du Congrès, principal parti d'opposition,

"Le monde observe et analyse les déclarations du Premier ministre indien, qui ne sont pas à la gloire de l'Inde", a-t-il ajouté.

M. Modi a offert au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.

Agé de 73 ans et encore très populaire dans l'ensemble du pays, le Premier ministre brigue un troisième mandat à la tête du pays.

Les analystes politiques l'ont donné vainqueur avant même les élections générales qui ont débuté le 19 avril et se déroulent en sept phases jusqu'au 1er juin.

M. Modi a présenté mardi sa candidature au siège de député de Varanasi (Bénarès), cité sacrée de l'hindouisme, dans l'Etat de l'Uttar Pradesh (nord), qu'il occupe depuis une décennie.

L'opposition et les défenseurs des droits accusent M. Modi de favoriser les hindous, majoritaires dans le pays, au détriment d'importantes minorités, dont 210 millions d'Indiens musulmans, inquiètes pour leur avenir.

M. Modi a récemment suscité l'indignation dans les rangs de l'opposition en accusant le Congrès de vouloir distribuer la "richesse nationale" aux "infiltrés", "à ceux qui ont le plus d'enfants", désignant ainsi la communauté musulmane.

L'opposition a saisi les autorités électorales qui n'ont pas sanctionné le Premier ministre. L'Inde est constitutionnellement laïque et son code électoral interdit toute campagne fondée sur des "sentiments communautaires".

Dans un entretien mardi sur la chaîne d'information continue News18, le chef du gouvernement s'est défendu d'alimenter et d'exploiter tout clivage entre hindous et musulmans.

Discrimination 

"Le jour où je commencerai à parler des hindous-musulmans sera celui où je perdrai ma capacité à mener une vie publique", a-t-il affirmé en hindi.

Le lendemain, en plein rassemblement électoral, Narendra Modi accusait le Congrès d'orchestrer un "jihad par le vote" pour que les musulmans se prononcent contre lui.

Au début de la semaine, Madhavi Latha, actrice et candidate du BJP à Hyderabad (sud), s'est autorisée, dans un bureau de vote, à vérifier que la carte électorale de musulmanes correspondait à leur identité, exigeant qu'elles ôtent leur voile.

La police de la ville a ouvert une enquête sur l'incident.

Au total, 968 millions d'Indiens sont appelés à élire les 543 membres de la chambre basse, soit plus que la population totale des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la Russie réunis.