SAINT-DENIS DE LA RÉUNION : Quelques pas de danse, des poignées de main et des selfies à la pelle, et surtout des attaques en règle contre Marine Le Pen: Jean Castex a courtisé jeudi les mélenchonistes et les abstentionnistes à La Réunion, une île où Emmanuel Macron a perdu du terrain lors du premier tour par rapport à 2017.
« Il m'a peut-être amené à changer d'avis », admet Anli Aboubacar, un quinquagénaire habitant l'île depuis trente ans qui a interpellé le Premier ministre dans les rues du centre de Saint-Denis avec un vigoureux « Dites à M. Macron de revoir sa copie sur la retraite à 65 ans ».
« Ce qui m'inquiète le plus, c'est que l'on puisse payer les retraites », a rétorqué le Premier ministre arrivé le matin pour une visite éclair de 24 heures, probablement son dernier grand déplacement du quinquennat.
Au premier tour de la présidentielle, M. Aboubacar a voté pour Jean-Luc Mélenchon comme plus de 40% des électeurs réunionnais, un bond spectaculaire de 16 points par rapport à 2017 dans le département d'Outre-mer le plus peuplé. Au second, il envisageait de s'abstenir avant sa rencontre impromptue avec le chef du gouvernement.
Au fur et à mesure de sa déambulation, M. Castex a pu mesurer à quel point il n'était pas en terrain conquis sur une île où Marine Le Pen est arrivée deuxième dimanche en frôlant les 25%, Emmanuel Macron se retrouvant troisième et reculant même d'un point à 18% par rapport à 2017, à l'inverse de son score national qui a progressé depuis cinq ans.
Lors de ses rencontres, le Premier ministre tombe sur un restaurateur qui lui reproche d'avoir »ostracisé » sa profession lors de la crise sanitaire en imposant le pass sanitaire au personnel de la restauration. Plus loin, c'est une psychologue, Anne Bazin, qui lui reproche de ne pas »avoir écouté sa profession ».
« Je ne me dérobe pas au débat », assure-t-il à ses contradicteurs, entouré par un petit groupe de Marcheurs, serrant les mains, posant pour les selfies, entonnant même la Marseillaise au côté d'un accordéoniste assis sur le trottoir. Mais dès que l'occasion se présente, il alerte sur les risques du second tour.
« Méfiez-vous des gens qui vous vendent de la poudre de perlimpinpin », prévient-il, reprenant l'expression d'Emmanuel Macron il y a cinq ans. Quelques mètres plus loin, il lance un avertissement: « Nous sommes exposés à une régression, à un danger, peut-être même à un risque d'explosion sociale ».
Dès son arrivée le matin à l'aéroport, il a expliqué clairement la raison de ce déplacement express: « Marine Le Pen entend baisser les contributions de la France au budget de l’UE, dont on connaît par avance les résultats extrêmement concrets », a-t-il plaidé. « C’est moins de crédits pour les territoires et en particulier pour les départements d’Outre-mer. Ce serait donc très grave », a-t-il souligné.
Des pas de danse
Dans l'après-midi, Jean Castex s'est rendu à Saint-Pierre, la deuxième ville de l'île, dont le maire LR Michel Fontaine a appelé « à faire barrage » lors du second tour face à Marine Le Pen qui a obtenu ici 22% des voix, moitié moins que Jean-Luc Mélenchon, mais 4,5 points de plus qu'Emmanuel Macron.
Il y a cinq ans, le candidat LR François Fillon avait obtenu 17,3% des voix à La Réunion, plus de quatre fois le score de Valérie Pécresse dimanche (3,8%), des électeurs de droite qui ont opté « pour l'abstention », selon le maire.
« Certains se reconnaissaient plus chez M. Fillon que chez Mme Pécresse », ajoute-t-il, reconnaissant qu'ils constituent « une réserve de voix importante » pour Emmanuel Macron au second tour.
A Saint-Pierre, l'ambiance est plus festive qu'à Saint-Denis et la déambulation de M. Castex dans le quartier de Terre-Sainte prend l'allure d'un petit bain de foule. Il s'autorise quelques pas de danse au rythme effréné d'un « maloya », la musique locale.
Il ne perd pas le nord pour autant: « La Réunion, c’est une terre de différences, de cohabitation, d’ouverture. On ne peut pas faire le choix du repli », insiste-t-il.