SAINT-GIRONS: "Ni la peste ni le choléra": en Ariège, où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête le 10 avril, néoruraux et alternatifs refusent de choisir entre "l'extrême droite" de Marine Le Pen et la "droite extrême" d'Emmanuel Macron.
"La politique n'est pas mon truc, mais j'ai quand même voulu voter Mélenchon. C'était le mieux possible pour la planète, même si c'était dur à cause de son égo", explique Véronique, 63 ans, poncho à la main.
Installée en Ariège depuis vingt ans, cette Provençale a fait 30 kilomètres depuis chez elle, "dans la forêt", pour retrouver des amis au marché de Saint-Girons, ville de 6.400 habitants, au pied des Pyrénées.
Chaque samedi, sur les stands de ce marché, fréquenté par de nombreux néoruraux, sont proposés fromages traditionnels, pierres semi-précieuses "aidant à se défaire des peurs", recettes au chanvre, tissus bariolés ou "kits solaires" pour produire son électricité.
Beaucoup de ces partisans d'une vie plus sobre semblent décidés à s'abstenir dimanche lors du second tour de la présidentielle, après avoir voté, pour certains d'entre eux, en faveur du candidat de La France insoumise.
Jean-Luc Mélenchon a recueilli 26,07% des voix au premier tour en Ariège, devant Marine Le Pen (23,94%) et Emmanuel Macron (19,71%).
Le vote Insoumis est "plus fort" dans des villages où les néoruraux sont nombreux, note Christophe Imbert, professeur de géographie à l'Université de Rouen-Normandie.
Comme Véronique, Hélène, 45 ans, qui refuse aussi de dévoiler son nom, ne se déplacera pas dimanche.
Son bulletin du 10 avril est allé à Mélenchon pour avoir "plus de justice sociale et climatique", même si elle n'"aime pas particulièrement le personnage". Mais maintenant, chacun des deux finalistes "demande de voter contre l'autre par peur. Moi, j'ai peur des deux", explique-t-elle.
Mélenchon, «le moins mauvais»
Se revendiquant "anarchiste", Stéphan, 48 ans, ne veut pas plus entendre parler de Macron que de Le Pen. S'il a voté Mélenchon en 2012, il ne s'est plus rendu aux urnes depuis, et ne compte plus jamais le faire.
A ses yeux, le candidat Insoumis reste toutefois "le moins mauvais" et, comme Jean-Luc Mélenchon qui propose de passer à la VIe République, Stéphan voudrait "changer ce système monarchiste".
A l'instar d'autres néo-ruraux, ce Nîmois d'origine a "beaucoup bougé" avant de s'installer en Ariège. Il vit actuellement grâce au RSA et à "l'entraide" courante dans le coin, selon lui. Il échange ainsi son savoir-faire dans le maraîchage ou la construction contre d'autres services.
Dominique, 58 ans, se contente aussi de très peu et y tient. Cet ancien plombier, qui a quitté Toulouse il y a dix ans pour échapper au "stress" de la ville, dénonce des élections "truquées" et ne vote plus non plus.
"Ce sont les industriels et les banques qui commandent", lance-t-il avec un grand sourire, devant son minuscule stand de fruits et légumes provenant notamment de la ferme qu'il a achetée après avoir "tout vendu" à Toulouse.
"Maintenant, je m'habille dans des ressourceries (commerces de produits d'occasion, ndlr). Ca fait des enfants exploités en moins", dit-il, en montrant avec fierté son vieux blouson déteint. "Je paie 400 euros par an d'électricité, j'allume juste pour manger."
«Minorités en danger»
Laure ne vote pas plus. Domiciliée à Tarbes, elle est comme "chez elle" au marché de Saint-Girons. Et "pense" aussi à quitter la ville, mais sans trop s'isoler pour ne pas "sortir du monde".
Animatrice d'ateliers de philosophie et d'"écologie profonde", elle s'est sentie exclue après son refus de se vacciner contre le Covid.
Pour cette femme de 49 ans, "toutes les minorités sont en danger", quel que soit le vainqueur dimanche. Cependant, dans un contexte de "manipulations" de la part des finalistes, elle craint surtout de voir "beaucoup de gens" voter pour Marine Le Pen.
Une possibilité qui ne semble pas inquiéter Polo, 60 ans, qui vit depuis vingt ans en Ariège de son "propre potager" et de la vente de petits panneaux solaires.
Pour lui, "Mélenchon est un pote à Macron", lequel défend "le nouvel ordre mondial" annoncé par l'ex-président Nicolas Sarkozy. Il compte bien voter dimanche et son objectif est clair: "virer Macron".