PARIS-BOBIGNY : Six jours après la violente attaque qui a visé deux policiers à Herblay (Val-d'Oise), l'un des trois suspects a été mis en examen pour « tentative de meurtre » et placé en détention mardi, pendant que ses deux complices présumés restaient toujours introuvables.
A l'issue d'une garde à vue de quatre-vingt seize heures, cet homme de 28 ans a été mis en examen pour « tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique » et pour « détention d'arme en réunion », a indiqué le parquet de Pontoise.
Membres de la police judiciaire de Cergy-Pontoise, les deux fonctionnaires, âgés de 30 et 45 ans, ont été attaqués alors qu'ils se trouvaient dans une voiture banalisée en surveillance dans une zone industrielle d'Herblay, le 7 octobre autour de 22H30.
Leurs agresseurs les ont d'abord roués de coups au sol, notamment au visage et à la tête, avant de leur voler leurs armes de service et d'ouvrir le feu sur eux à plusieurs reprises, les blessant grièvement.
Les deux enquêteurs étaient toujours hospitalisés mardi, selon le parquet, mais l'état de santé du brigadier, dont le pronostic vital était engagé, restait stationnaire mardi.
Dès le début de leur enquête, les policiers ont établi la présence de trois suspects sur les lieux de l'agression.
L'homme de 28 ans, qui s'est rendu vendredi à la police à Versailles, affirme avoir été sur les lieux de l'agression avec deux autres hommes très alcoolisés qui se seraient déchaînés sur les deux fonctionnaires, a indiqué son avocat, Me Joseph Cohen-Sabban.
« Il est maintenant acquis qu'il n'a pas tiré sur les policiers » et « les policiers savent lequel des trois a tiré », a-t-il précisé.
« Massacrés »
Les deux autres suspects étaient toujours recherchés mardi soir par environ 300 policiers, appelés en renfort sur cette affaire, a-t-on appris de source proche de l'enquête.
Les agresseurs auraient pris les fonctionnaires pour « des gitans déguisés en flics », selon des sources policières.
Selon la version du jeune homme racontée par son avocat, « le ton serait ensuite monté » entre ses deux comparses et les fonctionnaires, après que ceux-ci eurent décliné leur profession.
Cette attaque a suscité l'indignation de l'exécutif et de nombreuses réactions dans la classe politique.
Le Premier ministre Jean Castex avait condamné un acte d'une « grande sauvagerie » ayant « pris pour cible la République ». Ces policiers ont été « massacrés » avait renchéri le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Marine Le Pen s'en est prise à l'exécutif. « Que faut-il faire pour que le gouvernement prenne la situation au sérieux et décrète un énorme tour de vis contre la criminalité ? », avait-elle tweeté. Quant au président des Républicains Christian Jacob, il a accusé Emmanuel Macron et le gouvernement de « laxisme, laisser-faire, manque de réaction ».
Darmanin avance de nouvelles mesures
Ces développements intervenaient alors que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin présentait mardi une série de mesures pour améliorer le « quotidien » des policiers, des annonces aussitôt saluées par leurs syndicats, qui doivent être reçus jeudi par le président Emmanuel Macron sur fond de « ras-le-bol » après une série de violences.
Le ministre de l'Intérieur a notamment dévoilé la création d'une prime pour les « nuiteux », les 22.000 policiers travaillant de nuit. Réclamée de longue date par les organisations syndicales, elle permettra aux fonctionnaires concernés de toucher en moyenne 60 à 100 euros de plus par mois.
La rencontre mardi entre M. Darmanin et les représentants des policiers intervenait sur fond de malaise policier après l'attaque aux mortiers d'artifice du commissariat de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) dans la nuit de samedi à dimanche et l'agression par balles de deux policiers, mercredi à Herblay (Val-d'Oise).
Lors de cet échange en visioconférence pour cause de situation sanitaire, Gérald Darmanin a également détaillé aux organisations syndicales le budget 2021 de son ministère, « en hausse de 325 millions d'euros ».
Les crédits consacrés au matériel et aux équipements vont ainsi augmenter de 15 millions d'euros et ceux dédiés au parc automobile de 125 millions d'euros. Cela doit permettre le renouvellement d'un véhicule sur quatre, selon le ministère.
Le budget immobilier va lui aussi augmenter de 12 millions d'euros, a dit le ministère, qui espère obtenir jusqu'à 740 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, afin de rénover les commissariats notamment.
Des mesures sur le déroulement de carrière des gardiens de la paix et des agents de la « filière investigation », en crise, ont aussi été évoquées, avec notamment une « revalorisation » de la prime d'officier de police judiciaire.
« S'il arrive à mener à bien tous ces projets dans les prochains mois, on pourra enfin dire qu'il y a une reconnaissance du métier de policier », a réagi Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d'Alliance police nationale.
« Dans le bon sens »
« Les mesures vont dans le bon sens », a ajouté Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie-Officiers. « Maintenant on attend la rencontre avec Emmanuel Macron jeudi, on a des choses à lui dire, notamment sur la réponse pénale ».
Les syndicats doivent s'entretenir jeudi avec le chef de l'Etat pour évoquer cette fois la question de la « protection des policiers », selon l'Intérieur, une rencontre qu'ils sollicitaient sans succès depuis de longs mois.
Quelques heures avant de recevoir les syndicats, le ministre de l'Intérieur avait présenté à la mi-journée, pour la première fois, aux côtés de la ministre déléguée Marlène Schiappa, une série d'indicateurs de l'activité policière du mois de septembre. Ces statistiques ont notamment fait état d'une hausse des saisies de cannabis (4,2 tonnes sur un mois) et des interpellations de trafiquants de stupéfiants (1.189).
Depuis son arrivée à Beauvau, M. Darmanin a fait de la lutte contre le trafic de stupéfiants « l'alpha et l'oméga » de sa politique de sécurité, en assurant qu'il ne menait pas une « politique du chiffre » mais « une politique du résultat ».
Il a également annoncé mardi qu'il réunirait de nouveau les organisations syndicales en novembre pour leur présenter le livre blanc de la sécurité intérieure, avant qu'il ne soit « rendu public ».
La publication de ce travail, objet de longs mois de consultations dans les cénacles sécuritaires, n'a cessé d'être repoussée. Et avec elle, la perspective d'une réforme structurelle et en profondeur de la police nationale.
La présentation du livre blanc coïncidera avec l'examen à partir du 17 novembre à l'Assemblée nationale de la proposition de loi LREM sur le continuum de sécurité.
Ce texte traite notamment des polices municipales, de l'utilisation des images réalisées par les caméras portatives des forces de l'ordre et du floutage des images des visages des policiers.