LONDRES: Il y a quelques mois, le Royaume-Uni accueillait la conférence internationale sur le climat COP26 et la stratégie énergétique de Londres visait en priorité la transition vers la neutralité carbone. Depuis, la guerre en Ukraine et l'inflation ont changé la donne.
Le gouvernement conservateur dévoile ainsi jeudi une nouvelle stratégie sur la sécurité énergétique, qui veut accélérer sur le nucléaire, l'éolien, le solaire, mais aussi des énergies fossiles en mer du Nord.
"Des projets audacieux pour augmenter et accélérer la production d'une énergie abordable, propre et sûre, fabriquée en Grande-Bretagne, pour la Grande-Bretagne - du nouveau nucléaire à l'éolien offshore - dans la décennie à venir", a déclaré dans un communiqué le Premier ministre Boris Johnson.
Le Royaume-Uni entend ainsi réduire sa dépendance à des sources d'énergie "exposées à des prix internationaux volatils" pour "bénéficier d'une plus grande autosuffisance énergétique et de factures moins élevées", souligne le dirigeant conservateur.
En réponse à l'invasion de l'Ukraine, Londres a annoncé la fin de ses importations de pétrole russe d'ici à la fin de l'année, qui représentent 8% de sa consommation, et veut aussi cesser à terme celles de gaz (4%).
Si le pays est moins dépendant des hydrocarbures russes que d'autres pays européens, comme l'Allemagne, le pétrole et le gaz pèsent encore 75% de son mix énergétique.
L'envolée à des records historiques des cours du gaz a donc frappé particulièrement durement les ménages britanniques. "Il n'y a pas eu une telle envolée de l'énergie depuis le choc des années 70", constate John Underhill, professeur à l'université d'Aberdeen, interrogé par l'AFP.
Accusé d'inaction face à des Britanniques forcés de choisir entre chauffage ou nourriture, Downing Street est sous pression pour agir, surtout à l'approche d'élections locales en mai.
«Un monde incertain»
Pendant que le secrétaire général de l'ONU qualifie les nouveaux investissements dans les carburants fossiles de "folie économique et morale" au vu de l'urgence climatique, le ministre britannique de l’Énergie Kwasi Kwarteng n'hésite plus à affirmer à l'inverse qu'il serait "complètement fou" pour le Royaume-Uni "de fermer le robinet sur (sa) source nationale de gaz dans un monde aussi incertain".
Si la nouvelle stratégie énergétique de Londres laisse augurer un coup de fouet aux investissements dans la recherche et le forage en mer du Nord, John Underhill remarque que l'exploration de nouveaux champs pourrait prendre des années.
Il s'attend donc à "plus d'activité autour de gisements existants comme celui de Blyth, Elgood et Southward".
Kwasi Kwarteng admet que forer plus localement ne va pas faire retomber les prix du gaz, cotés sur des marchés internationaux.
"Nous devons donc générer plus d'électricité en Grande-Bretagne" avec les renouvelables et le nucléaire, insiste-t-il.
Ambitionnant une part de 95% d'électricité bas carbone d'ici à 2030, le Royaume-Uni prévoit d'accélérer sur le nucléaire, notamment grâce à de petits réacteurs modulaires qui doivent être construits par Rolls Royce.
Le pays a beaucoup de retard dans ce domaine comparé à la France par exemple, qui tire autour de 70% de son électricité de l'atome, et espère produire 25% de ses besoins en électricité grâce au nucléaire d'ici à 2050.
Les projets de grande envergure comme Sizewell C piétinent cependant depuis des années, entre craintes géopolitiques liées à l'implication d'un autre géant mondial, la Chine, et problèmes de financements et techniques.
Boris Johnson table aussi largement sur l'éolien offshore, dont le Royaume-Uni est l'un des leaders européens.
À l'inverse, la fracturation hydraulique et l'éolien terrestre n'auront pas un rôle central en raison de "la forte opposition locale", a indiqué récemment le ministre de l’Énergie, même s'il a lancé une nouvelle étude sur la faisabilité du "fracking" dans le pays, jusqu'alors sujet à un moratoire.
À plus long terme, Londres regarde aussi du côté de la technologie prometteuse de l'hydrogène "vert" et de l'énergie marémotrice.
L'association écologiste Greenpeace a déploré dans les annonces ces derniers jours de Kwasi Kwarteng le manque de mesures pour réduire les dépenses énergétiques, notamment pour l'isolation des logements.
"Se précipiter pour signer de nouvelles licences de production de carburants fossiles qui mettront des décennies à aboutir n'aidera pas à faire barrage à Poutine et aggraverait" le réchauffement du climat, critique l'ONG.
Et pour financer des factures énergétiques des ménages, elle appelle à une taxe sur les profits mirobolants des géants de l'énergie engrangés grâce à la flambée des cours. D'ores et déjà refusée par Downing Street.