Bien qu’il ait échappé au pire de la crise ukrainienne, l’Occident en paiera inévitablement le prix

Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, et le président des États-Unis, Joe Biden (Photo, Reuters).
Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, et le président des États-Unis, Joe Biden (Photo, Reuters).
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Publié le Lundi 11 avril 2022

Bien qu’il ait échappé au pire de la crise ukrainienne, l’Occident en paiera inévitablement le prix

Bien qu’il ait échappé au pire de la crise ukrainienne, l’Occident en paiera inévitablement le prix
  • Les prix des denrées alimentaires et de l’énergie augmenteront en raison de facteurs qui échappent probablement au contrôle des dirigeants et la croissance économique devrait cesser
  • Les gens seront certes en colère, mais ils devraient réserver leur colère au régime et à l’homme qui en est responsable, se serrer la ceinture et se rappeler que leur liberté a eu un coût dans le passé

Le Royaume-Uni est toujours sous le choc des répercussions du conflit en Ukraine et de son influence plus large sur les voisins proches, ainsi que ceux plus éloignés, comme le Moyen-Orient. Le bouleversement des alliances est suivi avec attention à travers l’analyse des votes à l’Organisation des nations unies (ONU), des visites de dignitaires étrangers ou autres et par l’appréciation des décisions occidentales ces derniers temps, qui ont contribué à la détérioration des attentes au niveau des relations actuelles.

Plus près de chez nous, une politique étrangère – appelée «Global Britain» – a fait l’objet d'un examen minutieux il y a quelques semaines à peine. Le Brexit n’était pas encore terminé et le rapprochement avec l’Union européenne (UE) s’avérait aussi difficile que beaucoup l’avaient prédit. Des propos excessifs ont accompagné des médias en colère. Résoudre les réglementations contrôlant les flux commerciaux à travers la seule frontière terrestre avec l’UE, entre le Royaume-Uni et la république irlandaise, était déjà assez difficile. Mais cette question avait également suscité l’intérêt et l’inquiétude des États-Unis en raison de ses répercussions sur l’accord de paix d’il y a près de vingt-cinq ans d’une part, et sur un président farouchement fier de ses racines irlandaises de l’autre. Global Britain visait expressément un nouveau départ et les quelques escarmouches visant à projeter une nouvelle identité n’étaient pas contraires aux souhaits de Downing Street.

Ces quelques semaines ont suffi pour faire toute la différence. Pour ceux qui sont déçus par le départ du Royaume-Uni de l’UE, mais qui sont déterminés à soutenir une relation nouvelle et étroite avec des amis, la nature du rapprochement de l’Europe dans son ensemble est encourageante. C'était comme si nous avions soudainement découvert ce que nos vies d'après 1945 avaient vraiment été. Malgré tous leurs défauts, les démocraties libérales, dans lesquelles le peuple choisit l’orientation de ses États souverains, en valent la peine. Il reste des jugements de valeur sur le bien et le mal à prendre en considération dans un monde où le relativisme a prévalu sans doute pendant trop longtemps.

De même, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), considérée comme presque superflue par le président américain, Donald Trump, puise une nouvelle vitalité. Les États d’Europe de l’Est ne se sentent plus particulièrement vulnérables à des événements potentiels – bien qu’improbables – comme une invasion russe, mais ils ont vraiment peur de ce qu’ils ont vu défiler sous leurs yeux. Le renversement rapide des positions politiques de longue date sur les dépenses militaires, les sources d’énergie et les relations diplomatiques a provoqué, à ce stade initial, un rapprochement remarquable.

Il y a eu pire. La réponse à apporter à l’Ukraine, avec un soutien total sans engagement de forces réelles, était la bonne. Mais comme chacun sait, plus le conflit entre l’Ukraine et la Russie se prolonge, plus les questions risquent de devenir difficiles. Les problèmes entre l’UE et le Royaume-Uni ne sont pas liés à l’Ukraine. Il devrait être évident que des efforts doivent être déployés des deux côtés pour parvenir à un compromis raisonnable en vue de consolider les nouvelles possibilités et d’éviter les affrontements à venir et les jeux politiques à des fins électorales. De la même manière, l’Otan devrait définir les nouveaux engagements nécessaires à son avenir, moins pour défier Moscou que pour offrir la certitude d'une réponse qui évite une prise de risque inappropriée.

Cependant, un autre problème point à l’horizon. La plupart des électeurs accordent relativement peu d’attention aux affaires mondiales jusqu’à ce qu’elles les affectent à l’échelle nationale. Ils vont désormais y prêter attention. Ce sujet attise d’ailleurs leur colère.

Le monde occidental d’après-guerre a consacré de nombreuses ressources à l’amélioration du niveau de vie, notamment les dépenses de santé, la retraite, l’éducation et les loisirs. Les dépenses de défense et de sécurité ont souvent été mises en opposition avec celles-ci en période de pression économique. Les gens ont demandé avec effronterie que la défense soit soutenue par la charité, et non par leurs aides sociales. Les gouvernements britanniques ont recueilli une grande partie des «dividendes de la paix» après 1989 et ils ont régulièrement réduit les investissements dans les forces armées, affirmant que celles-ci étaient toujours aussi puissantes qu’avant grâce aux nouvelles technologies et aux équipements perfectionnés.

«L’Europe de l’Ouest devra dépenser plus pour la défense et l’état de préparation et moins pour ce à quoi nous nous sommes habitués.»

Alistair Burt 

Nous ne pourrons pas continuer ainsi. La véritable horreur en Ukraine – les crimes de guerre, la destruction et les déplacements massifs de population (honteusement moins pris en compte dans les conflits du Moyen-Orient qu’en Europe) – n’est pas infligée aux populations d’Europe de l’Ouest. Mais leurs dirigeants vont leur demander de prendre en charge de nouveaux frais. Les prix des denrées alimentaires et de l’énergie augmenteront en raison de facteurs qui échappent probablement à leur contrôle et la croissance économique devrait cesser. Mais il faudra dépenser plus pour la défense et l’état de préparation, et moins pour ce à quoi nous nous sommes habitués. Notre engagement envers l’aide humanitaire sera encore plus réduit, comme l’a déjà souligné l’ONU.

On ne sait pas exactement ce que feront les gouvernements élus lors des prochaines élections. Les gens seront en colère, mais ils devraient réserver leur colère au régime et à l’homme qui en est responsable, se serrer la ceinture et se rappeler que leur liberté a eu un coût dans le passé. Ils exigeront également que davantage de nos amis portent ce fardeau à travers le monde, puisque le coût final sera alors plus faible.

 

Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels aux Affaires étrangères et au Commonwealth en tant que sous-secrétaire d’État parlementaire de 2010 à 2013 et en tant que ministre d’État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019. Twitter: @AlistairBurtUK

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com