DUBAÏ: L'année s'annonce chargée pour la jeune poétesse palestinienne Farah Chamma, basée aux Émirats arabes unis (EAU). Chamæleon, un programme de poésie et de musique électronique créé par Chamma avec le producteur brésilien Liev, devrait être présenté dans des festivals au Portugal et aux Pays-Bas. Par ailleurs, son spectacle en solo, Poems without Bread, doit être lancé à Dubaï avant l'été.
L’artiste enregistre également une deuxième saison de Maqsoud, un podcast produit par Sowt avec la poétesse libanaise Zeina Hachem Beck. Et, comme si cela ne lui suffisait pas, elle participera également au festival Poésie Moteur en Belgique, le 9 avril.
«C'est trop», sourit Chamma. «Je suis submergée, mais j'essaie de suivre le courant et de trouver le bon moment pour tout. Cela signifie travailler à distance avec Liev, qui est basé à São Paulo, et essayer d'imaginer comment le premier EP de Chamæleon, Uncanny Valley (Vol 1), fonctionnera sur scène. La poétesse doit trouver un équilibre entre son travail à temps plein à la House of Wisdom de Sharjah et une carrière de création orale qui fait partie intégrante de sa vie depuis son adolescence.
Chamma s’est fait connaître pour la première fois sur la scène à l'âge de 16 ans avec The Poeticians, un groupe de poésie basé à Dubaï et fondé par la cinéaste et écrivaine palestinienne Hind Choufani. Mais ce sont ses passages en ligne de How Must I Believe? et The Nationality, qui ont véritablement propulsé la jeune femme de 19 ans sur la scène mondiale, et ont donné le ton pour une grande partie de ce qui allait suivre.
Aujourd’hui, son nouveau spectacle en solo, Poems without Bread, réunit une grande partie de l'œuvre de Chamma exprimée en langue familière en une seule prestation. Ce spectacle comprendra dix parties, dont sa dernière création, Falastini Ana, qui a été diffusée sous forme de vidéo animée sur YouTube en octobre dernier.
Créée par l'artiste palestinien Ahmed Khalidi et accompagnée d'une musique écrite et interprétée par Marouan et Ismaël Betawi, Falastini Ana, initialement commandée par Action for Hope, est à bien des égards révélatrice de la façon dont la poésie de Chamma sur la Palestine a changé.
«Cela ressemble davantage à mon histoire maintenant», dit-elle. «Cela ressemble plus à la Palestine dans ma vie quotidienne. Et l'un des changements est que la nostalgie a changé, elle devient plus tangible», raconte-t-elle.
Bien que la majeure partie de sa poésie soit axée sur la Palestine, les thèmes de l'œuvre de Chamma sont variés. La sexualité, les sentiments, et la justice sociale sont fortement présentes, tandis qu'un questionnement perpétuel anime une grande partie de son écriture. «Ma poésie ne parle pas seulement de la Palestine, mais la Palestine y est essentielle parce que c'est de là je viens. Elle me manque, j'en parle, j'y ai de la famille, elle resurgit en permanence», explique-t-elle. «Je pense vraiment que j’explore la liberté sous toutes ses formes. Comment se libérer de tout? Même la sexualité est une question de liberté. Il s'agit toujours pour les gens d'être bien dans leur corps, bien dans leur tête, dans leur pays, et je filtre juste tous ces autres sont, voyez-vous»
La musique joue un rôle de plus en plus important dans le travail de Chamma. Avec Chamæleon, qui explore les rencontres entre l’expression de la parole et les structures musicales, les sons sont électroniques et ambiants. Avec les frères Betawi, ils sont plus traditionnels: la poésie est interprétée dans le dialecte palestinien et en grande partie assimilée au oud et au violon. Aux deux programmes viennent s’ajouter des éléments visuels ou d'animation.
«Ce n'est jamais intentionnel», explique Chamma, qui est née à Dubaï et vit à Sharjah. «La poésie n'a pas été écrite pour être mise en musique, mais je pense qu'elle a commencé avec l'instrument le plus évident de la poésie arabe: le oud. Mais comme cela ne suffisait pas, nous avons tenté des expériences. Je pense que le rap m'a vraiment aidée à comprendre le rythme, la poésie et la musique. La musique opère parce qu'elle améliore l'expérience. Et je ne pense pas que l’on puisse parler de poésie mise en musique. Je commence à la voir comme un genre en soi. C'est une expérience musicale», précise-t-elle.
«C'est pour cela que c'est agréable, parce que cela ne confère pas plus de poids à un élément qu'à un autre, à moins que l’on ne veuille à un moment particulier donner plus de poids aux mots», poursuit-elle. «Il s'agit de la façon dont tout cela résonne et c'est tellement plus libérateur de profiter du son de tout, plutôt que de le considérer comme un poème mis en musique. Je ne pense plus que ce soit un accompagnement. Cela ressemble à un mariage des deux éléments.»
Le premier EP de Chamæleon est sorti en février, et un album avec les frères Betawi est actuellement en préparation. «Il existe vraiment un dynamisme et je suis très satisfaite de ce qui m’arrive», confie Chamma avec un sourire. «Avec ces deux groupes, je suis tout à fait à l'aise et en sécurité. Et nous nous épanouissons ensemble.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com